TF1 a diffusé un portrait touchant de Lilie, une petite fille trans de huit ans. Mais la chaîne s'est pris les pieds dans le tapis en mégenrant la fillette et en utilisant son deadname.
Il y a des enfants dont le discours poignant éclipse tous les préjugés sur la transidentité. La semaine dernière, mercredi 9 septembre, RMC réalise un portrait de Lillie, une fille de huit ans. Cette fillette raconte avec bonheur comment l'acceptation de sa transidentité par sa famille a été déterminante pour elle. Ses parents se sont battus pour qu'elle puisse changer d'état civil, malgré son jeune âge.
À ses parents, "je leur ai expliqué que je suis une fille. Que je suis né dans un corps de petit garçon mais que je voulais être une fille. C'est comme si plus personne ne savait qu'avant, j'étais un garçon", dit-elle tout simplement. Elle raconte comment à l'école, elle a insisté pour qu'on l'appelle Lilie et qu'on la genre au féminin. Son témoignage est touchant par sa candeur et sa simplicité. De nombreuses rédactions (dont TÊTU) voulaient alors lui donner la parole pour qu'elle puisse témoigner de sa transidentité.
Lilie a 8 ans, elle vient de faire sa rentrée en CE2 à lâécole municipale dâAubignan dans le Vaucluse. Sauf que Lilie affirme quâelle se sent fille dans un corps de petit garçon pic.twitter.com/0xnzlhsTzH
— RMC (@RMCinfo) September 9, 2020
Ce contenu n'est pas visible à cause du paramétrage de vos cookies.
Mégenrage et utilisation du deadname
Finalement, TF1 lui accorde un portrait, à une heure de grande écoute. Une avancée majeure pour la reconnaissance de la transidentité : devant des millions de téléspectateurs, Lilie peut faire évoluer le regard des Français. Seulement voilà, la présentatrice, Audrey Crespo-Mara se prend les pieds dans le tapis.
À LIRE AUSSI - Transidentité : le rappel à l’ordre salutaire du défenseur des droits
Au lieu de reconnaître simplement que Lilie est une petite fille, elle la mégenre. Au lieu de l'appeler Lilie, la journaliste utilise son deadname (le prénom qu'on lui a donné à la naissance, ndlr). Elle reprend même la mère de Lilie qui la genre au féminin. D'ailleurs, le titre du portrait, c'est "mon fils de huit ans est une fille".
"Lilie ne se reconnaît plus dans son corps de garçon"
Le récit a agacé de nombreux internautes et journalistes. Clément Garin par exemple, chroniqueur dans Touche pas à mon poste (une émission défavorablement connue pour ses sorties homophobes), regrette qu'elle dise "Baptiste veut qu'on l'appelle Lilie". "J'aurais plutôt dit 'à 8 ans, Lilie ne veut plus qu'on l'appelle Baptiste'", écrit le chroniqueur sur Twitter.
J'aurais plutôt dit "A 8 ans, Lilie ne veut plus qu'on l'appelle Baptiste. Convaincue...", mais bon...
— Clément Garin (@clem_garin) September 13, 2020
Ce contenu n'est pas visible à cause du paramétrage de vos cookies.
Un internaute anonyme reprend également Clément Garin en proposant plutôt "à 8 ans, Lilie ne se reconnaît plus dans son corps de garçon". L'association des journalistes LGBT+ regrette ce moment. "Consoeurs, confrères, nous vous invitons encore une fois à le kit de l'AJL à destination des journalistes pour éviter de produire une interview qui pourrait nous servir d'exemple à ne pas suivre dans nos diverses interventions".
Comment mal traiter les personnes trans à la télé ? Suivez les conseils de @audrey_crespo dans @7a8 sur @TF1: non contente dâappeler Lillie par son ancien prénom tout au long de lâinterview, elle sâest même permise de « corriger » sa mère qui lâappelait logiquement « ma fille »
— AJL (@ajlgbt) September 14, 2020
Ce contenu n'est pas visible à cause du paramétrage de vos cookies.
"Des efforts considérables sont faits par les médias sur la question de la transidentité", souligne Giovana Rinçon, la directrice générale d'Acceptess-Transgenre qui trouve le témoignage "non seulement touchant mais émancipateur et réparateur".
Elle souligne que la prise de conscience est loin d'avoir été opérée dans les chaînes de télévision. "Au lieu de porter le sujet de la transidentité, cette émission cherche à créer le buzz en éveillant une curiosité malsaine. Ils portent un sujet vital, mais le réduisent à un drame et finalement, renforcent la transphobie en cristallisant une image de souffrance", insiste-t-elle prenant exemple sur la musique lugubre qui est utilisée.
La militante salue les parents qui "véhiculent une vraie pédagogie sur la transidentité mais qui ne font qu'assumer leur responsabilité de parents". Aux rédactions, elle rappelle que "les personnes trans n'ont pas besoin qu'on leur rappelle leur prénom de naissance ni qu'on fétichise ce qu'elles ont dans la culotte".
Crédit photo : Capture d'écran TF1