mondeUn spectacle de drag attaqué par un groupuscule chrétien à Beyrouth

Par Nicolas Scheffer le 25/08/2023
liban,beyrouth,haine anti-lgbt,drag,drag queen

Un groupuscule qui se fait appeler les "Soldats de Dieu" s'en est pris dans la capitale du Liban à un bar fréquenté par la communauté LGBTQI+ qui accueille des drag shows.

Au Liban, où la rhétorique anti-LGBT se renforce ces derniers temps, les actes suivent. Ce mercredi 23 août, une quinzaine d'hommes se revendiquant d'un groupuscule chrétien s'en sont pris à un bar de Beyrouth, la capitale, où se tenait un spectacle de drag. On ne connaît pas encore le nombre de victimes ni la gravité de leurs blessures éventuelles.

À lire aussi : Une commerçante tuée après une dispute sur un drapeau arc-en-ciel en Californie

Devant l'Om Café, fréquenté par la communauté LGBTQI+, les "Soldats de Dieu", comme ils se font appeler, ont attaqué plusieurs personnes et provoqué des dégâts matériels. Les employés ont dû fermer les portes de l'établissement pour protéger les clients encore présents. "Ils disaient 'nous sommes les soldats de Dieu'... Vous allez brûler en enfer", a témoigné auprès de l'AFP l'une des personnes présente, requérant l'anonymat pour des raisons de sécurité.

Drag queens en colère

Sur une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, l'AFP rapporte avoir entendu l'un des agresseurs s'adressant à des clients en ces termes : "Ce n'est que le début, on vous a avertis cent fois". L'année dernière, le même groupuscule avait déjà diffusé une vidéo montrant ses membres déchirant un panneau sur lequel figuraient des fleurs aux couleurs de l'arc-en-ciel.

Sur X (Twitter), l'association LGBTQI+ Helem appelle les victimes à se signaler auprès d'elle afin d'engager des poursuites. Sur les réseaux sociaux, les artistes queers expriment leur colère. "Nous sommes ici, nous existons et personne ne nous réduira au silence. Si vous êtes un allié, il est l'heure de se faire entendre et d'agir", écrit Latiza Bombé, drag queen habituée du café, dans un message accompagné d'un poing levé et des drapeaux libanais et arc-en-ciel. Devant son miroir une autre drag queen, Emma Gration, réaffirme : "Je remettrai cette perruque et je vous ferai un show d'enfer ! Nous nous en remettrons ! Nous vaincrons ! Nous serons libres !"

Rhétorique anti-LGBT+

Au Liban l'homosexualité, qualifiée dans la loi de "relations contre-nature", reste interdite et les institutions religieuses homophobes exercent une forte influence sur les affaires du pays multiconfessionnel. Ainsi, le chef du parti islamiste Hezbollah a affirmé en juillet que, selon la loi islamique, tout homosexuel "devrait être tué", appelant à boycotter les produits arc-en-ciel. "Nous n'inventons pas une bataille, nous n'inventons pas non plus un danger, c'est un danger réel", a-t-il encore déclaré lors d'une allocution télévisée à l'occasion de la célébration annuelle de la plus importante fête musulmane chiite, Achoura. Neuf députés ont bien présenté un projet de loi visant à décriminaliser l'homosexualité, mais ils ont été la cible d'une campagne d'intimidations.

Cette attaque montre "comment le discours de haine peut facilement se traduire en violence organisée", pointe George Wardini, de l'association Proud Lebanon. Rasha Younes, de l'ONG Human Rights Watch (HRW), dénonce un "tournant dangereux" : "C'est la concrétisation de la rhétorique anti-LGBT+". Aya Majzoub, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, a dénoncé “une escalade alarmante dans les attaques contre les personnes LGBTI, faisant suite à des propos troublants tenus par des responsables politiques et des personnalités religieuses de haut rang”. Et d'ajouter : “Les autorités libanaises doivent immédiatement cesser de créer un environnement propice à la répétition d’(actes) de discrimination et de violence à l’encontre de la communauté LGBTI.”

Les personnes LGBTQI+ souffrent en outre particulièrement de précarité dans le contexte de situation économique dégradée au Liban, aggravée par les conséquences de la grave explosion au port de Beyrouth en août 2020. Selon Helem, citée par franceinfo, 80% d'entre elles ont ainsi perdu leur emploi. L'Om café, situé juste en face du port, avait d'ailleurs été soufflé par l'explosion.

À lire aussi : Au Liban, la censure islamique a déniché de l'homosexualité dans le film "Barbie"

Crédit photo : Anwar Amro / AFP