Le dramaturge Alexis Michalik transpose sa pièce à succès Une histoire d'amour au cinéma. Un récit tout public fort en émotion qui mêle PMA, romance lesbienne et tensions familiales.
Été 2019. Alexis Michalik, déjà applaudi pour ses créations originales au théâtre – Le Cercle des illusionnistes ou encore Edmond – s'offre des vacances dans le Sud, entre potes. Entre deux apéritifs ensoleillés, le dramaturge propose à sa clique de lire ensemble sa nouvelle pièce. "Je l'ai écrite à la suite d'une rupture, souligne le principal intéressé. À la fin de la lecture, on a tous pleuré. Et j'ai réalisé à ce moment que j'avais face à moi mes deux actrices principales." En l'occurrence Juliette Delacroix et Marie-Camille Soyer, qui deviendront l'année suivante Katia et Justine, les héroïnes de la pièce Une histoire d'amour, rapidement couronnée de succès à La Scala, à Paris.
Puis la vitesse supérieure est enclenchée. Alors qu'il remporte en 2020 le Molière du meilleur metteur en scène d'un spectacle de théâtre privé, Alexis Michalik accepte de travailler sur une adaptation d'Une histoire d'amour au cinéma. Mais à une condition : pouvoir conserver la même distribution. "Je voulais vraiment fonctionner comme je fonctionne d'habitude, c'est-à-dire choisir qui je veux en tête d'affiche", explique-t-il. "Un pari" risqué, qui arrive ce mercredi 12 avril en salles.
Une histoire d'amour et de dramas
L'histoire reste celle de Katia et Justine, deux jeunes femmes qui au premier regard tombent raides dingues l'une de l'autre. Après quelques années, elles décident d'avoir un enfant par procréation médicalement assistée (PMA). Mais Justine quitte sa compagne durant la grossesse de Katia, qui va élever sa fille seule durant 12 ans, avant d'apprendre une terrible nouvelle : la jeune mère est malade, et condamnée. Katia prend alors contact avec son frère, un écrivain alcoolique et dépressif, afin qu'il devienne le tuteur de sa fille...
Vous l'aurez compris, Une histoire d'amour n'a rien d'une comédie romantique à l'eau de rose. Et si les drames qui se succèdent durant près d'une heure et demie à l'écran ne provoquent pas une overdose chez le spectateur, c'est en partie grâce au casting irréprochable : les interprètes, qui ont gardé un zeste de théâtralité, portent ce récit avec conviction. "On avait très peu de jours pour tourner le film, confie Marie-Camille Soyer. Là où jouer la pièce a constitué un avantage, c'est qu'on avait l'historique de notre personnage dans notre ADN. Du fait d'avoir participé à la création de ces rôles, je pense qu'on a gagné du temps sur les émotions qu'on tenait à faire ressentir."
Une histoire d'empathie
Concernant sa démarche, et ses deux héroïnes lesbiennes, Alexis Michalik précise : "Je n'ai pas fait ce film avec une envie militante. Je n'ai pas l'impression de faire un geste politique fort, je partage juste ma vision du monde. L'empathie, c'est le meilleur moyen d'arriver à faire bouger les choses et c'est ce que j'ai tenté de faire avec ce film."
Après le tollé provoqué par La Vie d'Adèle – adaptation par Abdellatif Kechiche du Bleu est une couleur chaude de Jul Maroh – qui avait été mal reçu par la communauté lesbienne, le réalisateur tenait absolument à "ne pas porter de male gaze" sur ses héroïnes. Ainsi, pour les scènes d'intimité, il a passé une après-midi entière avec une de ses amies lesbiennes et ses deux actrices principales. "Je cherchais à filmer ces scènes de manière à la fois pudique et authentique. Je tenais à ce que ce soit beau et pas vulgaire, explique-t-il. Ça a été mon approche tout du long. Mon but, c'était surtout de raconter une histoire d'amour réaliste."
Malgré sa charge de pathos, le long-métrage d'Alexis Michalik atteint son objectif, simple : atteindre l'universel à travers la relation de Justine et Katia, ajoutant une corde à la représentation lesbienne dans le cinéma français. Et Juliette Delacroix de conclure : "On est très fiers que les gens ayant vu le film ne nous disent pas 'dis donc, elle est belle cette histoire d'homos', mais 'c'est une belle histoire d'amour'".
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Crédits photos : Le Pacte