L'Assemblée nationale a voté un amendement autorisant les hommes gays et bis à donner leur sang dans les mêmes conditions que les hétéros. La mesure doit entrer en application en 2022.
Se dirige-t-on vers la fin d'une discrimination ? Ce mardi 8 juin au soir, l'Assemblée nationale a voté un amendement au projet de loi bioéthique concernant le don du sang. Sur demande du gouvernement, les parlementaires ont levé la durée d'abstinence toujours demandée aux hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes (HSH), qu'ils soient gays ou bis. Selon nos informations, la réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2022.
"Les critères de sélection des donneurs (...) ne peuvent être fondés sur aucune différence de traitement, notamment en ce qui concerne le sexe du ou des partenaires avec lequel les donneurs auraient entretenus une relation sexuelle", indique l'amendement à l'article 7 bis du projet de loi bioéthique. Actuellement, pour pouvoir passer la sélection opérée lors d'un rendez-vous à l'Établissement français du sang (EFS), les HSH doivent avoir respecté au préalable une période d'abstinence de quatre mois, excluant de fait bon nombre d'entre eux du don du sang.
Don du sang et (sur-)risque de VIH
Le ministre de la Santé s'est félicité publiquement du vote. "Donner son sang répondra aux mêmes impératifs de sécurité sanitaire, et ce quelle que soit sa sexualité. Le parlement vient d'en voter le principe. J'alignerai ainsi les critères de sélection des donneurs dans les prochains mois", a-t-il écrit sur Twitter.
Pourtant il y a encore un an, Olivier Véran jugeait "dangereux" de passer par la loi pour mettre fin à cette discrimination, considérant que ce "n'est vraiment pas le bon outil". À l'époque, la gauche défendait main dans la main avec la droite un amendement en ce sens. "Il y a une fenêtre sérologique, quelques jours pendant lesquels une personne peut être contaminée sans que l'on puisse le détecter (...). Statistiquement, il y a un sur-risque (chez les HSH), non pas en raison de la sexualité mais d'une pratique", faisait valoir le ministre en juillet 2020, cité par le HuffPost.
Olivier Véran plaidait donc pour que la réduction du délai d'abstinence passe plutôt par voie réglementaire (donc par décret de l'exécutif), manière de pouvoir le réinstaller en cas de problème : "S'il y avait une situation, qui n'aurait même pas de lien avec le VIH mais qui nous obligerait à mettre en place des mesures d'urgence pour protéger les receveurs et les donneurs, nous ne pourrions plus le faire (sinon)".
Une différence de taille
La nouvelle mouture votée par l'Assemblée comporte néanmoins une différence qui change tout. Les critères de sélection des donneurs n'y peuvent être fondés, est-il écrit dans l'amendement, sur une discrimination "non justifiée par la nécessité de protéger le donneur ou le receveur". Une possibilité laissée ouverte de revenir sur les critères de sélection des donneurs. "Cette formulation est une porte ouverte à une différence de traitement. J'ai le sentiment que le gouvernement souhaite donner des gages mais n'arrive pas à aller jusqu'au bout", analyse pour TÊTU le député PS Hervé Saulignac, qui a porté l'amendement initial.
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Cette année, ce n'est pas Olivier Véran qui a argumenté à l'Assemblée mais Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance. "Le ministre de la Santé s'était engagé à présenter des éléments nouveaux. (...) Le risque résiduel du VIH chez les donneurs de sang a considérablement diminué ces dernières années. Santé Publique France l'évalue maintenant 1 sur 11,6 millions de dons", a-t-il indiqué.
Sur le modèle britannique, qui s'y met la semaine prochaine, un nouveau questionnaire non discriminant sera proposé aux donneurs. Ainsi à partir du 14 juin outre-Manche, le don sera ouvert aux personnes qui ont eu le même partenaire sexuel pendant trois mois, qui n'ont pas eu d'exposition récente à une IST ou encore, qui sont utilisateurs de la PrEP. En France, "ces évolutions pourront être mises en oeuvre dès le début de l'année prochaine", a promis le secrétaire d'État. Contacté par TÊTU, le ministère de la Santé donne une date : le 1er janvier 2022.
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Crédit photo : Capture d'écran, Assemblée nationale