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LGBTphobieDes masculinistes violents ciblent… les drag queens qui lisent des contes aux enfants

Par Nicolas Scheffer le 05/12/2022
Les ateliers de drag queens pour enfants sont la nouvelle cible de la droite réactionnaire

Une lecture de contes par des drag queens a encore été annulée aux États-Unis ce week-end face à la menace de groupes masculinistes de type "Proud Boys", qui ciblent de plus en plus ce type d'événements.

La menace anti-queer prend des allures guerrières outre-Atlantique. En tenue paramilitaire et armés d'un fusil d'assaut pour certains, 50 à 70 individus d'extrême droite ont manifesté ce samedi 3 décembre devant une école de l'Ohio, dans le Midwest des États-Unis, qui devait accueillir… une lecture de contes pour enfants par des drag queens. Face aux intimidations, et ne sachant comment sécuriser l'événement, l'école a préféré annuler à la dernière minute. De plus en plus outre-Atlantique, ces lectures sont prises pour cible par des manifestants d'extrême droite faisant preuve de méthodes d'intimidation violentes.

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Ce concept de "Drag queen story hour" a été inventé en 2015 à San Francisco par une association portant le même nom, afin de "créer un programme où les enfants puissent exprimer leur authenticité". Plébiscitées par les enfants, ces lectures ont depuis lors essaimé ailleurs dans le pays et dans le monde. Dans l'Ohio, samedi matin, la "Holi-Drag Storytime" devait se tenir dans une école rattachée à une église de Columbus, la capitale de l'État. Mais la menace des militants des Proud Boys, une organisation masculiniste prônant la violence politique, ainsi que d'autres groupes politiques d'extrême droite, ont conduit à l'annulation de la performance.

Sécuriser les événements drag

Sur l'estrade décorée pour accueillir la performance, la responsable de l'école de Columbus, Cheryl Ryan, a expliqué, en pleurs, que l'annulation faisait suite à des désaccords internes sur "la manière dont cette communauté peut être protégé de la meilleure des manières", rapporte l'agence américaine Associated Press. "J'ai passé la semaine au téléphone avec la police, laissant de nombreux messages vocaux à propos des intimidations que nous avons reçues. Après une semaine, la police m'a conseillé de faire appel à un agent de sécurité privé", a-t-elle précisé à la presse, citée par CBS news.

Finalement, une équipe communautaire et bénévole a été mise en place pour organiser la sécurité. Mais "les artistes ne se sentaient pas suffisamment protégés sans la présence de policiers, tandis que les bénévoles se sentaient en insécurité en raison de la présence de forces de l'ordre", a développé Cheryl Ryan. Dans un communiqué publié sur Facebook, la police s'est défendue, arguant que le déploiement de plusieurs unités avaient bien été programmé. "Alors que l'événement a fini par être annulé, nous avons quand même envoyé des officiers dans la zone pour faire en sorte que toutes les parties soient en sécurité, ont assuré les forces de l'ordre quelques heures plus tard. Nous protégeons tous les citoyens de manière égale. Nous continuerons de travailler en bons termes avec la communauté LGBTQI+ pour faire en sorte qu'elle se sente en sécurité et protégée dans tous les événements qu'elle produit".

Les Proud Boys, garçons fragiles et dangereux

Si, aucune violence physique n'a été rapportée ce week-end, et pour cause, quelque 50 à 70 miliciens d'extrême droite sont bien venus manifester, en cagoule, faisant tantôt des saluts nazis à la foule, tantôt dansant sur YMCA, hymne mondial des Village People, a rapporté sur son compte Twitter Brendan Gutenschwager, journaliste indépendant. Les associations LGBTQI+ ont quant à elles appelé à ne pas riposter en raison de la situation "potentiellement volatile et dangereuse"

Depuis quelque temps, les lectures par des drag queens sont particulièrement ciblées aux États-Unis, où le climat LGBTphobe se tend : le 29 octobre à Orlando, le centre LGBTQI+ a annulé sa lecture "en raison de multiples menaces". Mi-juin, cinq hommes appartenant aux Proud Boys ont débarqué dans une bibliothèque de la banlieue de San Francisco, insultant devant les enfants les drag queens de "pédophiles" et autres insultes homophobes. Fin juin, sept membres du groupe masculiniste ont également perturbé une lecture dans l'Indiana. Fin juin également, dans le Nevada, un homme armé d'un fusil a interrompu un conte, alors que des Proud Boys étaient en train de manifester devant la bibliothèque...

Les chercheurs de l'ACLED, pour "armed and conflict localisation and event date", une ONG qui mesure la violence politique dans le monde, ont démontré que depuis l'élection de Joe Biden, les Proud Boys s'attaquent tout particulièrement aux événements LGBTQI+ outre-Atlantique : au troisième trimestre 2022, sur 40 événements en marge desquels ils se sont manifestés, plus de la moitié concernaient la communauté LGBTQI+.

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Crédit : Armed Conflict Location & Event Data Project

Le 30 novembre dernier, une dizaine de jours après la tuerie au club gay de Colorado Springs – où un show drag était d'ailleurs prévu le soir de l'attaque –, le ministère de l'Intérieur américain a averti que les extrémistes endogènes motivés par des idéologies violentes représentaient une "menace létale et persistante", qui serait même aujourd'hui plus importante que l'État islamique ou Al Qaida.

"La cible de violence potentielle inclut les rassemblements publics, les institutions religieuses, la communauté LGBTQI+, les écoles, les minorités raciales et religieuses, les installations et le personnel gouvernemental, les infrastructures américaines, les médias et les personnes perçues comme des opposants idéologiques", énumère ce dernier rapport sur les menaces terroristes aux États-Unis. "Après la fusillade en novembre dans un bar LGBTQI+ de Colorado Springs – dont l'enquête n'est pas close nous avons observé que des internautes sur des forums, connus pour poster des contenus extrémistes, ont rendu hommage au principal suspect de l'attaque", détaille encore le document. Effrayant.

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Crédit photo : illustration, Shutterstock