[Retrouvez nos pages cinéma de l'été dans le magazine disponible en kiosques] Premier film de l'Américain Ira Sachs tourné en France, Passages, et ses scènes frontales et crues, est sorti au cinéma ce mercredi 28 juin. Une histoire de triangle amoureux entre une femme, interprétée par Adèle Exarchopoulos, et un couple gay incarné par Ben Wishaw et Franz Rogowski.
Depuis quinze ans, l’Américain Ira Sachs se distingue par un regard lucide et implacable sur le monde. Comme dans Keep the Lights On, le récit – autobiographique – d’une relation amoureuse détruite par la drogue, ou encore dans Love is Strange, le portrait d’un couple gay vieillissant. Après une chronique familiale lisboète avec Isabelle Huppert (Frankie), le cinéaste revient avec Passages, son premier film tourné en France, le récit fiévreux d’un triangle amoureux inhabituel.
À lire aussi : Rencontre avec Franz Rogowski, en couple gay avec Ben Wishaw dans "Passages"
Tomas, réalisateur allemand joué par Franz Rogowski, rencontre Agathe (Adèle Exarchopoulos) dans une fête de fin de tournage. Un coup de foudre, suivi d’une baise intense. Si ces prémices sont jusqu’ici relativement classiques, tout change lorsque Tomas rentre chez lui et raconte sa nuit à son mari, Martin, interprété par Ben Wishaw, fantasme évident pour sapiosexuel esthète. L’habituel triangle amoureux prend des formes inédites (le mari, le mari, l’amante) et dynamite le schéma traditionnel du classique film français post-Nouvelle Vague. “Le personnage de Tomas est assez loin de moi, précise Ira Sachs, même si ma mère pense le contraire ! Il ne se comporte pas vraiment comme il faudrait, il vit un conflit entre ses instincts et ses idéaux. J’ai écrit le film pour Franz Rogowski, qui a cette intensité en lui.”
"C’est presque un film érotique"
Égoïste, infidèle et inconstant, Tomas forme avec Martin un couple gay comme on en voit peu au cinéma. D’après Ira Sachs, “le fait que ce film soit « français » a permis de créer un couple gay actuel dans lequel on peut facilement se projeter, ce qui est plus complexe aux États-Unis, où les figures homos sont toujours traitées un peu métaphoriquement, comme à l’époque de Douglas Sirk ! Aux États-Unis, le cinéma voit le queer d’un point de vue capitaliste, alors qu’en France il me semble qu’il est plus facile d’apporter d’autres représentations, de jouer avec les costumes, les couleurs, la cinématographie.”
"C’est presque un film érotique. Et pas seulement à cause des scènes de sexe, mais surtout parce qu’il se focalise sur les corps."
Le film doit également beaucoup de son intensité à certaines scènes, frontales et crues. “C’est presque un film érotique, avoue volontiers Ira Sachs. Et pas seulement à cause des scènes de sexe mais surtout parce qu’il se focalise sur les corps. C’est un film de plaisir et de suspense. J’ai beaucoup pensé à L’Innocent, le dernier film de Visconti. Parfois, on a envie que des scènes soient mémorables. Celles de sexe peuvent permettre cette intensité, et interroger le public sur son rapport au corps et au temps. En fait, je voulais vraiment tourner quelque chose de sexy, qui éveille le désir des spectateurs. C’est un film post-pandémie qui explore la passion, la vie."
À lire aussi : "Marinette" au cinéma : rencontre avec Garance Marillier pour ce biopic lesbien
Crédit photo : SBS productions