Sami Outalbali, le Rahim sexy, gay et frenchy qui débarque dans la saison 2 de Sex Education sur Netflix, se livre dans le nouveau numéro de TÊTU.
On aimait déjà beaucoup Sex Education. On l’adore d’autant plus quand Sami Outalbali apparaît au casting de la saison 2, dans la peau de Rahim. Un personnage inspirant de plus à rajouter à la filmographie du jeune acteur français. On l’avait déjà repéré depuis un moment. Pendant trois saisons des Grands, il a donné corps à Ilyes, ado gay qui se découvre, se perd et se retrouve. Récemment, on l’a vu en grand frère égaré dans Mortel, une série SF de Netflix, ou encore en ami ange gardien dans le beau Lola vers la mer.
Une silhouette, un sourire, un naturel qui détonnent dans un paysage français tristement normé. Du haut de sa vingtaine, Sami Outalbali pourrait bien incarner le futur. Et ça, les Britanniques l’ont compris avant nous. Dans la saison 2 de Sex Education, Sami fait tourner les têtes en jouant un Français mystérieux et donne au passage une leçon de lavement anal d’anthologie au monde entier.
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Une série phénomène pour un jeune acteur en passe d’en devenir un grand. Derrière le look faussement désinvolte et la rhétorique lissée pour les médias, c’est ce Sami-là qui nous intéresse : un comédien ambitieux qui n’en revient toujours pas d’en être déjà arrivé là.
La deuxième saison de Sex Education est sortie en janvier. Ressens-tu déjà le poids du phénomène?
Samy Outalbali : Ça commence tout juste. Dans la rue, ça va encore. On commence un peu à me regarder de travers, à se dire qu’on m’a sûrement déjà vu quelque part. C’est nouveau pour moi, ça me fait bizarre. Mais quand je vois la folie sur les réseaux sociaux, je sens bien que quelque chose se passe. Je me prends d’un coup une mégadose d’amour et de soutien. Quand j’y pense, ça me fait un peu flipper. C'est cool, très cool même, mais j'ai comme l'impression d'être dans une voiture qui avance toute seule.
Après Les Grands, tu interprètes de nouveau un personnage gay dans une série sur l’adolescence. Lequel te ressemble le plus ? Ilyes ou Rahim ?
Ce sont deux ados gays, mais ce ne sont pas du tout les mêmes personnages. C’est ça qui me plaisait. Mais je trouve ça bizarre de les rapprocher sous prétexte qu’ils sont gays. Comme si ça définissait un type de jeu ou de rôle... J’ai grandi avec Ilyes : j’avais quasiment son âge quand on a commencé à tourner. J’aime bien sa pudeur et sa discrétion. Rahim, lui, est plus dans le contrôle. Il met des barrières, crée une distance avec les gens. Avec Ilyès, on suivait le parcours d’un ado qui se découvre et qui prend le temps d’affirmer qui il est. Quand on joue un coming out, on a en-vie d’être à la hauteur. J’ai toujours essayé de faire d’Ilyes un personnage fort. Rahim, quand on le découvre, il sait déjà où il va, qui il aime, et ce qu’il veut. C’est pas du tout la même énergie, pas du tout la même façon d’être à l’écran.
Quand il arrive, tout le monde le regarde, il a le pouvoir. C’est marrant parce qu’il n’évoque jamais sa sexualité. Il tombe amoureux d’Eric, mais il ne dit jamais qu’il est gay. Je le trouve très réconfortant parce qu’il ne se pose pas de questions. La force de Sex Education, c’est de donner le pouvoir, de l’assurance, à des personnages qui d’ordinaire dans la fiction n’en ont pas. Ils ont beau avoir plein de doutes, ils avancent. Là où nous, la moindre question peut nous paralyse, eux avancent et affrontent leurs problèmes. Ce sont des personnages inspirants et ça fait vachement de bien.
Ilyes, en tant que héros ado gay, est un personnage qu’on ne voit vraiment pas souvent dans la fiction française...
