Abo

LGBTphobieSpectacle de drag queen pour enfants : retour sur une polémique désastreuse

Par Maurine Charrier le 20/12/2022
Drag queen

Le dimanche 11 décembre s'est tenu à Bordeaux le Cabababy Party, un spectacle de cabaret à destination d'un public de tout-petits, dont la programmation a fait l'objet d'une regrettable polémique autour des drag queens.

Derrière le Cabababy Party, c’est Jenny qui tire les ficelles. Issue du monde du spectacle burlesque, la jeune maman, bien conseillée par sa fille de deux ans, a eu l’idée de créer un spectacle de cabaret pour enfants. Et c'est sous un chapiteau bordelais, le Blonde Venus, qu'elle a décidé de monter son show ludique et inédit, composé de performances variées, toutes évidemment adaptées au public visé, de 0 à 3 ans.

À lire aussi : Des masculinistes violents ciblent… les drag queens qui lisent des contes aux enfants

Au programme, des chanteurs, des danseurs, des musiciens, des mascottes de dessins animés, un stand de maquillage, un atelier bulles et autres merveilles pour le plaisir des tout-petits. Jusque-là, tout allait bien, si ce n'est qu'une drag queen, La Maryposa, a été sélectionnée par l’organisatrice pour amuser les enfants lors de cet après-midi dominical prévu pour le 11 décembre. Une drag queen à l’affiche, il n'en fallait pas plus pour mobiliser sur Internet les réactionnaires de tout poil… “Maltraitance”, “malades mentaux”, “laissez nos enfants tranquilles”, voilà comment ceux-ci se sont empressés de faire savoir leur mécontentement, d'abord sur le site réactionnaire Fdesouche, puis sur les réseaux sociaux où se sont multipliés les appels à la haine contre l'initiative. L’organisatrice, et plus encore La Maryposa, reçoivent alors des messages insultants à caractère LGBTphobe, et même des menaces de mort. 

TPMP s'en mêle

Un épisode qui rappelle le climat tendu sévissant aux États-Unis, où des lectures de contes pour enfants par des drag queens sont devenues la cible régulières d'opposants haineux parfois violents. Dernier exemple en date, l'annulation d'une de ces lectures dans l'État de l'Ohio, face à la menace de groupes masculinistes de type "Proud Boys".

En à peine 24 heures, en France, la polémique concernant le Cabababy party enfle tant qu'elle fait l’objet, le mardi 6 décembre, d’un débat sur le plateau de l'émission de Cyril Hanouna, Touche Pas à Mon Poste, sur C8. La vidéo de promotion du spectacle, dans laquelle on voit La Maryposa appeler face caméra parents et enfants à répondre présents au rendez-vous, est diffusée à l'antenne avant que le sujet du débat ne soit lancé : “À Bordeaux une soirée pour enfants mettant en scène des drag queens fait polémique ! Bonne idée ?”.

“C’est une initiative formidable”, “je ne vois pas où est le problème” affirment plusieurs chroniqueurs autour de la table – hélas trop rares –, favorables à l'initiative au nom “du droit à la différence”. Pour la grande majorité d'entre eux, d'entre elles d'ailleurs, c'est en revanche un non catégorique. “On fera du militantisme plus tard”, “c’est n’importe quoi”, s'exclament ces dernières, pointant notamment du doigt le collier à pics porté par l’artiste, assénant ni plus ni moins que “les parents qui emmèneront leurs enfants voir ce spectacle vont en faire des enfants perturbés".

Au-delà du vocabulaire outrancier voire insultant, et des éternels amalgames attestant une totale méconnaissance du sujet, que ce soit entre personnes trans et drag queens ou entre identité de genre et sexualité, les opposants ont une nouvelle fois entonné le fameux air du "lobby LGBT" qui voudrait endoctriner les enfants. Ressassant cette idée absurde que les représentations queers seraient dangereuses pour les enfants et nuiraient à leur développement cognitif, l'émission a donc remis de l’huile sur un feu qui, hélas, n'en avait pas besoin.

La drag queen fait demi-tour

Face au cyber-harcèlement, et sans céder aux menaces de mort et tentatives d’intimidations, l'organisatrice du Cabababy party et toute son équipe de performeur·euses ont pris la décision de maintenir le spectacle. La police municipale de la ville de Bordeaux a toutefois été appelée en renfort pour prévenir d'éventuels débordements. Heureusement, seuls quelques opposants sont venus afficher leur mécontentement devant la péniche qui accueillait l'événement. Mais la drag queen La Maryposa, qui n'a pas souhaité nous donner plus de détails sur ses la raison de son geste, a quant à elle préféré faire demi-tour.

Le spectacle dont elle était à l'affiche a toutefois fait salle comble. Ainsi, plus d’une centaine de personnes, parents et enfants confondus, ont rempli les rangs du Blonde Venus ce dimanche-là, un souvenir immortalisé dans une vidéo sur le compte Instagram de l'événement. L’organisatrice nous a confié, en raison du succès de ce lancement, préparer d'autres dates à Bordeaux, Paris, Toulouse et Nantes. Et elle inclura une nouvelle fois des drag queens dans la programmation, pour des shows “plein de bienveillance et de représentations variées".

À lire aussi : Jeu vidéo, Mylène Farmer, porno, Philippe Besson… au sommaire du nouveau têtu·

Crédit photo : illustration/Gunnar Ridderstrom, Unsplash