livre5 livres cultes et cul, pour passer le confinement

Par Guillaume Perilhou le 13/04/2020
Livres

Alors que le confinement devrait être prolongé, voici cinq livres importants et sexy pour tenir encore un peu.

Tout le monde n’a pas la chance d’être confiné à deux. (Ou trois, ou comme vous voulez.) Avec l’impossibilité de sortir daguer, flirter, aimer, certains se ruent sur les applis comme les chats sur des aquariums. Or il est un lieu où, plus encore que d’habitude, la liberté n’est jamais entamée : la lecture. Parce que lire est un moyen de s’évader, de toucher, d’embrasser, de baiser même par la pensée, TÊTU vous propose cinq textes de fantasmes et d’orgasmes. À acheter en format numérique, ou à noter pour plus tard, quand les librairies rouvriront…

Dans ma chambre, Guillaume Dustan, éditions P.O.L

Premier ouvrage de l’un des écrivains emblématiques de la littérature gay française, Dans ma chambre donne le ton d’une oeuvre sulfureuse et controversée. Paru en 1996, Dans ma chambre, édité aujourd’hui en poche, est le roman d’une existence menacée par la maladie. Dustan a 30 ans et plus beaucoup de temps, il écrit comme il court après la vie : à toute allure, parce qu’il est déjà trop tard. Dustan aime sans capote, défend le barebacking, les excès, la drogue, se fiche de tout et des autres. Une radicalité mélancolique et touchante qui inspire de nombreux auteurs et autrices - Christine Angot et Constance Debré revendiquent aujourd’hui notamment leur filiation. L’urgence est jouissive et Dustan est un modèle pour tous ceux qui semblent écrire comme ils respirent. Il disait coucher ses phrases d’un seul jet, sans retouche. Nombreuses furent les critiques, du fond (comment prétendre à l’époque que le sida ne tue pas en France) comme de la forme, et l’on peut reprocher à Dustan son dessin monochrome. Mais sa lecture est indispensable, reflet d’une époque. Le talent des écrivains qui comptent.

Extrait : « Je le regarde. Je le trouve hyper beau ce soir. Il n’a pas beaucoup dormi la nuit dernière. Après le Queen on est passés au Transfert et on a ramené à la maison un très beau mec brun tbm, ce qui fait qu’on s’est couchés à huit heures. Il s’est levé à onze heures pour aller déjeuner chez sa copine H. Comme il ne l’a pas vue depuis un an, il n’a pas voulu décommander. Il est rentré vers cinq heures. Il m’a dit qu’elle l’avait trouvé changé, en mieux. Qu’elle lui avait demandé comment ça se passait avec moi. Qu’il lui avait dit Il m’emmène au bord du gouffre, et puis on part en deltaplane. »

Les Chiens, Hervé Guibert, éditions de Minuit

Autre roman des débuts, entièrement pornographique, Les Chiens parait en 1982, quelques années après La Mort propagande. Hervé Guibert se place en voyeur et explore déjà l’écriture de soi. Ce livre d’une quarantaine de pages à peine, dépeint un fantasme sadomasochiste, écrit à 25 ans par ce fils de la classe moyenne à la beauté angélique qui se fit connaitre du grand public huit ans plus tard, grâce à l’Ami qui ne m’a pas sauvé la vie. Les Chiens sont crus, puissants, tableau de jeunesse d’une oeuvre de référence. Après À l’Ami, Guibert signa Le Protocole compassionnel et L’Homme au chapeau rouge, triptyque magistral (« une oeuvre barbare et délicate », jugeait-il lui-même, sans pathos jamais, toujours juste) dans lequel il raconte son sida. Dans le Protocole, on lit son dernier séjour sur l’île d’Elbe où il écrivait et où il est enterré, certain de la mort à venir après ce texte qui semblait être le dernier. Mais la mort patienta, il écrivit ensuite encore. Guibert avait trouvé en cette maladie un sujet à sa hauteur. Il raconte avec grandeur les amours condamnées.

Extrait : « J’ai étendu un drap à terre, et sur sa surface blanche, au stylo feutre, j’ai dessiné une sorte de cartographie, je l’ai divisé en lanières, en bâillons, en entraves diverses. J’avais calculé qu’il me fallait quatre bandes, une pour les pieds, une pour les mains, et une pour le sexe, un jugulaire et un mors pour les dents. La paire de ciseaux a suivi ces pointillés, comme un modèle, un patron de mes plaisirs à venir. Cette occupation a suffi à gonfler mon sexe et à le faire s’écouler en un mince filet brillant. »

Appelle-moi par ton nom, André Aciman, traduction de Jean-Pierre Aoustin, éditions Grasset

