intersexuationLe député Raphaël Gérard dépose un amendement pour interdire les mutilations des enfants intersexes

Par Nicolas Scheffer le 18/01/2021
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Raphaël Gérard, député LREM, a déposé un amendement visant à interdire les mutilations des enfants intersexes. Ces opérations, théoriquement interdites sauf urgence thérapeutique, sont en réalité pratiquées sur des enfants de moins de quatre ans.

Il a dû être rebaptisé pour éviter un tollé. Le projet de loi sur les séparatisme, désormais appelé "projet de loi confortant les principes républicains" arrive bientôt à l'Assemblée nationale. Le 1er février, les parlementaires débattront de cette proposition volumineuse. En effet, les 500 pages du textes ont reçu à ce jour 1.723 amendements de députés. Parmi eux, un amendement visant à lutter "contre les mutilations faites aux enfants intersexes".

Un bébé sur 2.000

Ces opérations visent à attribuer un sexe féminin ou masculin à un enfant qui présente les deux caractéristiques. Evidemment, le médecin ne peut pas recueillir le consentement éclairé du jeune enfant. Les mutilations des enfants intersexes sont théoriquement limitées aux raisons médicales et non esthétiques (article 16-3 du code civil). Mais dans la réalité, ces opérations sont pratiquées alors qu'elles ne présentent pas de nécessité médicale. Selon Raphaël Gérard, député LREM à l'origine de cet amendement, les mutilations des enfants intersexes représentent un bébé sur 2.000.

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Le texte proposé veut qu''il ne peut être porté atteinte à l’intégrité corporelle d’un mineur dans le but de conformer l’apparence de ses organes génitaux au sexe masculin ou féminin que si l’intéressé exprime personnellement sa volonté de subir une telle opération.". Et si tel n'est pas le cas, le député propose une sanction de cinq ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende.

Des opérations irréversibles sans consentement

"On ne peut pas, en principe, pratiquer d’opérations irréversibles sans le consentement de la personne. Mais dans les faits, on voit bien que ça n’est pas du tout respecté", déclare-t-il au Huffington Post. "Un enfant intersexe ne devrait pas se faire opérer des organes génitaux sans un avis favorable lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire médicale", poursuit le député dans Le Monde.

S'il est soutenu par 21 autres parlementaires de la majorité,  un amendement similaire, déjà déposé par Raphaël Gérard dans le cadre du projet de loi Bioéthique, qui entre en seconde lecture au Sénat dans les prochains jours., avait été retoqué par les députés il y a six mois.

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Encadrement de la pratique

Toutefois, l'Assemblée nationale avait alors voté une série d'amendements pour mieux encadrer la pratique. La dernière version du projet de loi bioéthique prévoit "qu'avant toute opération ou traitement, les cas de variation du développement sexuel soient discutés de manière collégiale dans des centres de référence spécialisés pour élaborer un diagnostic et pour définir le champ des options thérapeutiques possibles", écrivait au moment des débats le député sur Twitter.

"Aucun enfant ne pourra donc être opéré au sein des centres de compétences ou au sein des structures hospitalières sans concertation préalable". Les parents doivent être éclairés par les associations et recevoir une information complète, notamment sur les séquelles liées à des actes médicaux. Surtout, l'information des parents doit être dépathologisée.

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La France plusieurs fois condamnée

La mutilation des personnes intersexes a été condamnée à plusieurs reprises par l'ONU depuis 2016. Début juillet, l'Albanie est devenue le troisième pays européen (après Malte et le Portugal) à interdire ces mutilations, rapporte Ouest-France.  Le Collectif intersexes et allié·e (CIA) demande de longue date "la fin des mutilations, stérilisations, traitements hormonaux non consentis sur des personnes intersexes". Début 2021, la Commission nationale consultative des droits de l'homme doit rendre un premier rapport à ce sujet.

 

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