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cinémaRencontre avec Antony Hickling pour "Down in Paris", déambulation personnelle et gay

Par Franck Finance-Madureira le 02/03/2022
Antony Hicklin

Après des films provocants et radicaux tels que Little Gay Boy, One Deep Breath, Where Horses Go To Die et Frig, le comédien et cinéaste Antony Hickling réalise avec Down in Paris un film plus accessible sans perdre de sa singularité. TÊTU l’a rencontré. 

Antony Hickling, comédien britannique installé en France depuis de nombreuses années, a expérimenté, depuis dix ans en tant que réalisateur, un cinéma expérimental et trash qui s’inscrit dans la droite ligne des travaux des pionniers du cinéma queer (Pasolini, LaBruce, Jarman pour ne citer que ces trois-là) en mêlant sexualité, religion et radicalité. Avec Down in Paris, son nouveau film très réussi qui sort en salles ce mercredi 2 mars, il prend la direction d’un cinéma d’auteur plus classique tout en conservant sa singularité : une vision sans fard de la condition gay, des marges et des tourments de l’artiste. Il s’est confié à TÊTU.

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Paris, tard le soir. Un réalisateur quitte son plateau pour prendre l’air, aller boire un verre. Au fil de la nuit, de rencontres en rendez-vous, il va partir à la recherche de lui-même, de ses blessures pas encore cicatrisées, de ses espoirs et inspirations. Le propos est personnel et ce road-movie à pied dans un Paris quasi désert a des allures de quête psychanalytique et mystique. Forcément, la question de l’introspection personnelle se pose. "Je n’ai pas écrit le rôle pour moi au départ, précise Antony Hickling. J’ai pensé à de nombreux acteurs mais au fur et à mesure du travail, le film a fait en sorte que ce soit moi qui interprète le rôle principal. C’était compliqué pour moi de me mettre en avant en tant qu’acteur dans mon propre film, je ne savais pas quel message cela pouvait envoyer de jouer ce rôle. C’est à double-tranchant car je me mets dans la position du réalisateur en pleine crise existentielle et il faut pouvoir assumer cette démarche. J’avais peur de m’en prendre plein la gueule mais cela avait du sens que je joue le rôle. J’adore la mise en abime et cela ajoute des couches intéressantes au film. Bien sûr, je joue un rôle, un personnage, mais le côté autobiographique est évident. J’ai toujours aimé me situer entre la fiction et la réalité. Là, je vais un peu au bout de ça. Il y a même mon propre père dans le film juste avant sa mort donc oui, c’est très autobiographique ! Mais Star Wars aussi, c’est sûrement un peu autobiographique !"

"Je me sens un peu plus fort d’avoir osé faire Down in Paris"

Down in Paris rencontre ce personnage de réalisateur en pleine échappée du plateau où il tourne son nouveau film et cette nuit apparaît comme une fugue, des moments volés mais nécessaires pour celui qui est en plein doute personnel et artistique. Comme l’affirmation d’une envie de quitter un territoire de cinéma pour en aborder un autre, riche de son expérience et d’une sérénité nouvelle. Mais rien n’était pensé de façon aussi claire, selon Antony Hickling : "Ma démarche a toujours été de faire ce que j’avais à faire. Je n’ai jamais eu d’optique de succès, j’ai juste fait les films que je devais faire. Après Frig, j’ai compris qu’un cycle se terminait naturellement, j’avais dit ce que j’avais à dire et j’avais l’envie de revenir à mes racines puisque je suis avant tout un comédien classique, c’est mon métier de base. J’ai eu envie de revenir à l’écriture et au jeu de comédien. Grâce à ce que j’avais fait auparavant, à ce chapitre bouclé, j’ai pu passer à autre chose. Le prochain film sera un thriller. D’ailleurs, je voulais faire Down in Paris bien plus tard, mais je réalise maintenant que ce film fait le pont entre ce que j’ai fait avant et ce qui viendra après, donc il fallait le faire maintenant".

https://youtu.be/kCqaoM7jcJU

Le comédien-réalisateur vit une période de bouillonnement artistique évident, il a tourné récemment dans deux films français (Tendre et saignant, sorti en janvier, et J’adore ce que vous faites, avec Gérard Lanvin, en salles le 22 mai prochain) et s’apprête à endosser le costume d’un personnage puissant dans la prochaine saison de la série Netflix Lupin aux côtés d’Omar Sy. "Le fait de dire maintenant que je suis prêt à jouer, à redéclencher des opportunités en tant que comédien, c’est formidable, je suis très content. Cela fait 14 ans que je suis intermittent, que je joue et double des voix. Le timing est parfait. Je me sens un peu plus fort d’avoir osé faire Down in Paris. Je n’ai jamais voulu jouer dans mes films, là, c’était le moment".

Comme ce fut le cas de ses premières œuvres, Down in Paris est un film très indépendant, autoproduit et autodistribué, qui a voyagé dans de nombreux festivals et qui commence sa carrière aujourd’hui discrètement dans deux salles, le Luminor à Paris et une à Chambéry, avec l’idée que le bouche-à-oreille fasse son chemin et que la programmation s’enrichisse chaque semaine de nouvelles salles françaises. "Le film que je suis en train de préparer aura besoin d’un budget plus élevé, explique Hickling, donc il y aura une vraie production, cela sera mon premier film vraiment plus classique à la fois sur le fond et sur la forme ! J’ai très envie d’aller vers ça. Souvent les réalisateurs commencent par des films assez classiques et se permettent, plus tard, d’aller sur des territoires plus complexes, vers la folie, pour moi cela aura été le contraire !".

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Crédit photo : Nicolas Deleplace