interviewAmbroise Méjean : "Personne n'a envie de travailler deux ans de plus, mais…"

Par Nicolas Scheffer le 20/01/2023
Ambroise Méjean

Président des Jeunes avec Macron, Ambroise Méjean défend la réforme des retraites présentée par le gouvernement. S'il reconnaît qu'il y aura des perdants, il assure qu'elle permet davantage de redistribution.

La bataille est engagée. Lundi 23 janvier, la nouvelle réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron sera présentée lors d'un Conseil des ministres exceptionnel, quelques jours après la première journée de grève et de mobilisation organisée par les syndicats de travailleurs. Ambroise Méjean, président des Jeunes avec Macron (JAM), applaudit une réforme qui pérenniserait le système par répartition et prendrait en compte les trimestres de cotisation des apprentis. Entretien.

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Comment recevez-vous la forte mobilisation contre la réforme des retraites de ce 19 janvier, avec plus d'un million de manifestants dans toute la France ?

Ambroise Méjean : Objectivement, les syndicats ont réussi leur pari. Mais cela ne change pas la pertinence de la réforme et le besoin d'équilibrer le système. Le président du Conseil d'orientation des retraites [COR, l'organisme multi-expertises chargé d'anticiper les perspectives à moyen et long terme concernant les retraites] a réitéré le constat d'un déficit à combler, dans quasiment tous les scénarios de son rapport. Nous partageons avec les syndicats la volonté de protéger le système par répartition et non un système individualiste. Mais nous divergeons sur la manière de le réformer car nous sommes défavorables à une hausse des cotisations des travailleurs et à la baisse des pensions des retraites.

La CFDT était favorable à la première réforme des retraites proposée par Emmanuel Macron en 2019, fondée sur un système par points. Pourquoi ne l'avoir pas reprise ?

À titre personnel et au nom du mouvement des Jeunes avec Macron (JAM), je continue de porter la nécessité d'une réforme des retraites vers un système universel par points. Il y a une nécessité de simplification car aujourd'hui, personne ne comprend comment le système fonctionne. En attendant, la réforme actuelle répond à l'urgence sociale et à celle de l'équilibre financier. Elle a été promise dans la dernière campagne présidentielle, et exposée clairement devant les Français.

"Personne n'a envie de travailler deux ans de plus, mais nous demandons cet effort aux Français pour pérenniser le système par répartition."

Pour autant, on ne peut pas dire que cette campagne présidentielle ait occasionné un débat sur le sujet des retraites…

C'est le sujet qui a été le plus discuté lors de la conférence de presse de quatre heures lorsqu'Emmanuel Macron a présenté son programme ! C'est également un sujet qui nous a valu des interpellations sur les marchés et à la sortie des bouches de métro. Personne n'a envie de travailler deux ans de plus, mais nous demandons cet effort aux Français pour pérenniser le système par répartition. S'il y a un déséquilibre trop important, on les incite à préférer la capitalisation, l'épargne, l'individualisme. À la fin, si le système ne fonctionne plus, ce sont les plus démunis qui le paieront.

À la tête d'un mouvement de jeunesse, vous ne pouvez pas ignorer que les jeunes pensent qu'ils n'auront jamais de retraite.

Nous faisons justement cette réforme pour leur assurer le maintien du système, que nous améliorons même. Aujourd'hui, entre 16 et 18 ans les trimestres en apprentissage ne comptent pas dans le calcul des retraites. Pourtant, les apprentis cotisent ! Avec cette réforme, les trimestres seront acquis pour partir plus tôt, à partir de 60 ans.

Les travailleurs qui ont commencé à 20 ans sont présentés comme les gagnants de cette réforme. Mais ils devront cotiser 44 ans, soit une annuité de plus que les autres

Il y a en effet un seuil entre l'âge de 20 ans et de 21 ans. Si vous avez commencé à travailler à 21 ans, vous partez à 64 ans après 43 annuités pour avoir un taux plein. Quand vous avez 20 ans et que vous partez à 64 ans, vous avez cotisé un an de plus. Je reconnais qu'ils ne sont pas gagnants de cette réforme, mais je pense que nous ne l'avons jamais dit !

La contrepartie au report de l'âge légal est d'élever les pensions à 85% du smic (près de 1.200 euros brut) pour les personnes qui ont eu une carrière complète rémunérée au niveau du smic. Cette disposition n'est-elle pas déjà censée être en vigueur depuis la réforme Fillon de 2003 ?

Parfois, la loi dit des choses qui ne sont pas respectées. La loi de 2003 se fixait un objectif sans se donner de moyens ni imposer d'obligation pour le remplir. Si les syndicats et le gouvernement ont roulé les gens dans la farine en 2003, ce n'est pas de notre responsabilité. Aujourd'hui, nous donnons accès à ce dispositif à 2 millions de retraités qui ont une carrière complète, et cette augmentation de 100 euros, c'est concret ! Sur les 17,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires liées au décalage de l'âge de départ, 4,5 milliards seront utilisés pour des avancées et des progrès sociaux. Nous redistribuons aux plus modestes.

"À titre personnel, je ne suis pas défavorable à demander plus d'efforts aux retraités pour des mesures redistributives."

Pourquoi s’interdire a priori de demander aux retraités actuels les plus aisés de cotiser davantage ?

Si vous voulez que le système soit équilibré, il faut économiser 700 euros par an et par retraité. Cela représenterait une sacrée décote sur les retraites élevées, si vous ne voulez pas toucher aux pensions modestes. La hausse de la CSG sur les retraites a provoqué une partie de la crise des Gilets jaunes. Ceci dit, à titre personnel, je ne suis pas défavorable à demander plus d'efforts aux retraités pour des mesures redistributives. Cette année, nous avons par exemple relevé le niveau de pension, et je ne serais pas choqué qu'à l'avenir cette la revalorisation soit moins forte en fonction du niveau de la pension.

Les femmes touchent en moyenne 40% de pension de retraite de moins que les hommes. Une juste réforme des retraites ne corrigerait-elle pas cette inégalité ?

Quelques dispositifs vont régler une partie du problème, par exemple avec la prise en compte des congés "proche aidant" qui permettront de cotiser des annuités. Certaines interruptions de carrière, comme le congé maternité, disposent de mécanismes correctifs. Mais le vrai enjeu pour la retraite des femmes, c'est l'égalité salariale. L'index Pénicaud permet d'appliquer des pénalités sur les entreprises qui sont mauvaises élèves en la matière.

Vous allez d'ailleurs vous en inspirer pour mettre en place un index des seniors… mais sans pénalités. Vous vous gardez cette concession aux mécontents de la réforme ?

Au-delà de la concession, cela me paraît la suite logique.

Quels autres points pourraient aussi évoluer ?

Il y a deux marges de progression : les carrières hachées pourraient être mieux prises en compte afin d'inclure davantage de personnes dans la mesure des 85% du smic. Le second enjeu, c'est la question de l'emploi des seniors. Il faut changer la mentalité des entreprises qui pensent qu'à 60 ans, vous êtes hors-service…

À 60 ans néanmoins, de nombreux ouvriers sont par exemple usés…

Les Jeunes avec Macron proposent que le gouvernement ouvre le dispositif de service civique aux seniors qui sont proches de la retraite et qui ont besoin de compléter quelques trimestres. Ces services civiques pourraient permettre d'aider une association, une collectivité, à travers un travail citoyen. Cela n'a pas vocation à résoudre tous les problèmes, mais à aller vers le mieux.

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Crédit photo : Louis Roquebert via Twitter