La réalisatrice suisse Delphine Lehericey adapte avec sensibilité et finesse le roman de Roland Buti, histoire du cataclysme causé dans une famille d'agriculteurs par une idylle lesbienne secrète, incarnée par Laetitia Casta et Clémence Poésy, dans les années 70.
Maintes fois repoussé à cause de la crise sanitaire, Le Milieu de l'horizon sort enfin dans les salles de cinéma ce mercredi 20 octobre. Derrière ce titre poétique, l'histoire d'une famille fracturée, d'une classe sociale malmenée, d'une romance lesbienne interdite et d'un enfant en voie de devenir adolescent. Adaptation du livre du même nom de Roland Buti, le nouveau film de Delphine Lehericey est un peu tout ça en même temps. Un récit aux multiples visages, brillamment incarné par un duo que personne n'attendait : Laetitia Casta et Clémence Poésy en amoureuses transies.
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Dans la Suisse romande des années 70, c'est sous une canicule sans nom que les parents de Gus, 13 ans, se déchirent. Son père agriculteur, Jean, pâtit de récoltes décevantes qui menacent la stabilité financière de toute la famille. Quant à sa mère, Nicole, son amitié impromptue autant que fusionnelle avec Cécile, une jeune divorcée, apporte son lot de tracas. Marqué par la pression d'un contexte climatique tendu et d'un adultère irréparable, le portrait d'un foyer fin prêt à exploser.
Un film très personnel
Pour Delphine Lehericey, porter Le Milieu de l'horizon sur grand écran était une affaire des plus personnelles. "Je n'aurais initialement jamais osé me frotter à une telle histoire parce qu'elle est assez proche de la mienne, confie la cinéaste. En tant que femme lesbienne ayant quitté le père de mon fils, je ne pensais pas avoir les épaules à ce moment-là pour assumer cette histoire."
Dès la première lecture du scénario, la réalisatrice décèle pourtant dans cette histoire un haut potentiel dramaturgique, doublé d'une résonance socio-politique intéressante. Car outre le fait de dépeindre une idylle lesbienne à une époque où les relations homosexuelles étaient très mal considérées, le film se distingue par son prisme surprenant. "C'est une mère qui tombe amoureuse d'une femme vue par le point de vue de son enfant, explique Delphine Lehericey. Cet angle m'a permis d'aborder la colère de l'enfant mais aussi ces sentiments de trahison et d'incompréhension qui le traversent."
"Je ne voulais pas qu'on se dise 'attention gros casting : Casta et Poésy se roulent une pelle'."
Gros casting, gros enjeux
Laetitia Casta crève l'écran avec ce rôle d'une maman dépassée par la découverte de sa sexualité et rongée par les nouveaux désirs qui l'assaillent. Quant à sa partenaire de jeu, Clémence Poésy, elle excelle sous les traits de la très libre Cécile. Bien plus suggérée que montrée – exception faite d'une scène forte qu'on ne divulguera pas –, leur histoire d'amour échappe à un regard fétichisant. "Avec ce duo d'actrices, je ne voulais pas qu'on se dise 'attention gros casting : Casta et Poésy se roulent une pelle', appuie Delphine Lehericey. Je voulais plutôt respecter ce que j'avais ressenti la première fois où j'ai embrassé une femme."
Au-delà d'une famille dynamitée, Le Milieu de l'horizon capture aussi la précarité, celle d'une classe paysanne fragilisée par la grande sècheresse. Bien que, comme le souligne la réalisatrice, ce ne soit pas le propos principal : "Je n'avais pas forcément envie de raconter la pauvreté car je ne l'ai jamais vraiment connue. Ce qui m'intéressait en revanche, c'était de faire un film sur le monde de l'agriculture avec tout ce que ça induit. J'avais envie de me coller à quelque chose de très animal, à la terre, aux bêtes, aux odeurs." En découle une chronique sociale parfois brute (et brutale), parfois tendre, mais surtout un récit humain où l'amour lesbien est finement traité.
Crédit photo : Outplay