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gay3615 factures exorbitantes et rencontres à l'aveugle... c'était la drague sur minitel

Par Xavier Héraud le 19/03/2021
rencontre gay

Comment draguait-on à l'époque du minitel et des réseaux téléphoniques ? Nous avons lancé un appel à témoignages et vous avez été nombreux à répondre.

Texte: Xavier Héraud et Léa Fournier

Si aujourd'hui Grindr, Instagram ou Onlyfans ont pris une place démesurée dans nos poches et dans nos vies, la drague connectée, elle, ne date pas du web. Il y a 40 ans, l'arrivée du minitel révolutionnait la drague pour les gays. Jusqu'alors, les homosexuels étaient obligés de sortir de chez eux s'ils voulaient faire des rencontres : lieux de drague en extérieur, bars, sex-clubs, ou alors ils pouvaient recourir aux petites annonces : celle du journal Gai Pied, créé en 1979, étaient particulièrement populaires.

Exploité commercialement de 1980 et 2012, le Minitel, ancêtre français d'internet, connaît son apogée en 1993, quand 6,5 millions de foyers français en sont équipés. Des réseaux de rencontre se sont vite créés sur cet ancêtre d'internet et bien sûr, les gays n'ont pas été en reste. Le 3615 GPH, géré par Gai Pied, et le 3615 Gay furent deux des services les plus populaires (il y avait aussi, les auditeurs de Difool sur Skyrock s'en souviennent, 3615 MEN).

Découverte du monde gay

Pour certains, comme Eric, 53 ans, le minitel a servi d'introduction au monde gay. "Ça m’a permis de contacter la communauté gay, que je ne connaissais pas du tout, de faire des rencontres avec des hommes. Ça m’a permis aussi de me libérer de la charge familiale, de découvrir ma sexualité. Je ne connaissais rien à l’amour, je voyais bien que j’étais attiré par les hommes, mais je ne pouvais pas en parler. À l’époque personne n’en parlait. Mes premières rencontres, je les dois au minitel."

"Je tapais 3615 et après j'essayais un nom de mec et ça arrivait la plupart du temps sur un tchat gay"

C'est un peu la même chose pour Nicolas, 38 ans, qui l'a découvert au milieu des années 90 à Paris, où il a grandi : "Le minitel et le téléphone sont vraiment liés à des explorations pendant l'adolescence, avant même le porno gay. Le minitel, je l'utilisais pour tchater le mercredi après-midi. Je tapais 3615 et après j'essayais un nom de mec et ça arrivait la plupart du temps sur un tchat gay. J'avais 15-16 ans. Je passais des après-midi à parler avec des mecs, ça restait virtuel. C'était une manière de me connecter avec d'autres homos."

Gilles, 73 ans, de Bordeaux, rappelle que le minitel est arrivé dans un contexte particulier pour les gays : "C'était les années sida, les gens étaient un peu retranchés chez eux. Ils avaient besoin de beaucoup communiquer. On se sentait seuls, isolés. J'ai pris ce minitel comme une bouée de sauvetage dans mon isolement. J'ai essayé à tout prix de communiquer, voire de favoriser des rencontres. J'ai passé des heures en dehors du travail sur le minitel."

Le minitel, un masque for masc

Malgré tout pour Gilles, les échanges sont restés principalement virtuels, comme on dirait aujourd'hui. "Bien souvent quand on rencontrait les gens, ils ne correspondaient pas à leur présentation. Au final, j'ai fait un nombre très minime de rencontres, qui ne m'ont guère laissé de souvenir", explique-t-il.

Le minitel ne permet pas en effet de charger une photo. On ne peut communiquer que par texte. Et c'est justement ça qui plaisait à Jean-Philippe, 60 ans : "On partait à l'aventure à l'aveugle, c'est ça qui était terriblement excitant. C'est comme au sauna, quand tu rentres dans une grande pièce noire, tu ne sais pas qui tu vas croiser. Tu peux tomber sur quelqu'un de très beau et il ne se passe rien, et tu peux tomber sur quelqu'un qui n'est pas terrible et qui te fait grimper au rideau. Il se passait quelque chose dans le regard et puis voilà..."

"On partait à l'aventure à l'aveugle, c'est ça qui était terriblement excitant"

Eric a également fait pas mal de rencontres, mais rien de vraiment sérieux : "En règle générale, c’étaient plus des plans cul qu’autre chose. Mais j’ai trouvé quelqu’un qui bossait dans une zone industrielle pas loin de mon boulot, on s’est vu plusieurs fois, on a conclu, on discutait beaucoup. Une belle rencontre. Et après, régulièrement, on s’échangeait toujours un petit 'bonjour' sur le minitel. C’est une des premières personnes que j’ai revue plusieurs fois, une de mes premières relations suivies. C’était un PCR : Plan Cul Régulier." Nicolas, qui était ado à ce moment-là est resté derrière son écran: "J'étais très timide à l'époque même si je me savais gay depuis tout petit. Quelquefois des mecs qui me proposaient de me voir, mais j'ai jamais passé le cap."...