Abo

sexoConfinement : j'ai testé la sex party sur Zoom

Par David Sant le 15/04/2020
gay cam

[Chronique du sexe confiné 2/5] Alors qu'Emmanuel Macron a annoncé un mois supplémentaire de confinement, David nous raconte son expérience de partouze... sur l'application de conférence vidéo Zoom. Une idée à suivre ?

Après un mois de confinement, l’appel du sexe se fait de plus en plus compliqué. Au début je passais sur Grindr, vite fait, pour vérifier que je n’avais pas de nouveau message de mes crushs en cours. Ça serait bête de perdre le lien avec ce mec qui avait l’air de bien vouloir me laisser le lécher partout. Je lançais des « Salut, ça va ? » à la volée, échangeais deux trois nudes, et je retournais à mes occupations de confiné : cuisine, Nintendo Switch, série Netflix.

LIRE AUSSI >> :"J'ai retrouvé les plans cam de mon adolescence"

Je savais que nos échanges ne seraient que vains, puisque je ne comptais pas - par respect pour nos soignants ou par peur de choper cette saloperie de coronavirus - me rendre chez un inconnu pour baiser. Et puis un soir, un peu échaudé par un skypéro - comprendre après plusieurs verres de Prosecco - je me connecte à Grindr, plutôt déterminé à briser le confinement. Et heureusement, tout le monde n'était pas aussi faible que moi.

Plans cam

Je discute rapidement avec deux trois mecs, pas mal - pas oufs - avant qu’un couple assez sexy que j’ai déjà vu traîner dans les parages ne m’envoie un « Ça va? » avec un emoji langue et les yeux qui partent en vrille. Bon on sait ce que ça veut dire, ces mecs sont soit chéper, soit très excités. J’opte pour la deuxième option, bien que la première ne m’aurait pas dérangée, vu le nombre de mecs pas très clairs que j’ai déjà dragué en club. « On est en cam avec des mecs, si ça te dit ». Une sex party en cam ? Je m’arrête.

L’idée de me branler en webcam avec un un nombre d'hommes indéterminé m’excite moyen. Et si je connaissais quelqu’un ? Et si je débarquais sur la conv, et qu’il y avait mon boss, mon meilleur pote, ou mon banquier, qui m’a encore désactivé ma carte bleue ? Je gagne du temps : « Désolé les gars, je suis encore en conf call avec des potes, je vous rejoins après. »

Outil de travail

Finalement poussé par la curiosité, je finis par suivre le lien Zoom que le garçon - qu’on appellera Julien pour respecter son anonymat - m’a envoyé sur Grindr, et débarque sur cette appli que j’utilise toutes les semaines depuis le début du confinement pour faire des réunions avec les développeurs et le service marketing de ma boîte. Quand l’interface apparaît, j’ai vraiment l’impression que je vais me foutre à poil devant tous mes collègues, et c’est plus dérangeant qu’excitant (Sylvain de la compta, je t’adore, mais t’es vraiment pas mon genre).

Huit rectangles s'affichent sur l'écran, avec à chaque fois un à deux mecs à l’intérieur. Julien et son mec, bien sûr, que j'ai déjà vu en photo, et le reste, des inconnus. Je comprends que certains sont en couple, d’autres, amis - mais confinés ensemble. Des amis qui n’ont apparemment aucun problème à être ensemble à poil, sur un canapé Ikea, la bite à la main. Je ne leur jette pas la pierre, si quelqu'un d'aussi sexy avait bien voulu passer le confinement avec moi, j'aurais probablement fait pareil. 

"Skypéro baise!"

Tous les intérieurs se ressemblent : les canapés sont gris clair, gris foncé, beiges, le design scandinave. Les plantes vertes dépassent des bords de la caméra, et on aperçoit les cuisines ouvertes, en fond, avec les globes suspendus au-dessus du bar. Personne n’a l’air d’avoir migré chez ses parents ou dans sa maison de campagne, et c'est plutôt rassurant. Entre ça et la partouze virtuelle, ces gens apparaissent particulièrement responsables. Tout ce petit groupe a l’habitude de faire du sexe ensemble, me dit Julien : « Avec les potes d’apéro, on fait des skypéros, et avec les potes d’apéro-baise, on fait des skypéros-baise ! » Logique.

A LIRE AUSSI : Une enquête révèle les pratiques préférées des gays

Tout le monde me salue, et on me demande mon prénom. J’écoute avec attention l’état civil des uns et des autres, même si je suis absolument certain de ne pas m’en souvenir, et on m’encourage à enlever mon T-shirt, pour me « mettre dans l’ambiance ». J’aurais dû brancher le chauffage, il fait un peu froid dans mon salon.

Apéro naturiste

L’accueil est étonnamment bienveillant. J’ai déserté la salle de sport il y a quelques mois déjà, au profit d’une relation longue et exclusive avec les Oreo et cela semble ne gêner personne. Pourtant ils sont tous plutôt beaux gosses dans leur genre. Personne ne bande vraiment même si j’aperçois quelques mi-molles, mais pour l’instant c’est plutôt un apéro naturiste. On discute un peu de conneries, surtout du confinement, tous globalement gênés par mon arrivée un peu brutale dans l'intimité collective. Sans passer par la case vestiaire. 

Et puis en haut à droite de l’écran, un mec commence à sucer son partenaire, probablement lassé par le small talk. Et d’un seul coup, c’est toute l’ambiance qui change. Chaque cadre sur l'écran devient un tableau de la renaissance version CAM4. Les mecs se branlent un peu, les yeux rivés à l’écran, se mettent en scène, se lèvent, approchent leur sexe de l'objectif, se retournent, font bouger leur cul comme un appel, et on ne sait pas sur lequel s'arrêter. Et puis ils reposent leur auguste postérieur sur le canapé, répondent à un texto, se resservent un gin to', s’allument une clope et discutent entre eux. Une petite pause, avant de repartir.  

Comme une partouze

Quelque chose relance la machine. Quelqu'un se lève, décidé, et s'empare de son gode, les duos se prennent, et s’aiment devant la caméra comme on s’aimerait dans une pinède. Il y a l’exhibitionnisme et le voyeurisme traditionnel des touzes, des aires de cruising, des saunas, des backrooms, et le voyeurisme virtuel et millenial d’un site de cam, avec un choix multiple de partenaires. On ne peut pas sentir l'atmosphère moite, mais on peut voir la sueur perler sur les visages de ceux dont la webcam est la plus performante. Et quand ils se rasseyent et s'embrassent, on se rappelle même qu'embrasser existait. 

A LIRE AUSSI : Le confinement vu par les camboys : "on devrait être remboursés par la sécu" 

Quelqu’un jouit, s'essuie, commence à enfiler son caleçon. Et on l’imagine presque prendre son manteau, ramasser son paquet de clope sur la table basse, et claquer la porte. Il dit "au revoir" d'une voix enthousiaste, et les garçons répondent "à bientôt", avant de reprendre ils s'étaient arrêtés. Comme dans n’importe quelle partouze. Il manquera les caresses et les baisers à pleine bouche, mais ça fait passer le temps avant que l'on se touche. Et ce, sans rompre le confinement. 

 

Crédit : Shutterstock