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histoireIl y a 50 ans, le meurtre de George Duncan, martyr des droits homosexuels en Australie

Par Gabriel Moullec le 11/05/2022
Il y a 50 ans, la mort de George Duncan

Voilà cinquante ans ce 10 mai 2022 que George Duncan, un professeur gay de 41 ans, mourait noyé après avoir été jeté dans une rivière, semble-t-il par deux policiers. Sa mort provoquera le début du mouvement qui aboutira à la dépénalisation de l'homosexualité en Australie.

Adélaïde, le 10 mai 1972. Alors que George Duncan, un professeur de droit de 41 ans, homosexuel, se trouve sur la berge de la rivière Torrens, haut lieu de rencontre gay de cette ville du sud de l'Australie, il est jeté à l'eau comme deux autres hommes. Mais lui ne sait pas nager, et meurt noyé. Ce meurtre, dont on soupçonne qu'il ait été commis par des policiers, provoque une vague de colère qui va contribuer à poser les premières pierres d'une série de réformes changeant durablement la vie des homosexuels en Australie, ouvrant notamment la voie à la dépénalisation de l'homosexualité.

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"Il y a eu un mouvement au sein de la communauté, au sein du Parlement, pour mettre à jour nos lois, et l'Australie-Méridionale est devenue la première juridiction d'Australie à réellement dépénaliser l'homosexualité pour les adultes consentants", retrace aujourd'hui Keiran Snape, conseiller municipal de la ville, auprès de la chaîne ABC pour les 50 ans de ce drame historique. L'assassinat de George Duncan met en effet deux problématiques en lumière : les discriminations dont les homosexuels font l'objet mais aussi la cruelle répression policière qui s'abat sur eux.

La voie vers la dépénalisation de l'homosexualité

Rapidement, le meurtre bénéficie d'une couverture médiatique importante et provoque l'indignation de tout le pays, à telle enseigne que le 26 juillet 1972, soit un peu plus de deux mois après la mort de George Duncan, un projet de loi pour réformer le Criminal Law Consolidation Act, qui pénalise l'homosexualité, est déposé par Murray Hill, membre conservateur du parti libéral. Si le texte est affaibli par un amendement limitant la dépénalisation à la sphère privée, le fils de son auteur, cité par la BBC, souligne que "cela a donné un certain élan au débat sur la dépénalisation [qui] avait commencé auparavant à un rythme assez lent, mais lorsque le public a pris conscience de ce qui s'était passé, l'incrédulité s'est transformée en colère et la colère générale de la communauté a fait avancer le débat".

À mesure que l'enquête avance et que les soupçons se confortent concernant l'implication de deux policiers dans l'assassinat, l'inquiétude de la communauté gagne les grandes villes du pays et de nombreuses manifestations sont organisées pour défendre les droits des homosexuels. Alors méconnues du grand public, les persécutions dont la communauté fait l'objet par l'institution policière font la une de l'actualité. Mais l'enquête sur la mort de George Duncan patine et, en octobre 1972, c'est la déception pour les défenseurs des droits homosexuels : aucune poursuite ne sera engagée à l'encontre des policiers suspectés. Les déclarations d'un ancien officier quant à une dissimulations de preuves par trois policiers feront resurgir l'affaire dix ans plus tard, mais tous seront acquittés.

Entretemps, l'évolution des mœurs a été engagée. En 1975, une député du parti travailliste réintroduit un projet de loi visant à dépénaliser l'homosexualité et le texte, après moult revirements, finit par être adopté en l'état, faisant de l'Australie-Méridionale le premier État australien à dépénaliser l'homosexualité, une victoire. Il faudra néanmoins attendre 1997 pour que la totalité des États du pays légifèrent en ce sens, et 2017 pour assister à la reconnaissance du mariage entre personnes du même sexe.

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Crédit photo : George Duncan memorial, Creative Commons Wikipedia