Chanteuse, actrice, meneuse de revue, copine de Sinatra et de Jacques Chirac. Mais, surtout, combattante précoce et inlassable contre le sida. Line Renaud, c’est une vie de lutte et de bonne humeur.
Cet article est initialement paru dans le numéro 225 de TÊTU
Elle attend les questions de TÊTU, confortablement installée à La Jonchère, sa grande maison dans les bois de Rueil-Malmaison, un verre de champagne à la main–un champagne estampillé d’une étiquette qui porte son nom. Tout de suite, ça pose la dame. Celle à qui la communauté gay doit tant.
Line Renaud se repose après trois semaines de tournage, un téléfilm pour France 3 dans lequel elle incarne une enquêteuse pas commode. Depuis son retour à la maison, elle enquille aussi les interviews, en pleine promo de son dernier livre de mémoires, En toute confidence, écrit avec la complicité de Bernard Stora. Une sorte de suite à Et mes secrets aussi, sorti en 2013.
Ces mémoires restent aujourd’hui la meilleure façon de faire connaissance avec cette femme extraordinaire qui, à 92 ans, fonctionne à plein régime, en cinquième, pied au plancher. Malgré les prières de ses proches, qui la supplient de ralentir, elle avance, toujours un projet en poche, un pied après l’autre, comme sa mère et sa grand-mère le lui ont enseigné. Ces femmes fortes ont façonné la petite Jacqueline Ente, de son vrai nom, pour qui la valeur travail n’est pas une mince affaire.
Icônes perdues
C’est une acharnée de travail ne sachant pas faire les choses à moitié que les lecteurs les plus jeunes découvriront d’abord dans ce livre ; une femme qui ne la ramène jamais, toujours épatée par les tonnes d’amour que son public lui déverse par flots incessants.
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Pourtant, les quelques photos d’elle publiées dans le corps du livre pourraient lui donner deux ou trois raisons de se la raconter. Qu’on en juge : Line Renaud le soir de ses 90 ans, renversée de rigolade par Elton John ; Line Renaud à touche-touche avec Quincy Jones, Line Renaud avec Madonna ou Jacques Chirac, évidemment, son ami de toujours, son pote; avec Muriel Robin et Claude Chirac, ses deux filles de cœur ; enfin joue à joue avec d’autres icônes perdues de vue par les plus jeunes, comme Joséphine Baker, l’amie chérie, qui dispensait à la jeune Line ses leçons sur la meilleure façon de descendre un escalier avec 8 cm de talons et un costume de 30 kg.
Briser les murs de glace
Chanteuse du bonheur, infatigable meneuse de revue, comédienne accomplie et reconnue par ses pairs, Line Renaud est une star made in France totalement hors norme, mais pas seulement. On lui doit beaucoup. Elle est une marraine, la fée qui sans relâche s’est battue et se bat encore aujourd’hui pour collecter des fonds au profit de la lutte contre le sida, depuis une époque, le milieu des années 1980, où ce n’était pas très populaire. C’était il y a quarante ans, quand il était encore interdit de faire de la publicité pour les préservatifs, alors qu’on savait qu’ils constituaient la seule barrière connue pour éviter la contamination. Imaginez le travail, le mur de glace qu’elle s’est pris dans les dents.
Mais Line garde en mémoire les bons moments, comme cette bouleversante ovation qui accueillit son entrée sur la scène du Zénith lors du premier Sidaction en 1994. Autant de souvenirs mémorables dont elle parle avec cette extraordinaire modestie qui la caractérise, elle qui se souvient de tout, toujours, avec cette bonne humeur communicative.
Viva Las Vegas
Et l’on commence avec Liberace, monument de gaytitude, ce qui est bien le moins pour fêter les 25 ans de TÊTU. Le pianiste de charme de Las Vegas, musicien virtuose et artiste flamboyant, réputé pour son jeu de scène et ses manteaux en vison à traîne– et qui fut, il y a quelques années, le sujet principal d’un film majeur de Steven Soderbergh –, comptait évidemment parmi les amis de Line Renaud. À l’époque, Jack Warner, patron de la société du même nom, poursuivait notre Line pour lui faire signer avec ses studios un contrat de sept ans.
Pas prête à franchir ce pas ? Pas encore mûre ? Si Line Renaud déclina son offre, tous deux restèrent néanmoins amis, et, en 1955, le producteur se tourna vers “son amie française qui connaît si bien l’Amérique” au moment de sortir en France Sincerely Yours, un film mineur de Gordon Douglass, dont le rôle principal était tenu par Liberace. Problème, si ce dernier était une star XXL aux États- Unis, la France, en revanche, n’en avait jamais entendu parler : “Alors là, j’ai tout déclenché, explique la reine. Jack Warner savait ce qu’il faisait en me sollicitant. J’ai appelé tous les journaux que je connaissais en leur expliquant à quel point Liberace était un génie. Et puis j’ajoutais qu’il avait tant fait pour moi, qu’il avait été tellement sensationnel pendant mon séjour à Vegas que c’était bien le moins que je puisse faire que de lui rendre la pareille, ici, en France. En fait, je ne l’avais jamais rencontré de ma vie”, raconte-t-elle en éclatant de rire.
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