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cinéma"Bruno Reidal" : rencontre avec Vincent Le Port et Dimitri Doré pour ce film choc sur l'histoire vraie d'un ado meurtrier

Par Antoine Patinet le 24/03/2022
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Entrer dans la psyché d’un jeune meurtrier, c’est tout le sujet de ce film fort, austère et d’une précision clinique, tiré d'une histoire vraie. Pour sa sortie au cinéma, nous avons rencontré Vincent Le Port, le réalisateur, et Dimitri Doré, l’acteur époustouflant qui prête ses traits à Bruno Reidal, adolescent meurtrier et fascinant.  

"Cas de sadisme sanguinaire congénital". C’est avec ces mots évocateurs que le rapport médico-légal a décrit le meurtre effroyable commis par Bruno Reidal, 17 ans, un jeune paysan du Cantal séminariste, qui a décapité au début du siècle dernier un garçon de 12 ans. L’adolescent est arrêté le 1er septembre 1905. C'est ce moment de cette histoire vraie qu'explore le film de Vincent Le Port, son premier long-métrage, alors que l'enfant fait face à des médecins qui tentent de comprendre l’incompréhensible, d’expliquer l’inexplicable.

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"Je commençais à écrire un scénario de long-métrage sur un serial killer contemporain que j’inventais en essayant de m’inspirer du mythe du Minotaure, se souvient Vincent Le Port, et au cours de mes recherches, j’ai lu quelques pages sur ce paysan qui veut devenir prêtre et qui, à 17 ans, décapite un enfant. Les extraits des mémoires de Bruno Reidal m’ont scotché. En voyant les photos de ce jeune homme, qui avait l’air d’avoir 13 ans et qui était d’une banalité confondante, puis en lisant ses mémoires, j’ai été vraiment ému, je me suis parfois reconnu en lui. Ce trouble m’a donné envie d’aller plus loin, et je savais qu’il y avait quelque chose à creuser d’un point de vue du cinéma sur cette affaire".

Bruno Reidal, rôle délicat

Le film s’inspire donc des mémoires très documentés du meurtrier, ainsi que des rapports médico-légaux, pour donner corps à l’intériorité du jeune homme et tenter d’analyser les origines de ses troubles. Pour le cinéaste, c’est l’occasion de dessiner un portrait à la fois clinique et sensible d’un jeune homme apparemment banal mais aux troubles psychiatriques complexes : "Il raconte qu’il a eu ses premières pulsions de meurtre à l’âge de 5, 6 ans, et analyse presque froidement et avec une extrême lucidité son intériorité. Il est presque naïf et candide quand il raconte sa découverte de la masturbation à la suite d'un viol horrible et sa première idée de meurtre qui suit. Il évoque assez peu son désir érotique mais il se rend compte que pour jouir, imaginer un garçon nu ne lui suffit pas, il faut qu’il s’imagine le massacrer".

"Dans la vie, Dimitri est solaire, exubérant, totalement désinhibé et très sympa donc j’ai eu peur que cela ne fonctionne pas mais au cours des essais, il s’est vraiment révélé."

Vincent Le Port

"Bruno Reidal" : rencontre avec Vincent Le Port et Dimitri Doré pour ce film choc sur l'histoire vraie d'un ado meurtrier

L’une des clés du film était de trouver l’acteur prêt à endosser ce personnage à la fois jeune et déjà tourmenté par des questionnements profonds et une violence inouïe. "On a mis du temps à le trouver. C’est Jean-Luc Vincent, qui joue dans le film, qui l’a vu au théâtre et qui m’en a parlé mais il le pensait trop jeune pour le rôle, il lui donnait 12, 13 ans alors que Dimitri avait déjà 20 ans. J’ai ensuite entendu sa voix dans une interview sur France Culture, je me suis dit qu’il y avait vraiment un truc. Dans la vie, Dimitri est solaire, exubérant, totalement désinhibé et très sympa donc j’ai eu peur que cela ne fonctionne pas mais au cours des essais, il s’est vraiment révélé. Il a beaucoup travaillé sur la posture, la voix, l’accent, c’était phénoménal."

