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cinémaRencontre avec les amoureux de "Trois nuits par semaine", première comédie romantique drag

Par Franck Finance-Madureira le 09/11/2022
"Trois nuits par semaine", un film de Florent Gouëlou

Dans Trois nuits par semaine de Florent Gouëlou, premier film français mettant en scène des drag queens en personnages principaux, le comédien Pablo Pauly et l’artiste Romain Eck (nom de drag Cookie Kunty), vivent une belle histoire d’amour. À l’occasion de la sortie du film au cinéma ce mercredi 9 novembre, ils reviennent tous les deux sur le tournage.

Romain, ce n’est pas la première fois que vous tournez sous la direction de Florent Gouëlou…

Romain Eck : J’ai rencontré Florent en 2016 à l’un de mes shows, je commençais à peine à faire du drag, depuis à peu près 4 ou 5 mois. Et il m’a vite approché pour me parler de son court-métrage Un homme mon fils (2017). Il est aussi devenu drag et je pense que c’est grâce à ça qu’il peut filmer cet univers avec autant de justesse. C’est vite devenu une belle relation amicale, professionnelle et artistique, et nous avons tourné deux autres courts ensemble, Beauty Boys et Premier amour (2020). 

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Comment avez-vous réagi à la lecture du scénario de Trois nuits par semaine ? 

Romain Eck : Étrangement, j’ai mis très longtemps à me décider à le lire. Et j’ai adoré ! Souvent lors de notre travail ensemble, Cookie Kunty arrivait un peu comme une sauveuse, elle débloquait la situation et, pour moi, en tant qu’acteur, il n’y avait pas vraiment de challenge, j’étais juste Cookie ! Là, le personnage est plus complexe, il y a de nombreuses choses différentes à interpréter. Ce qui m’inquiétait, c’était d’être à la hauteur de la tâche qu’on me confiait, de faire honneur au rôle et au projet. Mais ce qui est intéressant, c’est de montrer un peu les coulisses, de voir un personnage de drag au naturel sans pour autant démystifier l’univers du drag parce que Cookie, finalement, reste très mystérieuse, assez réservée hors-scène. Je me suis servi des armes que Cookie m’a apportées dans la vie pour explorer aussi Quentin, mon personnage. 

Pablo Pauly : En lisant le scénario, je me suis dit enfin, un film qui parle d’homosexualité sans que cela soit vu comme un problème. On a vu beaucoup de films sur des jeunes hommes ou des jeunes femmes qui découvraient leur homosexualité mais où tout est compliqué, la famille leur tourne le dos, les amis s’interrogent et je trouve ça un peu faible. Là, il n’y a pas de problème lié à ça. Même ma nana dans le film me dit que j’ai des choses à vivre. Cela m’a beaucoup touché. C’est une histoire d’amour et pas une négociation avec soi-même. Et puis cela me fait plaisir de pouvoir jouer quelque chose de différent de ce qu’on me propose d’habitude. 

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Pablo, est-ce qu’il y avait une appréhension particulière pour ce rôle de jeune homme hétéro qui vit sa première histoire gay ? 

Pablo Pauly : Il y a une appréhension sur chacun des rôles, celle d’essayer d’être juste et au plus proche du personnage, mais pas ici plus que pour un autre. La seule crainte, c’est d’être mauvais, donc il faut travailler. Avec Florent, nous avons essayé de trouver le personnage. J’ai beaucoup travaillé à voix haute. On m’a beaucoup bridé pour que l’essentiel passe par les yeux. C’est un peu frustrant mais c’est essentiel pour le personnage. 

Comment avez-vous travaillé cette relation entre vous ? 

Romain Eck : On a d’abord fait des essais avec Pablo pour voir si l’alchimie prenait entre nous. La première fois que nous nous sommes rencontrés, nous avons répété la scène où je dis que j’ai mal partout, nous étions donc allongés côte à côte. On a tout de suite bien rigolé ensemble, et je pense que nous avons construit en parallèle notre amitié dans la vie et l’histoire d’amour dans le film. Je n’avais qu’une expérience limitée du jeu d’acteur donc j’ai été coaché par un comédien et, pour que tout cela soit réaliste, il était vraiment important que je m’entende bien avec mon partenaire. Je pense qu’on s’est mis mutuellement en confiance : lui par rapport à tout ce qui se passe sur un plateau de cinéma et moi par rapport à l’univers du drag. Je l’ai initié à ce joyeux bordel ! J’ai pris beaucoup de plaisir à lui montrer ce qu’on faisait.

Pablo Pauly : Tout s’est très bien passé et on s’est vraiment bien marré, même si le cinéma c’est quelque chose de très sérieux pour moi, et que j'avais un peu peur de me retrouver face à Romain. J’attendais beaucoup de ce premier rendez-vous et il est arrivé avec son grand sourire et ses grands ongles, on a beaucoup parlé, évoqué les scènes compliquées, nos gênes respectives. J’étais vraiment concentré mais tout a été plutôt cool. Et j’ai appris à quel point cela prenait du temps pour les drag de se préparer, de se maquiller ! 

Est-ce que vous pensez qu’un film comme celui-ci, une comédie romantique plutôt grand public, peut faire avancer les mentalités ?

Romain Eck : Florent a vraiment voulu faire un film qui soit fédérateur et qui permette à chacun, de par la diversité des relation humaines, de se retrouver. C’est par le regard du personnage de Pablo que le spectateur découvre le monde du drag et assiste à des discussions sans tabou. Et le personnage joué par Hafsia Herzi fait un peu le lien, elle est sans jugement. 

Pablo Pauly : Déjà, cela m’a passionné de découvrir l’univers du drag. J’ai trouvé extraordinaire de voir qu’on pouvait jouer à ce point avec les couleurs, avec les humeurs, jouer avec son propre corps pour se révéler soi-même, c’est assez formidable. Pour revenir à la question, oui, et c’est vraiment mon seul et unique but en faisant ce film : qu’on arrête de faire de ces questions un débat. Il faut que cela soit simple et que cela rentre dans les mentalités de tout le monde. Le film ne fait pas la morale à qui que ce soit mais il existe, et porte de très beaux messages. Je veux que mes parents et mon petit frère le voient et soient touchés. S’ils le sont, alors c’est gagné ! Et chacun pourra comprendre qu’il n’est question que d’amour, et que l’amour est au-dessus de toute chose. Laissez-vous porter par cette belle histoire entre un homme qui tombe amoureux d’une femme et de l’homme qui se cache derrière. Il faut vraiment se laisser guider par son cœur et son esprit, et le film va dans ce sens. 

Romain, avez-vous désormais envie de poursuivre une carrière de comédien ?

Romain Eck : J’aimerais beaucoup continuer à jouer, avec Florent bien sûr ou avec d’autres, et en drag ou en garçon d’ailleurs, je suis assez ouvert. Je pense que je ne m’en suis pas trop mal sorti donc j’ai envie d’explorer d’autres rôles, d’autres personnages, peut-être plus loin de moi. Mais je poursuis mon travail en drag sur scène, tous les dimanches au Who’s pour la soirée "Drag Me Up" et on peut retrouver Cookie Kunty sur les réseaux sociaux

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Crédit photo : Trois nuits par semaine de Florent Gouëlou