[On a testé pour vous] Depuis ce 16 mars 2022, le don du sang est ouvert aux homosexuels et aux hommes bi sans questionnaire spécifique. Pour vérifier que cette réforme des conditions d'accès au don était bien une réalité, un journaliste gay de têtu· s'est rendu à un rendez-vous à l'hôpital Saint-Louis, à Paris, pour donner son sang.
C'est un jour important pour beaucoup d'hommes qui, comme moi, ont des rapports sexuels avec d'autres hommes. Depuis ce mercredi 16 mars 2022, nous pouvons donner notre sang et ce, dans les mêmes conditions que les hétéros. Je me suis donc rendu à l'hôpital Saint-Louis, à Paris, vérifier que la réforme était bien une réalité. Un lieu symbolique pour cette étape qui l'est tout autant : cet hôpital, pionnier dans le traitement du VIH, a accueilli nombreux de mes aînés atteints du sida.
À lire aussi : Don du sang : fin des conditions spécifiques pour les homosexuels
Du fait justement de l'épidémie de VIH/sida, et de sa prévalence plus importante dans la population gay, le don du sang était interdit depuis 1983 aux hommes couchant avec des hommes. En 2016, ce bannissement avait été (très) timidement déverrouillé, sous la condition de s'abstenir de sexe pendant… un an. Autant dire que je n'étais pas allé me faire piquer. En mars 2020, tandis que l'Établissement français du sang (EFS) craignait que le Covid-19 ne fasse chuter les stocks comme neige au soleil, ce délai d'abstinence a été abaissé à quatre mois. Toujours une éternité pour nombre d'hommes à la sexualité active.
La PrEP exclut du don de sang
Précisons d'emblée que le don de sang n'est pas un droit, ni le bannissement passé des homosexuels une mesure homophobe : protéger les receveurs d'une population à risque était une mesure de santé publique dans la lutte contre le VIH. Irritante, mais nécessaire. Sauf que depuis que l'épidémie de VIH est de mieux en mieux maîtrisée dans la communauté gay, et que les nouvelles contaminations concernent d'ailleurs désormais davantage les hétéros que les hommes gays et bi, les conditions spécifiques imposées à ces derniers a fini par devenir une discrimination, à laquelle il fallait mettre fin.
Retour à notre rendez-vous. À l'accueil, un infirmier – mon gaydar s'affole – me tend le fameux questionnaire à remplir. Quatre pages qui me posent de nombreuses questions : suis-je allé voir un cardiologue récemment ? chez le dentiste ? me suis-je récemment fait tatouer ? Presque machinalement, je coche les "non". Puis on passe aux questions intimes : "Dans les quatre derniers mois, avez-vous eu plus d’un (une) partenaire sexuel(le)" ? Je réfléchis, je compte, à nouveau "non". "À votre connaissance, votre partenaire a-t-il (elle) eu un(e) autre partenaire sexuel ?" Hum... "non". Notez, au rayon des conditions d'accès qui demeurent, qu'être utilisateur de la PrEP exclut du don car sa prescription est associée à un risque : si le traitement permet de se protéger du VIH, il peut devenir inefficace si sa posologie est mal respectée.
Un rendez-vous incognito
Je passe ensuite dans un box où je suis accueilli par une médecin qui examine mon questionnaire. Le collègue qui m'accompagne ne peut pas entrer dans le box, où prime la confidentialité. Un bref échange et me voilà installé sur un fauteuil médicalisé. Je dois à ce stade vous avouer que je n'en mène pas large : les piqûres et moi, ça fait deux, et la vue de la poche vide m'incite à détourner le regard. "Avec votre don, vous pourrez sauver trois vies, m'encourage l'infirmière à la vue de ma moue. Vous voulez que je vous indique quand je pique ?". C'est déjà fait.
Lorsque je me relève, après 45 minutes et 420 ml de sang en moins, on me conseille de prendre mon temps. Conseil utile, d'autant que je suis par la force des choses un néo-donneur, un peu fébrile. Ma tension est prise, on calcule mon taux de globules rouge, on me donne du sucre. La sécurité du donneur est garantie, de même que celle du receveur puisque chaque poche de sang est testée, notamment au VIH. Un échantillon de mon sang sera même lyophilisé, comme une soupe en sachet, afin d'être conservé pendant trois ans en cas de besoin d'un nouveau test. Note aux gym queen : interdiction de faire du sport durant 24 heures après le don. Quant à moi, un coca et ma journée peut reprendre ! Avec une double bonne nouvelle : non seulement j'ai enfin pu donner mon sang, mais à aucun moment je n'ai eu à préciser que j'étais gay.
À lire aussi : Prévention du VIH : la PreP par injection bimestrielle approuvée aux États-Unis
Crédit photo : Shutterstock