[Article à retrouver dans le dossier Bande dessinée du magazine en kiosques] Le yaoi, un genre de manga à l’eau de rose centré sur des relations entre garçons, connaît une popularité grandissante. De nombreuses femmes et personnes queers y trouvent des exemples de masculinité douce, ouverte sur les sentiments.
Un grand garçon ténébreux aux larges épaules surplombe de sa carrure un jeune éphèbe ingénu qui ne comprend pas d’où vient le frisson qui lui parcourt l’échine. Leurs yeux se rencontrent, leurs mains s’effleurent, coup de foudre, yeux bercés d’émotion, câlins chastes : bienvenue dans le yaoi. Dans ce genre de manga, aussi appelé Boy’s Love (BL), la romance, les émotions sont partout, et les protagonistes presque tous des hommes aux traits délicats, voire androgynes. Et si l’on peut y trouver quelques relations sexuelles, elles sont loin d’être centrales : mieux vaut pour cela se tourner vers le bara, comparable au porno gay.
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En réalité, le succès du yaoi, y compris sous nos latitudes, tient du paradoxe, puisqu’il s’agit de romances entre garçons principalement écrites – et lues – par des femmes. Loin d’une fétichisation des hommes gays par des femmes hétéros, ces œuvres proposent des récits complexes, fluides et infiniment plus queers qu’il n’y paraît. “Dans les années 1970, les premières autrices de yaoi venaient surtout du manga estampillé « pour filles », le shojo, et souhaitaient s’affranchir des romances stéréotypées qui caractérisaient le genre, explique Guillaume Kapp, attaché de presse des éditions Jungle et passionné de culture japonaise. Elles voulaient proposer d’autres histoires, plus explicites, et sortir des sentiers battus.” Dans le shojo, les héroïnes tenaient davantage de la plante verte : très douces, infantilisées et ne demandant qu’à être sauvées par un homme. Mais les intrigues des premiers yaoi ne soulèvent pas encore de vrais enjeux, et se contentent de rester en surface....