musiqueLe Lou, le jeune rappeur strasbourgeois qui fait de son identité queer une force

Par Florian Ques le 07/04/2022
Rencontre : Le Lou, le jeune rappeur strasbourgeois qui fait de son identité queer une force

Bien qu'il ne refuse d'être cantonné à sa transidentité, le rappeur Le Lou est fier de pouvoir représenter les couleurs du drapeau LGBTQI+. Il sera présent aux Inouïs du Printemps de Bourges pour défendre sa musique.

À l'image des éditions précédentes, le festival du Printemps de Bourges continue en 2022 de faire briller les jeunes artistes français LGBTQI+. Du 19 au 23 avril prochains, il n'y aura qu'à se frayer un chemin jusqu'à la scène des Inouïs pour découvrir les révélations de demain. Et au-delà de la variété mélancolique d'Oete, on aurait tendance à vous conseiller d'aller assister à la performance de Le Lou, un jeune rappeur venu d'Alsace qui n'hésite pas à dénoncer le "cis-tème" en musique.

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Le rap comme une évidence

Natif de la ville de Forbach en Lorraine, Lou se rappelle d'une enfance marquée par l'art dans sa globalité. Plusieurs membres de sa famille évoluent dans le secteur musical – à commencer par son père, ingénieur du son. Tout jeune, il suit des cours de solfège mais fait une croix dessus après quelques années : "Le côté trop scolaire, ce n'était vraiment pas mon truc." Arrive ensuite le spectacle vivant. Avec, dans un premier temps, la théâtre. Puis la danse. C'est comme un déclic.

"La danse que je pratiquais, c'était du hip-hop, explique-t-il. J'ai toujours été marqué par cette culture-là au sens large. Le rap a toujours été une musique que j'ai écoutée et je pense que ça a été une évolution naturelle pour moi." Il crédite les collectifs 1995 et L'Entourage comme sources d'inspiration l'ayant poussé à se lancer. Vers l'âge de 22 ans, une fois son diplôme d'éducateur en poche "pour rassurer la maman", il s'oriente vers le beatmaking avant de s'essayer au rap. Jackpot.

"À mes yeux, l'esthétique et la culture rap ont ce truc très spontané, très frontal, dit-il, comme pour justifier son attrait pour ce genre musical singulier. Ça transpire. Je suis issu d'un milieu très clairement populaire. De par son langage et ses références, le rap est une musique qui me parle directement. Quand tu écoutes du rap, tu as l'impression d'être compris, ça crée une proximité."

Allier art et queerness

Ayant depuis délaissé ses contrées natales pour le département voisin, Lou, aujourd'hui âgé de 27 ans, prend le temps de façonner sa musique à Strasbourg, entre deux jobs alimentaires. En témoigne son premier EP, Freestilz, ajouté l'an dernier aux plateformes de streaming. Si son identité queer ne transparaissait pas dans ses compositions initiales, c'est tout autre chose avec "Jean-Cis Dude", son single qui met à mal les gardes du patriarcat avec astuce et punchline.

"Je me suis rendu compte avec le temps qu'il y avait trop peu de représentation LGBTQ+ dans le milieu rap, reconnaît le jeune artiste. Et je n'ai pas forcément envie de faire de ma queerness mon fer de lance ou mon fonds de commerce, mais il y a une volonté de mettre le pied dans la porte. Si je peux gagner en visibilité et parler à d'autres personnes queers, peut-être que ça donnera de la légitimité à ceux qui viendront après moi. Et ça, ce serait cool." Une sorte de pression, voire de responsabilité, qu'il se sent prêt à endosser : "Je sais qu'il peut y avoir de la violence à la clé mais je choisis d'avancer dans la joie. Il faut le faire. On est là et on compte bien trouver notre place."

Bien qu'il se perçoive pas comme un activiste, Lou estime être un militant dans l'âme. Souvent par convictions – "je suis quand même dans ces milieux queers et je m'informe énormément sur les questions d'intersectionnalité" – mais aussi parfois par défaut. "Rien que le fait d'être trans et d'exister publiquement, c'est politique, assure-t-il. Nos existences sont politiques." Un message fort qu'il viendra sans doute soutenir lors de son passage sur la scène des Inouïs le 21 avril. En attendant un nouvel EP "qui est là et qui attend juste d'être libéré". Le programme est tout tracé.

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Crédit photo : Bartosch Salmanski