Elle a brillé tout au long de la première saison de Drag Race France par ses irrésistibles performances et ses looks pointus. Mais comment est née Paloma, la nouvelle reine des drag queens françaises ? Récit.
Si vous avez suivi la première saison de Drag Race France, adaptation frenchy du phénomène de pop culture qu’on ne présente plus, RuPaul’s Drag Race, le sacre mérité de Paloma en finale n’a pas dû vous étonner outre-mesure. Dès le premier épisode, la performeuse a régalé le public avec un sketch hilarant où elle incarnait une hippie blanche opportuniste. L'engouement autour d'elle s'est confirmé après l’épisode du Snatch Game, où elle a incarné une savoureuse version drag de Fanny Ardant. Paloma appartient à la catégorie des "comedy queen". Son "J’adoooore les homosexuels !" devient instantanément un gif (et on ne comprend toujours pas comment elle n’a pas pu gagner cette semaine-là…).
Hugo Bardin, passion théâtre
Il faut dire que l’acting, Hugo Bardin, de son nom civil, l’a dans la peau. Né le 30 juin 1991 et originaire de Clermont-Ferrand, le garçon développe une passion pour le théâtre dès l’âge de quatre ans. Si son père biologique ne fait plus partie du tableau depuis ses dix ans (lui et sa sœur ont été par la suite adoptés par leur beau-père), il ne tarit pas d'éloges sur sa maman, qui l’a toujours soutenu. Dans l’épisode final de Drag Race France, il confie à Nicky : "Ma mère m’a poussé à faire un métier artistique. Elle s’est toujours inquiétée de ma santé mentale et de mon bien-être. Et elle savait que mon bien-être passait par mon art. Ça a toujours été une priorité pour elle que je fasse ce que j’aime et que je n’aie jamais de regrets par rapport à ça."
Le jeune Hugo s’oriente naturellement vers un bac de théâtre. Dès ses jeunes années, il touche au monde du drag en interprétant des personnages féminins à diverses occasions, dont une pièce de théâtre en 2008, présentée à la Comédie de Clermont-Ferrand. À 18 ans, il monte à Paris pour intégrer le Cours Florent. Le jeune comédien motivé découvre alors les castings infructueux, le statut d’intermittent et les frigos vides. Ces années de galère se révèlent malgré tout formatrices : il touche à différents métiers artistiques comme perruquier, metteur en scène, scénariste ou costumier. Des compétences qui lui seront nécessaires pour briller, des années plus tard, dans Drag Race France.
La création de Paloma
Malgré son talent, l’artiste ne trouve pas facilement sa place dans ce milieu snob et hétéronormé. "Dans la plupart des castings masculins il fallait jouer un personnage hétéro et viril. Moi j'ai une voix et des manières féminines, les cheveux longs. (...) En fait, je n'étais pas dans la norme", confie-t-il aux Échos. En 2018, il décide de se créer un personnage de drag. Ce sera Paloma, en référence à Paloma Picasso, la fille du peintre, créatrice de mode dans les années 80. Hugo trouve aussi qu’il a "une tête de Picasso, avec un grand nez et une asymétrie à la Rossy de Palma", une tête, en somme, à s’appeler Paloma.
Les chanteuses des années 80, comme Bonnie Tyler ou Cher, la série Absolutely Fabulous et les films d’Almodovar peuplent son imaginaire. "Le cinéma a toujours été une source de références importante pour moi, parce que j’ai besoin que mon look raconte une histoire, évoque une époque, une atmosphère. Je dirais que Paloma est une diva du disco, mais aussi une rockeuse New Wave, et une actrice espagnole au bord de la crise de nerfs." En 2019, il crée la chaîne YouTube Gourmandes! avec son fils drag Kking, Sergueï. Dans cette parodie d’émission culinaire, il incarne différents personnages féminins drag bien déjantés, des dérivés de Paloma qui partagent leurs recettes food.
Il rejoint aussi le collectif drag queer Les Matriarcas, composé des drags queens et king Kashalena, Zi, Vania Siempre, Lova Siempre et Sergueï. Son alter ego drag prend ensuite vie dans un court-métrage de 30 minutes, Paloma, diffusé cette année sur France 3 (et disponible en streaming sur France TV) et qui a fait le tour des festivals. Le talentueux touche-à-tout réalise et joue le rôle principal de ce film qui narre la rencontre touchante entre une drag queen et un routier. Fan de RuPaul’s Drag Race depuis ses jeunes années, Hugo candidate fin 2021 à l’adaptation française en Paloma, sans trop y croire. "Quand je pense que j’ai failli ne pas m’inscrire ! Je me disais jamais je serais prise, personne ne m’attend", confesse la drag queen face caméra dans la finale qu'elle s'apprête à remporter.
Entretemps, sa personnalité attachante, ses références culturelles pointues (des hommages à François Truffaut, Arletty, Musidora dans Les Vampires…) ou à la pop culture LGBTQI+ (ce lip-sync légendaire en Mylène Farmer, l’une de ses icônes préférées), son humour dévastateur ("J’ai l’impression d’être un canard en ski", un exemple parmi tant d’autres de son sens de la formule) conquièrent Daphné Bürki, Kiddy Smile et Nicky Doll, ainsi que beaucoup de fans. Jusqu’au sacre donc, où Paloma, toute de rouge vêtue, vacille à l’annonce de son prénom avant de tomber en pleurant dans les bras de ses sœurs finalistes, Soa de Muse et La Grande Dame.
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Une queen cérébrale et politique
Paloma a permis à Hugo Bardin de se réaliser artistiquement, et de se sentir légitime. "C’est mon gros problème, ce sentiment d'illégitimité. J’ai toujours l'impression que quelqu’un va se rendre compte que je suis une arnaque. Cette compétition m’a montré que j’ai ma place dans le monde des drag queens", confie-t-elle à Nicky Doll dans leur entretien avant la finale. L’empouvoirement par le drag, c’est exactement ce qu'incarne Paloma. Hugo a totalement conscience de la portée politique de l’émission à laquelle il vient de participer et qui connaît un beau succès d’audience (une saison 2 a été confirmée). "Je trouve ça essentiel qu'en 2022 on mette une émission sur le service public avec des personnages queers, issus de la communauté LGBTQ+. On est invisibles dans les médias. Moi, j'ai grandi dans les années 90, et quand j'avais 10 ans, je n’avais pas de modèle à la télévision, je n'avais pas de personnage à qui m'identifier", commente la star.
La suite de sa carrière, on la lui souhaite brillante de mille feux, en France et ailleurs. Et elle passera, surprise, par TF1. Paloma sera en effet à l’affiche de la saison 5 de Balthazar. Dans cette série grand public, elle incarnera la meilleure amie du héros et baby-sitter de son enfant. Initialement, elle avait peur que ce rôle ne tombe dans des clichés, mais elle y a finalement vu une proposition inédite en termes de représentation. "Mettre en scène une drag portant un bébé dans les bras est un vrai acte politique. On efface le côté paillettes monde de la nuit qu'on colle généralement aux drag. On fait d'une drag queen une personne qui a une place dans la société." La nouvelle reine espère aussi tourner dans des films, des spectacles et lancer son propre talk show. On sera au rendez-vous !
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