film"Nimona" sur Netflix, un dessin animé qui explore la révolution queer

Par Tessa Lanney le 03/07/2023
Nimona, dernier film d'animation de Netflix

Adapté du roman graphique de science-fantasy de l'Américain ND Stevenson, Nimona, dernier film d'animation de Netflix, propose une réflexion d'une rare subtilité sur la communauté LGBT.

Se méfier des apparences et des idées préconçues, une saine maxime que l'on tente de nous inculquer dès l'enfance via des princesses ingénues piégées dans des tours ou qui font le mur pour aller danser dans des souliers de vair. Nimona, le nouveau film d'animation de Netflix tiré d'une BD de l'Américain ND Stevenson, va bien plus loin dans sa réflexion sur l'inclusion. En plus de proposer des personnages principaux LGBTQI+, le cheminement proposé par ce bijou d'animation va au-delà de la simple opposition entre le gentil personnage différent et la masse intolérante offrant un niveau de lecture bien plus profond qui mêle lutte des classe et combats intersectionnels. Le tout dans un univers médiéval-futuriste haut en couleur où chevaliers en armures étincelantes s’échinent à protéger le peuple de toute créature magique qui pourrait représenter une menace.

À lire aussi : Lectures de l'été : 5 BD et mangas LGBT à découvrir

Tout commence avec Ballister Boldheart, un valeureux combattant qui, bien qu’il n’ait pas de sang noble, est parvenu à se hisser au rang de chevalier. Las, malgré tous ses efforts pour gagner l’approbation du Royaume, le ténébreux Ballister – dont la moustache de daddy inspire immédiatement la sympathie – se voit finalement accusé d’un crime qu’il n’a pas commis et se retrouve traqué comme un paria. Pour prouver son innocence, il ne pourra compter que sur l’aide de Nimona, une jeune métamorphe insolente aux penchants anarchistes. Le combat inégal qui s'annonce nécessitera de travailler ensemble, de se faire confiance et surtout de se comprendre.

Les LGBT et la norme

La première injustice qui saute aux yeux, c’est celle avec laquelle Ballister a dû composer toute sa vie. En dépit de ses prouesses et de sa bravoure, sa légitimité a sans cesse été questionnée. À côté de ses compagnons d’armes, le chevalier à l’armure noire et à la barbe de trois jours fait désordre, en particulier si on le compare à Ambrosius Goldenloin, blondinet aux traits parfaits, descendant de la légendaire héroïne qui a défendu la nation face à une mystérieuse créature. Une stature qui respire la confiance en soi, des airs de starlette friquée, bref a priori le rival typique, vaniteux et arrogant. En réalité, il est aussi l’amoureux transi de Ballister, un homme aux intentions louables et au cœur chevaleresque. La vraie tête à claques est bien plus insignifiante, un chevalier sans grand talent et étroit d’esprit dont le seul avantage est d’avoir "la plus grosse épée de tous"

Tant que Ballister s’intègre au groupe, qu’il adopte ses codes et ses valeurs, qu’il ne fait aucun écart, il est toléré dans ce petit monde. Le hic, c’est que dès lors que les apparences jouent contre lui, il est sans autre forme de procès jugé coupable par l’ensemble de la population. Après tout, que pouvait-on attendre d’un homme de basse extraction ? Ballister est déshumanisé, on parle de "le traquer comme un animal", un langage qui en dit davantage sur la façon dont on traite le bas peuple que sur le crime en lui-même. L’homosexualité de notre héros n’est pas un sujet, pas plus que celle d’Ambrosius. Pourtant, ils n’évoluent pas dans une utopie qui accepte toutes les différences. Être gay ne pose pas problème, mais tant qu’on rentre dans le moule.

Nimona, nouvelle génération queer

En revanche, quand l’identité d’un individu sort des clous, ça se complique. C’est le cas de Nimona, la nouvelle acolyte de Ballister, qui peut prendre n’importe quelle forme. Dragon, cheval, requin, petit garçon, elle se transforme à loisir et le plus naturellement du monde. Seulement, ne suscitant que méfiance et incompréhension, elle se retrouve au banc de la société. Même Ballister peine à comprendre sa nouvelle camarade et pose des questions qu’elle qualifie de "pas très fines". Plusieurs fois, il lui fera la remarque qu’il serait plus simple de se mêler à la foule si elle voulait bien se contenter d’être une adolescente, soulignant que son apparence est souvent "trop voyante". Une remarque qui entre en résonance avec le vécu queer, le look général de Nimona étant d'ailleurs très codé queer, que ce soit sa coupe punk, ses cheveux roses ou ses fringues trouées. "Je suis Nimona", se contente-t-elle pourtant d'affirmer, simplement fluide, bruyante et radicale. Tout le contraire de Ballister finalement qui garde foi en un système qui le rejette, s’efforçant depuis toujours de marcher au pas.

Le discours de Nimona va bien plus loin que son inclination à tout faire péter, bien qu'elle soit très douée pour ça. Elle explique qu'en se transformant, en refusant donc la discrétion, l'assimilation, elle se sent pleinement elle-même, libre. S'en empêcher, "ça ne serait pas la mort, mais ça ne serait pas vraiment une vie non plus". Se soulever est pour elle le moyen d'exister pleinement. Les enjeux ainsi explorés par le film d'animation ne sont pas sans rappeler les incompréhensions et les débats qui traversent la communauté LGBTQI+ de l'intérieur. Il y a un monde entre Ambrosius, Ballister et Nimona, comme il y a un monde entre un homme gay au statut social assuré, un autre précaire et une personne dont l'identité sort des normes binaires. Vous l'aurez compris, Nimona va beaucoup plus loin qu'un bisou d'une demi-seconde entre deux femmes dans Buzz l'éclair !

À lire aussi : "Warrior Nun" sur Netflix : la nouvelle série préférée des lesbiennes aura une suite

À lire aussi : Rencontre avec le cinéaste Saim Sadiq pour son bouleversant "Joyland" primé à Cannes

Crédit photo : Netflix