LGBTphobieHomophobie, sexisme, BDSM... : ces affiches d’une antenne de la CGT ne passent pas

Par Élie Hervé le 11/05/2020
CGT

Pour dénoncer une entente supposée entre la CFDT et le Medef, une antenne de la CGT (Info’Com CGT) a publié, ce weekend, deux affiches. L’une homophobe, l’autre sexiste. Avec en toile de fond, des clichés sur le BDSM.

Cet article a été mis à jour avec la réaction de l'Info'Com CGT, en fin d'article 

Ce sont deux montages qui ont mis le feu aux poudres : sur le premier, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, est représenté avec un collier en cuir autour du cou. Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux est habillé d’une combinaison moulante avec une baguette souple en bois dans la main. Le titre “Sado et maso, une production MedefDT” vient compléter l’image. 

Publiée ce weekend, cette affiche a tout de suite provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. L’Info’com CGT, a d’abord défendu son montage douteux. “Certains internautes interprètent cette affiche comme homophobe. Il n’en n’est rien. Nous rappelons que le sadomasoschisme est une perversion sexuelle (pratiquée par les hétérosexuels ou les homosexuels)”. 

"Ras-le-bol"

Une perversion sexuelle, donc. Du côté de SOS Homophobie, cette nouvelle attaque ne passe pas. “Ras-le-bol de ces attaques homophobes répétées, dénonce la co-présidente Véronique Godet. Une fois pour toute : détourner l’imagerie gay pour décrédibiliser une personne est LGBTphobe”. Elle décrit une sexualité gay qui est fantasmée, encore aujourd’hui, et qui serait forcément perverse. “Mais stop ! C’est faux. Le BDSM n’a rien de pervers ni de dégradant tant qu’il est pratiqué entre personnes consentantes”

Car si l'affiche choque les personnes LGBT+, elle agace aussi les personnes qui pratiquent le BDSM. “Le principe même du BDSM c’est le consentement, rappelle Elia*, adepte depuis plusieurs années. Avant tout, on parle, on définit des limites, on dit ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas. Sans consentement, ce n’est pas du BDSM mais un viol”. Il raconte sa fatigue de voir cette pratique servir d’argument homophobe. 

La CGT condamne

Face au tollé provoqué par cette affiche, l’Info’Com CGT a publié une seconde affiche où le président du Medef y est remplacé par Muriel Pénicaud, ministre du Travail. “L’assimilation à un message homophobe est donc étranger à notre objectif ainsi qu’à nos valeurs”, continue l’Info’Com CGT sur Twitter“Il n’y a vraiment qu’à la CGT que l’on ne comprend pas que le sexisme et l’homophobie jouent sur les mêmes cordes”, se désole Véronique Godet. “Dans les deux cas, l’idée est de décrédibiliser une personne en faisant croire que cette sexualité serait subie, non consentie et perverse.” Là encore, l’affiche sexiste est dénoncée.

Le siège de la CGT a donc réagi, et condamné sans réserve ces affiches en demandant leur retrait. “Ce type de communication ne fait que décrédibiliser l'action syndicale. A la CGT, nous avons d'autres arguments que ceux-là, ceux de l'intérêt des travailleurs et de la justice sociale.” Après cette communication publique, la CGT explique qu’il s’agit d’une erreur d’un ou de plusieurs militants.  “Chaque syndicat publie ses communiqués et ses affiches de façon autonome, sans relecture du siège, explique Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la CGT. Mais rien n’excuse une telle campagne de dénigrement”.

Une branche problématique

Pêle-mêle, Nathalie Verdeil raconte que cette branche de la CGT est coutumière de ce type de provocations. D’ailleurs, sur leur site d’une campagne de mai 2017 jouait déjà sur ce registre. Un homme, censé être un député était attaché et tiré par sa cravate. “Et ce weekend, ils savaient très bien ce qu’ils faisaient, continue Nathalie Verdeil. D’ailleurs, il suffit de lire leurs tweets suivants et de regarder la deuxième affiche. Ils étaient conscients de ce qu’ils allaient engendrer et c’est pour cela qu’ils l’ont fait. Ce n’est pas tolérable.” Pour autant, la CGT n’entend pas prendre de sanction à l’encontre de ce ou ces militants.

“On ne fonctionne pas de cette manière”, se défend Nathalie Verdeil. Pas de plainte non plus du côté de SOS Homophobie, de la CFDT ou du Medef qui rétorquent tous que cette affiche a été retirée mais qu’ils resteront vigilants. Dans un communiqué l’Info’com CGT s’excuse du bout des lèvres et annonce “prendre un coup de fouet”… Contactés par TÊTU, ils n'ont dans un premier temps pas donné suite à nos sollicitations. 

Après la publication de l'article, l'Info'Com CGT a tenu à donner sa version des faits. Voici leurs propos. "Cette affiche a été validée par quatre personnes qui composent le secrétariat de l'Info'Com CGT. Des journalistes de la presse spécialisée et des communicants. Clairement, nous n'avons pas tous fait le même cheminement et notre intention n'était pas de blesser. On n'aurait pas dû le faire, parce qu'aujourd'hui, ce type de clichés ne passe plus. Il va falloir que l'on trouve une autre façon de symboliser la soumission et la lutte des classes. La première affiche a donc été validée par quatre personnes. Il n'y a pas de mauvaise volonté de notre part, mais certains au sein du secrétariat considèrent qu'ils ne peuvent pas tenir de propos homophobes, puisqu'ils ne sont pas homophobes. Après les premières réactions, on s'est braqué et on s'est enfoncé, c'est un vieux réflexe. Voilà. C'est une bonne chose ce qui nous arrive parce que maintenant, on va pouvoir avancer sur ces questions ".   

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