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livre"Paris-Briançon" de Philippe Besson : un joli roman sur la rencontre et le destin

Par Thomas Vampouille le 11/01/2022
"Paris-Briançon", le dernier livre de Philippe Besson

Philippe Besson nous livre en cette rentrée littéraire 2022 son vingt-et-unième roman, Paris-Briançon, qui le temps d'un trajet de train-couchettes à suspense nous plonge via une galerie de personnages dans un saute-mouton empathique autour des thèmes de la fatalité, du hasard, de la rencontre, bref de la vie qui, si l'on n'y prête attention, file sur des rails.

"Un jour, j’écrirai sur les bateaux qui s’en vont…", disait Philippe Besson dans Arrête avec tes mensonges, son récit autobiographique paru en 2017. L'écrivain prolifique s'approche de son objectif avec son roman de la rentrée 2022, Paris-Briançon, qui s'ouvre sur un quai de départ mais de train, précisément celui de l'Intercités de nuit n°5789 reliant la capitale aux montagnes alpines.

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Un train-couchettes, donc, qui sera le décor nostalgique, d'autant plus bienvenu dans une époque qui a sacrément érodé nos capacités de voyage, d'un huis-clos intime entre des personnages que rien ne relie. Si ce n'est, donc, cet Intercités dans lequel ils ont embarqué ce soir-là, dans ce wagon-là, pour cette destination précise. Laquelle sera, pour certains mais ils l'ignorent encore, finale.

Au cours de ce voyage qu'on jurerait écrit durant un confinement, l'étroitesse des lieux, la durée de l'enfermement (onze heures) imposée par la lenteur du tortillard – qui justifie que l'on y fasse son lit – forment les conditions imposées de croisement entre un médecin parisien, une mère célibataire flanquée de ses deux mômes, un couple en retraite, un VRP en matériel de ski, une brochette de potes et un joli garçon des Alpes. Leurs destins vont basculer ensemble à bord de cette rame filant dans l'obscurité.

Philippe Besson, producteur d'empathies

Quiconque a déjà embarqué dans un train-couchettes sait l'atmosphère bizarrement intime qui s'y diffuse à mesure que la nuit vient l'enserrer… Les échanges, d'abord contraints par nos règles de vie en société, tournent peu à peu à de vraies questions, de l'écoute en retour, produisant en somme de la rencontre. Il aime ça, Philippe Besson, multiplier les empathies.

Autour du sort de ces personnages qui parfois "ne décident plus de rien, de rien du tout (…), des paillettes argentées dans une boule à neige secouée par un enfant turbulent", l'écrivain a construit un suspense qui fait de ce roman un page turner tendu comme une ligne de chemin de fer. Les courts chapitres s'enchaînent tels des wagons qui, nous menant du hasard vers une fatalité qu'on sait d'avance tragique, mortelle, nous baladent entretemps dans les mouvements d'âme de nos contemporains. Polyphonie des sentiments, des confidences percent dans le noir. On pense à Stefan Zweig, et ses explorations psychologiques appuyées sur des scénarios de roman de gare. Celui-ci se lit d'une traite, on en ressort un mouchoir à la main avec l'envie de vie et de rencontres ; n'est-ce pas un bon départ dans l'année qui commence ?

>> Paris-Briançon, de Philippe Besson, éd. Julliard, 208 pages, 19 euros

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Crédit photo : Facebook