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éditoPersonnalité de l'année 2021 : merci Bilal Hassani

Par Thomas Vampouille le 19/11/2021
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En cette fin 2021, TÊTU inaugure son palmarès des personnalités LGBTQI+ qui ont marqué l'année. Voici pourquoi Bilal Hassani est en une de ce magazine spécial, et ce que le talentueux participant à Danse avec les Stars représente à nos yeux pour la communauté.

Une libération. Quand Bilal Hassani traverse la porte rouge installée sur le dancefloor pour son premier tableau de Danse avec les stars, sur TF1, c’est sa liberté qui traverse l’écran et nous saute à la gorge. L’assurance de ses pas dans cet instant fragile, la rage gracieuse de ses gestes chorégraphiés, la puissance éperdue de son regard, la souplesse de son corps porté par Jordan Mouillerac, viennent nous chercher aux tripes. Bien inspirée, la production avait choisi “Courage to Change” de Sia pour accompagner cette première en France : deux garçons dansant ensemble dans l’un des programmes phares de la chaîne.

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Du courage il nous en manque encore, parfois, pour jeter au loin les barrières dépassées, les vieilles lunes. On s’en approche, assurément, mais on aura mis du temps : l’un des premiers homos visibles à la télévision française fut Jacques Chazot, dans les années 1970 – le premier danseur de ballet à évoluer sur les pointes, et en tutu, s’il vous plaît ! Ses performances ont fait de lui, écrivait TÊTU il y a déjà vingt ans, “l’incarnation de la folle parisienne”. Un mot, “folle”, aujourd’hui lancé comme un reproche, voire une insulte par des hommes gays estimant ne pas être “représentés” par un Bilal emperruqué. Mais ce n’est pas le rôle de ce garçon d’à peine 22 ans, qui nous montre son talent tout en étant lui-même, et cela suffit. Car si une jeune personne se reconnaît dans Bilal, probablement seule dans ce cas autour de la télévision familiale branchée sur TF1, comme d’autres se retrouvent en Alice Coffin ou en Édouard Louis, en Amandine Buchard ou en Hoshi, en Nix Lecourt Mansion ou en Lil Nas X, c’est une victoire pour nous tous·tes. C’est ça, la représentation, et c’est pour ça que TÊTU a décidé de célébrer les personnalités LGBTQI+ ayant marqué leur domaine cette année.

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“Il est temps qu’on s’amuse plus avec les normes de genre, et qu’on les tue petit à petit”, défend Bilal après s’être entendu dire toute sa vie qu’il était “un peu trop comme les filles, et pas assez comme les garçons”. La conjonction des luttes LGBTQI+ et féministes a permis cela, elle a ouvert une porte qui débouche aujourd’hui sur une remise en cause totale des carcans de genre. Alors n’allons pas nous-mêmes la claquer au nez des “folles”, des “trop”, des “pas assez”, des queers et des bizarres. 

Il n’y a pas une façon “normale” d’être un garçon, Mylène le chante depuis trente ans

D’autant que l’identité masculine, forgée par le patriarcat, enferme les hommes dans une gangue viriliste dépassée. Prenez le costume, par exemple, c’est fou : des siècles de domination masculine, et les hommes n’ont même pas été foutus de se conquérir pour eux-mêmes la vie sans costard, la liberté des vêtements et des corps. Rien que ça : l’air frais sur leurs jambes nues, l’été, au travail. Mais aujourd’hui, enfin, bonne nouvelle les amis, on ne mesure plus votre virilité ! Ni à la longueur de vos cheveux, encore moins à l’écartement de vos cuisses dans le métro, pas même à l’angle que fait votre poignet au bout de votre bras. Il n’y a pas une façon “normale” d’être un garçon, Mylène le chante depuis trente ans, il y en a mille et une, sans contrefaçon, alors vous pouvez tomber le “masc”, les bonhommes, la libération vaut aussi pour vous. D’aucuns n’y voient qu’une mode, craignent la chienlit, la zizanie des genres ; mais c’est une révolution. En ce début de siècle, le moment arrive enfin où chacun pourra se contenter d’être soi et prendre, comme tel, sa place dans le monde.

“On va dire quelque chose qui va servir, et on va peut-être aider des gens”, ambitionne Hassani dans Danse avec les stars, avant de retourner sur le parquet tenir la dragée haute à la pin-up Dita von Teese, icône de la féminité glamour. Sur “L’Effet de masse”, chanson de Maëlle évoquant le harcèlement scolaire, lorsque Bilal déploie sa robe blanche, on prie pour que Yanis, le garçon de Montgeron lynché pour “des airs de pédé”, soit devant sa télé et l’entende leur dire, aux “trop” et aux “pas assez” : “Ça va aller, c’est certes dur mais, au bout d’un moment, le tunnel, c’est fini, on en sort !” Non seulement on en sort, mais plus fort, et on peut alors tout réussir !

Têtu en diable par sa détermination à poursuivre son rêve, depuis YouTube jusqu’à l’Eurovision où il a représenté la France en 2019, Bilal Hassani force l’admiration. En offrant avec talent et simplicité, dans une émission populaire, une incarnation de notre communauté plurielle, il s’est imposé comme personnalité TÊTU de l’année 2021. Avec lui, c’est une génération désencroûtée des normes qui s’emploie à plier le genre, le déplier et s’y déployer. On va en faire des origamis, et même des confettis ; ce sera kaléidoscopique, joyeux, bizarre et gai. Rencontrez votre époque.

Photographie de la couv : Christopher Barraja
Styliste : Simon Pylyser

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