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cinéma"Les Meilleures" au cinéma : une romance lesbienne juste et singulière

Par Florian Ques le 09/03/2022
"Les Meilleures" : une romance lesbienne qu'on ne voit que trop peu

Marion Desseigne-Ravel signe avec Les Meilleures son tout premier long-métrage : l'histoire peu commune de deux filles d'origine maghrébine qui doivent apprendre à s'aimer loin des regards inquisiteurs. Beau et juste.

Le cinéma français avance dans la représentation diverse de la communauté LGBTQI+. Grâce aujourd'hui à Les Meilleures, le tout premier long-métrage de la réalisatrice Marion Desseigne-Ravel, qui sort en salles ce mercredi 9 mars. Au carrefour du film romantique et du récit d'apprentissage, le film esquisse la relation naissante et dévorante entre deux jeunes filles d'origine maghrébine à Paris.

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Croisée dans le film Noces en 2017 ou plus récemment dans la série Family Business sur Netflix, l'actrice Lina El Arabi prête ses traits à Nedjma, une adolescente grande gueule et téméraire qui aime errer dans son quartier, celui de la Goutte d'Or dans le 18e arrondissement parisien. L'été démarre. Pensant passer ses vacances à traîner avec sa bande de copines, elle voit ses plans dérailler avec l'arrivée de Zina, nouvelle dans son immeuble. Sans qu'elles puissent l'expliquer, les deux sont irrémédiablement attirées l'une par l'autre. Or les conséquences de cette idylle a priori insouciante pourraient s'avérer désastreuses si leur entourage venait à être au courant...

Un film ancré dans le réel

Sur le papier, Les Meilleures a tout d'un Roméo et Juliette version actualisée. La dramaturgie du film repose en grande partie sur le fait que les deux protagonistes appartiennent à des cliques rivales de leur quartier. Mais pour sa réalisatrice, les origines du projet étaient tout autres. À l'écran, les filles et leurs amies se rendent souvent dans un centre d'aide aux jeunes, sorte de point de convergence pour ces ados par ailleurs divisés. Et c'est dans un lieu plutôt similaire que l'idée du film a commencé à germer.

"Les Meilleures" au cinéma : une romance lesbienne juste et singulière
Crédit photo : Le Pacte

Quand elle débarque à Paris pour poursuivre ses études de cinéma, Marion Desseigne-Ravel se porte en effet bénévole dans une association tenue par le petit ami de sa colocataire de l'époque. Elle y aide des jeunes à faire leurs devoirs. En 2013 arrive le débat sur le mariage pour tous. "Les gens de la Manif pour tous venaient beaucoup tracter à Barbès parce qu'ils pensaient que les musulmans allaient rejoindre les cathos pour faire un grand front commun, se rappelle la cinéaste. Un jour, les ados sont arrivés au local avec des flyers contre le mariage pour tous et ils étaient très durs et hostiles dans leurs premiers propos avec nous."

En dépit de cette animosité liminaire, le dialogue s'ouvre. "J'étais en couple avec une femme à ce moment-là et je le leur ai dit, poursuit Marion Desseigne-Ravel. Ça a créé un sentiment de confiance, on a pu dépasser leurs idées reçues et parler plus généralement de sexualité. C'était un moment hyper fort pour moi et je pense que c'est vraiment là que le film s'est cristallisé."

Les Meilleures, récit d'acceptation

Placer deux filles d'origine maghrébine au cœur du récit s'est ensuite présenté comme une évidence, notamment parce que ce genre d'histoire n'existe pas dans la fiction française. "Quand j'écrivais le scénario, je me suis un peu naïvement rendue compte qu'il n'y avait pas d'autres films sur le sujet, reprend la réalisatrice. J'ai aussi pris conscience que c'était sensible à plein d'endroits et que c'était une raison de plus de le faire." Le film met bien en lumière l'obstacle majeur qui jonche le chemin de Nedjma vers l'acceptation de son homosexualité : la crainte de détonner, d'être jugée par sa mère, sa sœur, ses copines, son voisinage...

"Les Meilleures" au cinéma : une romance lesbienne juste et singulière
Crédit photo : Le Pacte

Si Les Meilleures peut être considéré comme une romance shakespearienne inclusive et moderne, c'est aussi une œuvre sur la découverte de soi. Entre phases de déni et conflits intimes, le parcours sinueux de Nedjma est transposé avec justesse grâce au jeu irréprochable de Lina El Arabi. "Quand elle a auditionné, j'ai tout de suite flashé parce qu'elle avait les deux facettes que je cherchais pour le personnage, confie Marion Desseigne-Ravel. À la fois quelque chose d'assez dur et rentre-dedans, avec un côté bien plus fragile et sensible."

La trajectoire des Meilleures n'aura pas été des plus faciles. À commencer par un tournage impossible au square Léon "à cause de dealers qui demandaient à être dédommagés pour qu'on puisse filmer dedans". Trouver une comédienne pour interpréter Zina (Esther Rollande) ne fut pas non plus une mince affaire. La réalisatrice du film se remémore de nombreux refus, dont une prétendante au rôle qui déclina l'offre en prétextant que sa mère, musulmane, ne pourrait jamais voir ce projet. Conclusion de la cinéaste : "C'était embêtant et, en même temps, c'est la preuve qu'il fallait faire ce film".

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Crédit photo : Le Pacte