"Pour moi, Bruno Reidal est d’une humanité folle, il est désespéré, violent, troublant, tremblant…"

Dimitri Doré

Rémois d’origine lettone, Dimitri Doré est "monté à Paris" pour étudier le théâtre en 2016, et tout s’accélère. Il raconte : "J’ai travaillé dès 2017 sur une pièce de Bernanos montée aux Amandiers à Nanterre par Jonathan Capdevielle, A nous deux maintenant, et c’est là que j’ai été repéré. On m’a trouvé assez étrange, singulier. Vincent Le Port cherchait plutôt des comédiens non professionnels mais j’ai eu le scénario par mon agent de l’époque et je l’ai dévoré. Je voulais absolument passer l’audition et j’ai décroché le rôle. Pour moi, Bruno Reidal est d’une humanité folle, il est désespéré, violent, troublant, tremblant, il a un besoin instinctif de domination et d’approbation. Il y a aussi de l’orgueil chez lui et il ne voulait pas être otage de sa condition sociale, il est à poil. Il aurait pu être un héros puisqu’il a lutté tout le temps contre lui-même et, ce qui est beau, c’est qu’il aura toujours clamé sa vérité."

La révélation Dimitri Doré

Le film, son atmosphère et ses personnages peuvent rappeler l’univers, lui aussi trouble, d’un auteur-réalisateur comme Jean Genêt qui fut l’une des inspirations du cinéaste : "Il m’est venu en tête dès la lecture des mémoires qui sont un mélange du style de Jean Genêt et de Poil de carotte, précise Vincent Le Port. On retrouve via le séminaire les ambiances entre garçons qu’a connues Genêt dans sa jeunesse et les ambiguïtés idéologiques de Pompes funèbres qui est un de mes livres préférés. Mais la question centrale, c’est de savoir si on ne peut avoir de l’empathie que pour des gens bien sous tous rapports. Et l’enjeu du film, c’est d’éprouver cette empathie chez les spectateurs, de faire confiance à leur maturité et de ne pas juger. Bruno Reidal ne reporte jamais sa responsabilité sur personne, ni sur son violeur, ni sur sa famille, il décrit tout cela de façon implacable et douce."

"Bruno Reidal" : rencontre avec Vincent Le Port et Dimitri Doré pour ce film choc sur l'histoire vraie d'un ado meurtrier

Pour son interprète, Dimitri Doré, "on ne parle même pas d’homosexualité au sujet de Bruno Reidal à l’époque parce qu’on ne sait même pas que ça existe. Il est confronté à un désir amoureux dont il n’a pas conscience. Sur le tournage, il y a eu ce plaisir de la métamorphose qui est jouissif puisqu’on joue avec la nature humaine". "Ce n’est pas du tout l’histoire d’un homosexuel qui transforme ses désirs secrets en meurtres, complète Le Port, mais même s’il ne le dit pas, c’est bien un désir érotique teinté de destruction qui se cristallise autour de celui qui sera sa victime. Il est terrassé par la honte mais malgré tout, selon moi, c’est une histoire de désir amoureux qui est à la base de son trouble. Même si le personnage que j’ai créé entre la réalité et la fiction m’échappe encore, il est pétri de tabous sexuels, ses désirs sont cadenassés. Dans ses mémoires, son lexique oscille toujours dans un double sens où se mêlent Eros et Thanatos : la domination, la possession, la pénétration par un couteau…"

"Bruno Reidal, c’est un magnifique personnage. Pour une première fois au cinéma, je suis gâté !"

Dimitri Doré

Rien d’intimidant pour Dimitri Doré, qui a endossé ce costume avec respect et empathie. Pour ce fan de Muriel Robin, de Maria Pacôme ou de Michel Fau avec qui il a travaillé récemment sur l’opéra Wozzeck à Monaco, "Bruno Reidal, c’est un magnifique personnage. Pour une première fois au cinéma, poursuit-il, je suis gâté ! J’ai adoré l’incarner. La caméra m’a révélé à moi-même en tant qu’homme et en tant qu’artiste. Au théâtre, on fait soi-même ses gros plans et ses travellings ! Mais ce tournage a été avant tout de merveilleux moments pour respirer l’âme des autres, celle de Bruno mais aussi celle de toute l’équipe de tournage. Et ce plaisir d’avoir des retours de la presse, du métier, on ne peut pas prétendre y être insensible. Cela fait du bien." Carrière lancée sur de bons rails pour ce jeune comédien surprenant qui tournera en juin dans Pleure pas Gabriel, un moyen-métrage de Mathilde Chavanne. "Il a vraiment une cinégénie incroyable, conclut son réalisateur, dès le tournage du premier plan, sans dialogue, à lire la Bible, il y a eu une évidence pour tout le monde sur le plateau…"

>> La bande-annonce de Bruno Reidal, Confession d'un meurtrier :

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Crédits photos : Films Capricci