Cette année, 72 personnes vont tester un vaccin contre le VIH. Si cette première phase de test suscite beaucoup d'espoir, chercheurs et associatifs veulent rester prudents.
Peut-être avez-vous croisé dans le métro parisien de grandes affiches faisant appel à des volontaires pour un vaccin contre le VIH ? Après huit ans de recherches, un nouveau candidat vaccin contre le virus, répondant au doux nom de « CD40.HIVRI.Env », a été mis au point par le laboratoire public VRI. Il commence à être testé sur les humains, en France, en phase 1.
« Depuis 40 ans, on est à plus de 70-80 tentatives de vaccins contre le VIH dans le monde, raconte Yves Lévy, directeur du Vaccine Research Institute (VRI) et professeur d’immunologie clinique. Mais cette fois-ci, c’est une nouvelle technique jamais testée et pour laquelle nous sommes optimistes. » La recherche devrait prendre plusieurs années, si toutes les étapes sont validées. « Ce nouveau test amène beaucoup d’espoir, ajoute Aurélien Beaucamp, président de Aides. Mais attention, c’est juste le tout début de la phase 1. La recherche sur cette technique commence à peine et nous devons rester prudent », s’empresse d’ajouter le responsable associatif.
Combien de temps va durer l’essai ?
Cette nouvelle technique consiste à cibler les cellules du corps responsables de la défense immunitaire, qui sans traitement ne parviennent pas à bloquer le VIH. « C’est comme si nous attaquions directement le talon d’Achille du VIH », reprend Yves Lévy. Des anticorps vont être injectés dans les cellules dendritiques, c’est-à-dire les cellules qui ont la capacité de déclencher une réponse immunitaire et donc de protéger l’organisme. Les chercheurs espèrent ainsi que le vaccin préventif agira longtemps dans l’organisme et sur toutes les formes de VIH.
Au total, 72 volontaires vont être recrutés. Âgés de 18 à 65 ans, sans problème de santé et séronégatifs, ils vont être suivis pendant un an et devront effectuer huit visites à l'hôpital. Pendant cette période, ils vont recevoir trois doses de vaccins. « A la fin de l’essai on va aussi combiner avec un autre vaccin pour augmenter la réponse immunitaire », ajoute le professeur d’immunologie clinique.
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Lors de cette première phase de test, les chercheurs vont étudier la sécurité de ce candidat-vaccin qui a déjà été administré à des animaux. Une fois la non-toxicité du vaccin validée, les chercheurs travailleront sur son efficacité, en phase 2. L’idée est de comprendre quelle est la dose exacte à administrer, sous quelle forme et combien de fois. Si l’essai vaccinal passe ses deux premières étapes, en phase 3, le produit sera administré à un groupe test et comparé à un second groupe qui lui prendra un placebo. Les résultats seront comparés et si ceux qui ont reçu le vaccin ont moins contracté le VIH, les chercheurs pourront alors conclure à l’efficacité du vaccin.
Si toutes ces étapes sont validées, il faudra ensuite obtenir l’autorisation de mise sur le marché. C’est pourquoi, même si cet essai était concluant, il faudrait encore plusieurs années avant d’avoir un vaccin disponible pour les personnes séronégatives.
Pourquoi toujours pas de vaccin en 40 ans ?
Sur les réseaux sociaux, de nombreux commentaires s’étonnent que les chercheurs aient pu mettre un vaccin contre la covid-19 alors qu'on reste à ce jour sans vaccin opérant contre le VIH, 40 ans après son apparition du virus. C'est oublier que les recherches sur les coronavirus datent de plusieurs années. Et que le virus du VIH est particulièrement difficile à combattre.
A ce jour, peu de candidats-vaccins contre le VIH sont arrivés en phase trois. Le virus est instable, mute facilement et se développe très vite, sans traitement. « Le VIH entre dans le génome des cellules de l’organisme, et si on ne le bloque pas à chaque fois qu’une cellule va se diviser, elle va reproduire le virus, explique Yves Lévy. De fait, c’est très compliqué de trouver un vaccin qui fonctionne sur toutes les souches du VIH et sur le long terme. » L’objectif des vaccins est d’apprendre à l’organisme à quoi ressemble le virus pour pouvoir le contrer s’il le rencontre. En revanche, si entre-temps le virus mute, le vaccin perd de son efficacité. Et c’est là toute la difficulté avec le VIH. La particularité de ce virus rend la recherche plus ardue.
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En 2009, après un essai clinique sur 16.400 participants en Thaïlande, un vaccin avait été présenté au grand public. Les résultats démontraient que seulement 31,2 % des participants avaient été protégés contre le VIH et que la protection était de courte durée. Le vaccin n’a donc pas été développé. En 2018, un nouveau test se met en place, cette fois en Afrique du Sud. Là encore, les essais ont été arrêtés. L’an passé, les scientifiques ont expliqué ne pas avoir réussi à démontrer son efficacité.
Résultats l'an prochain ?
Avec ce nouvel essai, les équipes de l’ANRS-Inserm et de l’Université Paris-Est Créteil (UPEC), qui composent le laboratoire public VRI, espèrent réussir à cibler les bonnes cellules pour avoir une réponse immunitaire complète et sur le long terme. « En fonction des résultats que nous allons obtenir, nous verrons si on peut aller plus loin ou non, souligne Yves Lévy. On a un vrai espoir de passer une étape importante. » Les premiers résultats d’étapes devraient être connus dans les prochains mois, après les deux premières doses injectées. Quant aux résultats de la phase 1 de l’étude clinique, ils seront probablement communiqués en milieu d'année prochaine. D’autres essais cliniques sont aussi en cours.
En France, 173.000 personnes vivent avec le VIH, dont 24.000 l’ignorent, selon les chiffres du Sidaction. En attendant un éventuel vaccin à destination des personnes séronégatives, la PrEP et le préservatif restent les moyens les plus sûrs de ne pas contracter le virus.