sériesPourquoi de nombreux LGBT+ pleurent la fin de la série "Schitt's Creek"

Par Florian Ques le 16/04/2020
Schitt's Creek

Après six saisons stellaires, la comédie canadienne Schitt's Creek a tiré sa révérence, abandonnant de nombreux fans LGBT+. Mais pourquoi un tel engouement ?

Le 7 avril 2020 fut une journée cruciale pour les fans de Schitt's Creek. C'est ce jour-là qu'a été programmé l'ultime épisode de cette fiction made in Canada, mettant un terme à six saisons de rires nerveux, d'échanges délicieusement gênants et de séquences ô combien poignantes. Bien qu'elle soit passée sous le radar de beaucoup, notamment en France où elle n'a pas encore trouvé de diffuseur, la série s'impose comme une franche réussite en termes de représentation LGBT+, offrant d'ailleurs un personnage pansexuel en tête de gondole.

Pour les néophytes, Schitt's Creek narre la déchéance des Rose, une famille richissime à la Kardashian dépouillée de tous ses biens après une vilaine arnaque. Laissés sans le sou, ils n'ont qu'une solution de repli : déménager dans la bourgade paumée de Schitt's Creek, que le patriarche Johnny avait acheté en guise de blague quand il était plus jeune. Loin de leurs habitudes bourgeoises, ce quatuor doit repartir sur de nouvelles bases, plus modestes, et va devoir s'intégrer au mieux au sein de cette petite communauté soudée et terriblement éclectique.

Pansexualité acclamée

D'une part, on ne pourrait assez vanter les atouts comiques de Schitt's Creek, à commencer par le clan central de la série : Johnny, le père obstiné et vite dépassé. Moira, la mère mégalo avec un sens du style très singulier et un goût prononcé pour les perruques. David, le fils superficiel aux standards un peu trop élevés. Et enfin Alexis, la fille très bimbo et pas très futée. Enfin ça, ce sont les stéréotypes qu'ils incarnent dans un premier temps mais, qui, au rythme des saisons, s'épaississent. Réussissant même à nous faire aimer des personnages que l'on jugeait méprisables au début, et à transformer Alexis en icône gay en puissance.

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Mais l'une des évolutions qui a particulièrement happé le public LGBT+ de la série, c'est bien celle de David. Ce dernier est incarné par Dan Levy, lequel a cocréé Schitt's Creek aux côtés de son père, Eugene Levy... qui joue aussi son paternel à l'écran. Une affaire de famille, en somme. En l'espace de six saisons, le personnage de David a énormément changé et a offert une visibilité presque inédite pour les individus pansexuels. Bien que beaucoup le supposaient gay, il explicite son orientation amoureuse dans l'épisode 10 de la première saison via une métaphore soignée, soulignant qu'il "aime le vin, pas l'étiquette".

Pourquoi de nombreux LGBT+ pleurent la fin de la série "Schitt's Creek"
La famille Rose, composée d'Alexis (Annie Murphy), Johnny (Eugene Levy), Moira (Catherine O'Hara) et David (Dan Levy).

La force de la normalisation

Un temps célibataire endurci, David finit par rencontrer Patrick (joué par l'attachant Noah Reid). De fil en aiguille, les deux s'amourachent l'un de l'autre, malgré la peur presque phobique de l'engagement qui caractérise le premier. Ce qu'on retient essentiellement de leur histoire d'amour attendrissante, c'est surtout qu'elle s'éloigne des clichés qu'on veut souvent accoler aux couples gays. Leur relation n'est pas éphémère, elle n'est pas basée sur le sexe. Leur idylle est abordée comme le serait une love story entre un homme et une femme, dans la droite lignée de Mitchell et Cam dans Modern Family. Ils tendent à normaliser les couples homosexuels plutôt qu'à les marginaliser par le biais d'une représentation bienveillante et éclairée.

Récemment, un groupe de mères d'enfants LGBT+ a même fait parvenir une lettre à l'équipe de Schitt's Creek afin de les remercier pour l'impact de la série. "Votre volonté d'explorer, d'informer et d'éduquer sur les personnes LGBTQ et leurs relations d'une façon positive et respectueuse met en place quelque chose qui manque souvent, peut-on lire dans le message en questionVous avez créé de nouvelles manières pour les téléspectateurs queer de se voir représentés et, d'une certaine façon, c'est tout aussi important que les batailles qu'on mène encore".

Douce utopie

Au bout du compte, le point fort de Schitt's Creek est son optimisme inébranlable. Sans tomber dans l'utopie irréaliste rose bonbon, le microcosme au sein de la série s'apparente à une bulle de réconfort où tout un chacun peut être soi-même et exister loin des pressions sociales qu'on ne connaît que trop bien. La preuve avec le couple de David et Patrick qui, à aucun moment, ne fait face à une quelconque forme d'homophobie. L'acceptation est reine, l'intolérance aux abonnés absents. Et c'est une décision faite en pleine conscience, à en croire les dires d'Emily Hampshire, actrice principale de la série qui prête à ses traits à la sarcastique Stevie, concierge du motel.

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"Je pense que le plus gros héritage de la série, c'est la décision de Dan dès le départ de ne pas inclure d'homophobie dans Schitt's Creekexplique-t-elle dans une interview pour US WeeklyJe pensais que c'était une idée tellement marginale parce que je me disais que pour dénoncer quelque chose comme l'homophobie, il fallait qu'un personnage soit maltraité pour ensuite gérer la situation. Mais non, c'est beaucoup plus intelligent. Il a montré un monde où ça n'existe pas et vous savez quoi ? C'était génial. L'homophobie ne manque à personne".

Pourquoi de nombreux LGBT+ pleurent la fin de la série "Schitt's Creek"
David (Dan Levy) et Patrick (Noah Reid), le couple phare de la série.

 

Crédit photos : CBC