livresAmina Frühauf, mère de Bilal Hassani, livre ses combats et métamorphoses

Par Gabriel Moullec le 25/02/2022
"Être mère – Taha, Bilal et moi", le live d'Amina Frühauf

"Momager", c’est la contraction des mots mother (mère) et manager. C’est comme ça que Bilal Hassani a choisi de surnommer sa mère, Amina Frühauf, femme aux multiples casquettes qui raconte au fil de son livre son combat pour l'émancipation.

Être mère – Taha, Bilal et moi, c'est d'abord la rencontre avec une femme en quête de liberté. À l'aube de ses 23 ans, Amina Frühauf quitte son pays natal, le Maroc, pour s'affranchir des diktats d'une société qui la condamne à vivre sous domination masculine. C'est sur le campus de l'Université de Bordeaux, où elle poursuit ses études de biologie, qu'elle fait la rencontre de Rali, avec qui elle se marie et aura bientôt deux enfants : Taha, puis Bilal, que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de Bilal Hassani.

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Las, "le monstre du patriarcat avec ses privations et sa forme autoritaire que j'avais fui me poursuit maintenant chez moi, dans ma chambre, dans mon lit", écrit-elle. En effet, Rali est tombé dans l'obscurantisme religieux, et la liberté non négociable d'Amina conduit le couple au divorce. Débute alors le combat d'une mère seule avec deux enfants, et Amina se heurte aux réalités sociales d'une France tantôt classiste, tantôt raciste, tantôt homophobe. Des sous-entendus tendancieux d'une professeure de français au choc des classes lorsqu'elle inscrit Taha dans un lycée huppé des Hauts-de-Seine, en passant par l'exclusion de Bilal de son internat pour avoir embrassé un garçon, Amina tente malgré tout d'éduquer ses enfants aux valeurs de "liberté" et d'"égalité entre les sexes", ainsi qu'au "droit à la différence".

Une ode à l'acceptation

Outre son combat pour la liberté et l'émancipation, Amina Frühauf nous livre un plaidoyer pour l'acceptation. "Familles, ne blessez pas vos enfants", a-t-elle ainsi intitulé la première partie de l'ouvrage, un cri du cœur qu'elle lance aux autres parents qu'elle invite à regarder par-delà les différences. "En quoi celui qui aime hors de la norme établie constitue-t-il un danger pour la société ?", renvoie-t-elle face à l'homophobie crasse dont son fils Bilal fait si souvent l'objet.

Dans ce qui est aussi une déclaration d'amour à la France, Amina raconte le paradoxe entre un père qui avait combattu l'occupant, au temps du protectorat français au Maroc, et son attirance pour le pays des droits de l'Homme. Paradoxe qui résume selon elle le "désir de liberté enchaîné aux blessures du passé" teintant l'héritage de l'histoire familiale. "Je dois toutefois reconnaître que mon intégration dans mon pays d’accueil relève d’un parcours du combattant", confie-t-elle.

Amina, femme libre

Ce livre est aussi une histoire de réconciliations, notamment entre un père religieux et un fils, Bilal, que tout oppose mais qui décident un jour de faire tomber les barrières idéologiques et de prouver que "l’amour existe par-delà nos croyances".

Finalement, on découvre au fil des pages le combat et les métamorphose d'une femme, qui doit aussi se réinventer face à l'ascension fulgurante de son fils, Bilal Hassani, qui enchaîne d'abord les participations aux télé-crochets à travers le monde. De Paris et Londres en passant par Los Angeles jusqu'à l'Eurovision 2019 à Tel-Aviv, Amina apprend à jongler entre son rôle de mère et cette nouvelle tâche : gérer la carrière naissante de son fils dont elle devient "momager" (maman et manager). "Etre Mère - Taha, Bilal et Moi", c'est l'histoire touchante d'une mère débordant d'amour – on le sait, on l'a rencontrée avec Bilal – et qui veut lancer ce message à celles qui comme elle doivent lutter pour se faire une place : "En tant que femme, en tant que mère, ne cédez jamais votre part de liberté à vos adversaires".

>> Être mère, d'Amina Frühauf, éd. Michel Lafon, 18.95 €

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Crédit photo : Michel Lafon