Le film culte est avant tout un livre signé André Aciman, publié à l’origine chez nous en 2007 par les éditions de l’Olivier sous le titre Plus tard ou jamais - réédité depuis l’adaptation sur grand écran par Grasset. Une oeuvre davantage fantasmatique que stylistique, bien qu’Aciman, spécialiste de Proust dont il enseigne l’oeuvre à New York, écrive parfaitement la langueur d’un été de jeunesse. Elio, 17 ans, tombe amoureux d’Oliver, jeune doctorant, ami de son père, invité à passer ses vacances dans leur villa, « quelque part au nord de l’Italie », en Ligurie. Un premier amour adolescent, inoubliable, un roman d’apprentissage du désir dans un décor propice au rêve. Ici, tout est calme et volupté, finesse et intelligence (on retiendra l’exemplaire monologue paternel), on aime l’art et on lit L’Heptaméron en allemand (la mère, so snob). Fidèlement adapté au cinéma par James Ivory - il reçut l’Oscar de la meilleure adaptation à 89 ans -, vous retrouverez dans ce roman l’atmosphère de Guadagnino. Si vous ne l’avez pas vu le film, ni encore lu ce livre, vous ne savez pas tout ce que l’on peut faire avec une pêche.

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Extrait : « J’aurais pu nier tant de choses – que j’avais très envie de toucher ses genoux et ses poignets lorsqu’ils luisaient au soleil avec ce lustre onctueux que j’ai vu chez si peu de gens ; que j’aimais que ses shorts blancs de tennis parussent perpétuellement tachés d’ocre, la couleur de sa peau au fil des semaines ; que j’adorais le reflet dans ses cheveux, chaque jour plus blonds, des premiers rayons de soleil avant même que l’astre ne fût complètement levé ; que sa chemise bleue bouffante, encore plus bouffante quand il la portait les jours venteux sur la terrasse près de la piscine, promît d’exhaler une odeur de peau et de sueur qui m’excitait rien que d’y penser. »

Pornographia, Jean-Baptiste Del Amo, éditions Folio

Une déambulation nocturne et mystérieuse dans une ville chaude de Cuba. Un livre poétique paru en 2013 et qui valut à Del Amo le prix de Sade cette même année, deux ans après son retour de Rome où il fut pensionnaire de la Villa Médicis. Un « chant funèbre », dit l’écrivain ; une galerie de prostitué(e)s où l’on retrouve le sexe et les effluves d’Une Éducation libertine, son premier roman. L’écriture est magistrale, luxuriante. À seulement 38 ans, Del Amo a signé quatre romans dont on se dit qu’ils resteront - il est l’auteur, aussi, de nouvelles et d’un livre d’art sur le travail photographique d’Hervé Guibert. Il nous promène ici avec brio dans les abîmes d’un monde aussi inquiétant qu’excitant de verges dardées et de fleurs sombres.

Extrait : « Leurs foutres sont un nectar doux et sucré : ils mâchent tout le jour des coupes de canne à sucre que nous volons pendant la zafra et glissons dans nos pantalons troués. Les garçons essoufflés par l’effort caressent mon crâne et me flattent. Ils rient sous la caresse de ma langue. Le nom de la papaye désigne dans leur argot le fruit dans lequel nous jouissons et le sexe des femmes dont ils ne connaissent rien encore. Des graines sont prises dans les poils des garçons déjà pubères et libèrent sous mes dents une saveur de poivre. »

Histoires pédées, Laurent Herrou, Antonin Crenn, Guillaume Marie, Alban Robin, éditions Pou

C’est l’histoire de quatre amis qui ont écrit chacun une nouvelle, « une série de contes érotiques – voire franchement porno – où, disons, il y a une majorité d’hommes. » C’est gai et original ; rares sont les occasions de lire ce genre de textes, contes brefs et légers. Ça fait sourire, voire rire - et pas que(ue). En ces temps particuliers, une lecture enjouée, parce que le sexe n’a rien de tragique.

Extrait : « À bout, Charles était trempé. Sur son dos ruisselait la sueur, sur ses jambes elle coulait aussi entre les poils. La bite était dressée derrière lui, fière de ne pas l’avoir perdu de vue. Alors qu’il reprenait son souffle, penché vers l’avant, les mains sur les genoux, la bite observa le joli cul du coureur, pointé vers l’arrière. Elle imagina bien vite ce que ce short pouvait cacher de peau, de chair et de trou. Et en quelques secondes, la petite bite fut déjà bien grande ! Les ailes blanches doublèrent de volume, alors que le membre déjà érigé gonflait et bandait comme un grand. Sans plus réfléchir, elle s’approcha du joli fessier et alla le caresser, du bout du gland. Étonné, Charles se redressa sans un mot et se retourna. Il aperçut alors cette magnifique bite bandée, surmontée de jolies ailes voluptueuses et, sans broncher, esquissa un large sourire et reprit sa position, penché vers l’avant. »