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SénatMais pourquoi le Sénat a-t-il reçu les anti-PMA pour toutes ?

Par Elodie Hervé le 06/12/2019
Sénat

Le temps d’une soirée, les associations anti-PMA ont été auditionnées au Sénat, dans le cadre du projet de loi bioéthique. Avant même de recevoir les associations LGBT. TÊTU a voulu savoir pourquoi.  

Mardi 4 décembre. Les représentants de La manif pour tous, de la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC), des Poissons roses mais aussi de l’Alliance Vita se sont pressés sous les dorures du Sénat. Ils étaient auditionnés par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. 

Pendant presque deux heures, les arguments absurdes ou violents,  vont se heurter au velours des sièges, sans qu’aucun ne soit étayé d’une source fiable ou d’un rapport, ce qui a agacé bon nombre d'associations et de défenseurs des droits LGBT. 

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"Ils ont toujours été invités"

“On ne va pas se mentir, ce n’est pas une nouveauté”, souffle Jérémy Faledam, co-président de SOS Homophobie. “Depuis l’adoption du Pacs, ils ont toujours été invités. Toujours ! Pourtant, ces gens-là, ils n’ont aucune expertise. Ni sociétale, ni universitaire, ni rien”

 “Ils ne pèsent rien, ils ne mobilisent personne, ils n’existent pas”, s'insurge aussi Nicolas Faget, porte-parole de l'APGL. “Ils parlent au nom d’enfants dont ils se foutent. Ces assos ne veulent même pas les voir, et ce n’est pas faute de les avoir invités à venir les rencontrer”. 

"Aurait-on invité des assos xénophobes pour parler d'une loi contre le racisme ?"

Dernière audition

De surcroît, les sénateurs ont choisi d'entendre d'abord les responsables religieux et les organisations anti-PMA, avant même de rencontrer les assos LGBT. On est les derniers à avoir voix au chapitre”, s'agace Céline Cester, présidente des Enfants Arc-en-Ciel. “Il n’y a aucune volonté de nous recevoir, ni de nous entendre”.

Pour Alexandre Urwicz de l’Association des familles homoparentales (ADFH), c'est même pire que ça. "En France, on a un réel problème avec l'homophobie. Aurait-on invité des associations ouvertement xénophobes pour parler d'une loi luttant contre le racisme ? Je ne pense pas.”

Pluralité d'expression

Du côté du Sénat, la réponse tient en quatre mots : pluralité d’expression et indépendance parlementaire. “Nous avions besoin d’entendre toutes les parties, explique la sénatrice Marie Mercier (LR). Que l’on partage leurs opinions ou non, il était nécessaire d’entendre leurs arguments”.

De son côté, Bernard Jomier, sénateur écologique apparenté PS et rapporteur sur ce texte de bioéthique, rétorque que c’est la mission même du Sénat. “Notre rôle est d’écouter les arguments des uns et des autres. Et cela même si leurs propos vont à l’encontre de nos convictions intimes”.

Un problème de laïcité ?

Est-il normal, dans un pays laïc, que des associations religieuses aient leur place au Sénat ? Car comme le rappelle Flora Bolter, co-directrice de l'Observatoire LGBT+ à la Fondation Jean-Jaurès ces associations “se prétendent toutes laïques, ce qui est faux”. On le sait qu’elles se réfèrent à la religion pour leurs arguments. Donner 50 % de temps de parole à ce type d’organisme est problématique”.

Pour l’Observatoire de la laïcité, toutefois, ces auditions ne posent pas de problème au regard de la loi de 1905. “Le Parlement est en droit d’auditionner qui il souhaite. Dans une démocratie laïque, il peut être opportun d’auditionner tous les courants de pensée”. De fait, les représentants du culte ont eux aussi été entendus en plénière.

Sous couvert d’anonymat plusieurs sources dénoncent cependant une stratégie politique. “Quel intérêt de recevoir des associations catholiques sur cette question si ce n’est dans une stratégie électoraliste ?”, souligne un parlementaire. 

Des auditions filmées

Autre interrogation : le choix de filmer cette audition. Contrairement à l’Assemblée nationale qui a choisi de diffuser l'intégralité des auditions (hors témoignages), ce n’est pas le cas au Sénat. D’un côté, il y a les auditions rapporteurs sans caméra ni compte rendu, de l’autre les auditions plénières -  filmées et ouvertes à la presse.  C’est donc dans ce cadre de réunions de travail non filmées que plusieurs associations, parmi lesquelles le Planning Familial ou Réseau Fertilité France ont été reçues.

“Avant notre audition, nous avons précisé que rien ne justifiait le huis clos, raconte Larissa Meyer, de Réseau Fertilité France. On m'a expliqué que le format sans caméra permettait une expression plus libre et était pour cette raison préférée dans le cadre des auditions rapporteurs. Pour ma part, j'ai été auditionnée en 2018 par l’Assemblée nationale dans le cadre d'une audition filmée sur le don d'ovocytes et je n'ai pas trouvé de grande différence.”

"Pas assez de créneaux"

Là encore, le service communication répond qu’il s’agit d’une question “d’organisation d’emploi du temps. Tout le monde ne peut être entendu en plénière”. Même argument lorsqu'on leur dit aussi que peu d'associations LGBT vont être entendues en plénière. "Il n’y a pas assez de créneaux disponibles pour recevoir toutes les organisations. Des choix ont été faits en fonction des disponibilités et de la représentativité”.

Bernard Jomier ajoute que les organismes et associations reçues en plénières sont “celles et ceux qui ont un avis sur l’ensemble du texte”. Celles et ceux qui ne peuvent pas parler de tous les articles sont reçus en séance rapporteur. “Ce qui était le cas de cette réunion qui tournait autour des articles 1 à 4”. Quant aux associations pro-PMA, certaines seront reçues le 19 décembre :  l’APGL, GayLib, l'Inter LGBT et SOS homophobie. Et heureusement, là aussi, ces auditions seront filmées.