La marque éponyme de feu Karl Lagerfeld fait souffler un vent chaud sur le vestiaire de l'été en invitant Archie Alled-Martinez pour une collection capsule queer et sexy.
"C'est bon, tu me vois ?" demande Archie de l'autre côté de sa webcam. Sourire jovial, blond californien, mâchoire carrée et moustache qui lui donne l'air tout droit sorti d'un dessin de Tom of Finland, Archie Alled-Martinez est en train de s'imposer comme l'un des designers gays les plus prometteurs de sa génération, à l'origine d'une mode sexy mais accessible dans laquelle l'extravagance est dans le détail, et la queerness absolument partout. Derrière lui, il a épinglé sur un tableau des images, un "moodboard" comme on dit dans le jargon du milieu, sur lequel on croise Ronaldo, des ballons et des maillot de foot. "Ce sont des recherches pour une future collection, explique-t-il amusé. J'ai toujours trouvé qu'il y avait dans le foot quelque chose de très homoérotique…"
Réinvention queer
C'est en partie pour sa capacité à voir le queer partout que la marque éponyme du génie de la mode disparu en 2019, Karl Lagerfeld, a pensé au créateur espagnol pour une collection capsule disponible depuis le 15 juin. Une série très inspirée par l'esthétique des années 2000 : jeans taille basse, costumes amples et scintillants, ou encore crop tops inspirés des maillots de football américain, estampillés "Queer", "Team Karl"…
Il y aussi "Carine Roitfeld", l'emblématique patronne du Vogue France, autre inspiration majeure du designer espagnol. "Une icône gay, selon lui. La façon qu'elle a eu de mettre en scène la sexualité dans les années 2000 a participé à l'imagerie gay et lesbienne de l'époque." Il se souvient notamment de cette image dans laquelle le pubis d'une mannequin avait été épilé en forme du G de Gucci : "Probablement la chose la plus gay qu'on ait jamais faite, et encore plus parce que c'est une femme qui le porte."
Bousculer les codes de genre, c'est un peu la mission que s'est donné Archie Alled-Martinez depuis sa sortie de la prestigieuse institution St Martins de Londres. Sa marque – à qui l'on doit notamment la combinaison en jean à paillettes qui avait fait le tour du monde après avoir été portée par Harry Styles en 2019 – ne présente que des collections unisexe. Et la collection capsule de Karl Lagerfeld n'échappe pas à cette contrainte. "La marque m'a demandé d'être complètement genderless, et pour moi c'était une évidence. Je pense que si Karl Lagerfeld avait grandi à notre époque, il se serait probablement défini comme fluide." Grand fan du créateur de mode emblématique du XXe siècle, Archie avait même dessiné sa toute première collection en s'inspirant de l'amant historique de celui-ci, Jacques de Bascher.
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Génération sans étiquettes
Archie n'imagine pas faire autre chose que de la mode qui lui ressemble. Une mode queer, inspirée de la culture gay et queer, et surtout qui s'affranchit des normes de genre. "C'est l'avenir de la mode puisque c'est l'avenir du monde. Pour les nouvelles générations, les étiquettes n'existent pas, et c'est arrivé en si peu de temps que c'est difficile pour les personnes plus âgées de le comprendre. Parce que ma génération, par exemple, a été élevée dans les étiquettes. Dans les années 2000, on était hétéro, gay, bisexuel. On pouvait même être 'métrosexuel', tu te souviens ?" dit-il en riant. Et s'il reconnaît que les marques n'ont pas été les dernières à coller des étiquettes pour attirer plus de clients, il regarde avec bienveillance l'engagement de ces dernières pour plus de diversité.
Et quand on lui demande quelle étiquette il se colle lui-même, il regrette de n'être qu'un "homme gay cisgenre". "J'aurais voulu être bi pour pouvoir tout avoir. Mais il y a des évidences parfois contre lesquelles on ne peut pas lutter. J'ai travaillé avec un ami hétérosexuel sur une vidéo très inspirée des codes esthétiques du porno gay. À la fin, il m'a dit 'Archie, j'ai regardé tellement de porno gay, je peux t'assurer que je ne le suis pas !' – Moi c'est pareil, j'ai regardé tellement de porno hétéro que je suis certain de ne pas l'être ! Parfois tu sais, parfois non. Tout ça pour dire qu'aujourd'hui, les étiquettes, c'est bon pour les vêtements !"
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Crédits photos : Karl Lagarfeld