Extrêmement populaire en Espagne mais peu connu en France, le Gala Drag Queen de Las Palmas, aux Canaries, propose des performances grandioses. Depuis un quart de siècle, ce concours de drags permet à la communauté LGBTQI+ de se rassembler, de célébrer la diversité et de promouvoir l'acceptation.
À quelques heures du début du Gala, Gran Canaria est en pleine effervescence. Chaque année, à la mi-mars, cette île des Canaries célèbre son carnaval, qui investit pendant dix jours les rues de Las Palmas. Réputé pour ses défilés de chars colorés, ses spectacles de danse et ses costumes extravagants, l'événement s'est aussi fait une renommée internationale grâce à son Gala Drag Queen, une compétition de drags devenue incontournable.
Pendant toute une soirée, 14 artistes se produisent dans des costumes extravagants, aux pas de chorégraphies méticuleusement préparées afin de tenter de remporter la couronne de la meilleure queen. Créé en 1998 "pour faire connaître à la grande majorité du public quelque chose d’inconnu", le Gala est aujourd'hui considéré comme une référence du milieu drag. Ce vendredi 3 mars, après vingt-cinq ans d'existence et plus de 87 participantes, la compétition battra de nouveau son plein avec, pour toutes, un leitmotiv : impressionner le jury, composé de trois professionnels de la mode, du spectacle et des médias.
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À la fois concours de beauté mais aussi de performances, ce spectacle a changé l’essence même du carnaval. Avec leurs plateformes vertigineuses, leurs maquillages excentriques et leurs couronnes étincelantes, les drag queens canariennes sont reconnaissables entre mille. Organisée chaque année par la mairie de Las Palmas, cette soirée met à l’honneur des artistes locales, qui pendant dix minutes doivent présenter un show spectaculaire et rivaliser d’impressionnantes chorégraphies qui représentent l’aboutissement de longs mois de travail. Chaque numéro propose une histoire avec un début, une intrigue, un dénouement et parfois même un coup de théâtre final. Le tout assaisonné d'une grande dose de fantaisie et d’acrobaties.
Le Gala de Las Palmas à l'origine de Drag Race ?
Des présélections à la grande finale, la ville entière de Las Palmas célèbre la culture queer pendant plusieurs jours. "Cet événement ne contribue pas seulement à visibiliser notre communauté, mais aussi à promouvoir les valeurs de liberté d'expression, de tolérance, d'égalité et de créativité liées au mouvement drag. Il s'agit aussi d'encourager la diversité de genre", expliquent les organisateurs. Les performances incluent d'ailleurs souvent des discours politiques qui remettent en cause les normes sociales. "Ce moment est important, car il change les insultes en applaudissements", affirme de son côté Israel Reyes, directeur artistique du Carnaval. À la fois transgressifs et subversifs, les artistes manient évidemment l'art de la provocation. La gagnante de 2017, Drag Sethlas, était ainsi apparue sur scène en Vierge Marie, pour se faire crucifier sur "Like a Prayer" de Madonna. Dans une Espagne très catholique, la prestation a donné lieu à de nombreuses plaintes pour offense au sentiment religieux (toutes ont été classées sans suite).
Au sein du parc de Santa Catalina, l’événement attire chaque printemps des milliers de visiteurs, aussi bien des familles que la communauté LGBTQI+, et est même retransmis en direct à la télévision espagnole. Pour les présélections cette année, près de 6.000 personnes étaient présentes chaque soir. Dans une société où l’art drag est encore marginalisé, cet événement, qui fait la fierté des Canariens, est donc aussi une occasion unique pour les artistes de se produire devant un large public. D'ailleurs, si la gagnante remporte 3.000 euros, le Gala offre principalement aux participantes la possibilité d'accéder à une notoriété, parfois internationale. La nouvelle reine du carnaval devient en effet l’ambassadrice du drag canarien dans le monde. "J'ai su que je voulais être une drag queen à l'âge de 7 ans, en regardant Drag Heaven à la télévision", confie Drag Vulcano, l'actuelle tenante du titre et ex-participante à Drag Race Espagne. Le Gala Drag Queen a également donné naissance à d'autres concours locaux dans de petites villes d'Espagne, et les rumeurs disent même qu'il aurait inspiré Mama RuPaul elle-même, lors de sa venue en 2008 à Las Palmas. Un an plus tard, la drag queen mondialement connue lançait en effet l'émission désormais incontournable RuPaul’s drag Race. Coïncidence ?
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Crédits photos : Quique Curbelo