Depuis 2020, Chaumington est un eldorado pour les amateurs de dessins homoérotiques. Parmi ses succès, The Art of Albron et la bande dessinée Santa Frances... têtu· a rencontré David Foissard, son fondateur passionné.
Des hommes gays et sexy. Voilà le dénominateur commun de toutes les parutions de Chaumington, la maison d'édition fondée par David Foissard en 2020. Cette année-là, ce collectionneur aguerri de bandes dessinées quitte son métier dans l'export pour tenter de vivre de sa passion. Il commence alors à publier les Bogossbook, des beaux-livres collectifs où plusieurs dessinateurs, en grande partie LGBTQI+, s'amusent à esquisser leur propre définition de la "bogossité".
Bogossbook, une réussite immédiate
David Foissard contacte alors des dizaines et des dizaines d'illustrateurs via les réseaux sociaux. "Je n'étais pas connu, se souvient-il. Des artistes refusaient de bosser avec moi parce qu'ils ne savaient pas qui j'étais." Il parvient malgré tout à éditer un premier volume, une victoire en partie rendue possible grâce à la plateforme de financement participatif Kickstarter : "On a atteint le budget, mais c'était limite. J'ai dû rajouter des fonds moi-même parce que j'avais mal calculé mes coûts de production et d'envoi. C'était le métier qui rentre."
Avec ses dessins homoérotiques où l'on croise de séduisants apollons aux morphologies variées – des twinks, des plus musclés, des ours... –, le premier volume de Bogossbook connaît un certain succès, suffisant pour que d'autres soient lancés dans la foulée, avec l'objectif de publier au moins un inédit par an. "C'est quand même pas mal de boulot parce qu'il y a plus de 80 artistes par volume, donc il faut coordonner tout ça, explique l'éditeur. Et d'ajouter : "Je rémunère tous mes artistes. Et comme les premiers ont été payés en temps et en heure, ils en ont parlé à leurs copains, qui m'ont contacté."
The Art of Albron et Santa Frances
David Foissard se crée au fil du temps un solide réseau d'artistes, parmi lesquels Albron, dont le style d'illustration en 3D figure dans le premier Bogossbook. "Il est venu me voir en me disant que tout le monde, sur Patreon [site de production et de mecénénat artistiques] lui réclamait un livre de ses œuvres, explique l'éditeur. Il avait été approché par plusieurs maisons d'édition, mais leurs conditions ne lui convenaient pas. On a alors décidé de lancer un Kickstarter [lancement participatif] ensemble." Quelques mois plus tard, The Art of Albron voit le jour, un beau-livre grand format qui nous transporte dans l'imaginaire torride de l'artiste vendéen, dont les dessins homoérotiques se situent à mi-chemin entre Tom of Finland et l'esthétique juvénile des Pixar.
La seconde collaboration rapprochée se fait avec Jean-Frédéric Koné. C'est sur Instagram que cet auteur français publie depuis un petit bout de temps Santa Frances, une bande dessinée centrée sur un groupe d'amis gays dans une ville fictive ressemblant comme deux gouttes d'eau à... San Francisco. Fort d'un joli succès sur Patreon et d'autres réseaux sociaux, l'artiste cherche à coucher ses planches sur papier. "Il me dit qu'il n'a pas le temps de s'y atteler car il doit produire des dessins chaque jour pour sa communauté, relate David Foissard. On s'est tout d'abord mis d'accord sur l'objet, puis on a lancé la campagne. Et elle a explosé : on a eu entre 600 et 700 contributeurs." Aujourd'hui, l'éditeur prévoit de publier pas moins de six volumes de Santa Frances avant de clore l'aventure.
Un avenir queer, mais pas seulement
Si l'éditeur est aussi investi dans ce projet de maison d'édition, c'est parce qu'il est un passionné de la première heure. Évoquant des figures de la BD queer comme Alison Bechdel, Howard Cruse ou encore Ralf König, il reconnaît cependant que partir sur une ligne éditoriale LGBTQI+ n'était pas son idée initiale. "Je voulais partir de la BD franco-belge ou super-héroïque, confie-t-il. Mais je connais tellement d'artistes qui font partie de la communauté que ç'aurait été une occasion manquée. C'est un petit marché, où il n'y a pas vraiment de compétition au bout du compte."
L'avenir de Chaumington ne sera toutefois pas uniquement queer. "L'avantage d'un marché de niche, c'est qu'il y a toujours des gens qui suivent. Mais le problème, c'est que ça me ferme d'autres portes, notamment dans les salons. Quand vous avez 500 personnes qui passent la porte d'un événement, un petit pourcentage seulement s'intéresse à ces thèmes, tandis qu'un livre plus universel se vendrait plus facilement. Pour survivre en tant que maison d'édition, je ne pourrai pas mettre tous mes œufs dans le même panier." Qu'on se rassure tout de même : il y aura toujours de la place pour les sujets LGBTQI+ – et pour toutes sortes de beaux gosses – chez Chaumington.
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Crédit photo : Albron / Chaumington Éditions