À l’époque, j’avais 15 ans et je ne me posais pas toutes les questions que je me pose à présent sur l’impact d’un rôle. Aujourd’hui, je me rends bien compte que ce personnage a compté pour pas mal de gens, d’ados. Ce n’est qu’à la troisième saison que le public s’est rendu compte que la série allait là où personne ne s’aventurait jamais. Je suis hyper fier d’avoir joué Ilyes, d’avoir raconté son histoire. Non pas parce que j’étais le premier à endosser un tel rôle, mais parce qu’il me parlait. Aujourd’hui, les gens me disent que c’était nouveau, que ce personnage est important. Tant mieux. Pour moi, c’était surtout une belle histoire à raconter.
Ça veut dire que tu n’as pas conscience de l’impact politique et social de ces personnages ?
À titre personnel, je veux me tenir à distance de tout ça quand je joue. Je ne peux pas penser aux conséquences ou à l’impact d’un rôle quand je suis dedans. Ce serait malhonnête, ce serait fabriqué. Je crois que mon “inconscience”est en fait très politique ! (Rires.) Naturellement, je vais vers ces rôles parce qu’ils me parlent. Quand on regarde ta jeune carrière, très vite tu fais des choix de films et de séries très engagés : Fiertés, Les Grands, Lola vers la mer ou encore Mortel. C’est rare un jeune acteur avec une carrière aussi cohérente...
C’est ce que j’essaie de faire. J’ai commencé à 6 ans, et au début ça partait un peu dans tous les sens. J’ai joué dans Les Tuches (2011) et je ne le regrette absolument pas, hein. En grandissant j’ai compris ce qui me plaisait et j’ai eu besoin de faire des projets qui me tenaient à cœur, des projets que je veux et peux défendre et dont je serai encore fier dans vingt ans. Moi, je n’ai pas forcément un message. Mais si je peux me mettre au service de ceux qui en ont un, ça me va.
Tu défends souvent des personnages et des œuvres queers qui bousculent les normes de la virilité...
C’est un sujet qui m’intéresse. Mais ce n’est pas pour autant que je ne souhaite faire que ça. Les projets s’enchaînent, et, quand on les fait, on les trouve tous différents les uns des autres. C’est quand on discute avec des journalistes qu’on découvre que, pour le public, l’ensemble est très cohérent. Alors qu’au fond j’ai juste eu la chance qu’on me propose de beaux projets. La question de l’identité sexuelle des personnages que je joue est encore un sujet dans le regard des gens. Pour moi, ce n’en est pas un. Ilyes et Rahim sont avant tout des ados. Maison se sent obligé de rajouter l’étiquette“gay” dessus. Ça prouve bien qu’y a encore un problème dans notre société, non? Qu’il y a encore du chemin à faire.
En janvier, tu portais une jupe au défilé Ami lors de la Fashion Week homme. Es-tu conscient de l’impact que cela peut avoir sur Instagram ?
Ce n’était pas du tout réfléchi. Juste avant le défilé, je faisais des essayages.Au départ, je devais porter un très beau costume en cuir. Et puis j’ai vu cette jupe sur le portant des femmes. On m’a dit non, et j’ai insisté. Je l’ai enfilée et j’ai trouvé ça mortel. Alors bien sûr que j’ai conscience que ça envoie un message :“Faites ce que vous voulez! Éclatez-vous!” Si ça c’est politique, alors tant mieux. Mais franchement, si on commence à se prendre la tête sur la façon dont on s’habille... Si, quand je suis moi-même, pour toi c’est un message, alors tant mieux... Je fais le choix de ne pas effacer qui je suis et de ne pas essayer de plaire à tout le monde.
C’est un risque que je prends. Peut-être qu’on va me mettre dans une case, peut-être que des rôles vont m’échapper, dommage, tant pis, je ne sais pas. Je veux croire que les réalisateurs et réalisatrices d’aujourd’hui ont de l’imagination, et que tout le monde peut jouer n’importe qui. J’ai autant envie d’être Rahim dans Sex Education qu’un mec très violent dans Peaky Blinders. Je suis fou de ces deux séries, et regarde : je suis dans la deuxième saison de Sex Education. C’est bien que tout est possible, non ?