Elle est l'une des figures lesbiennes qui ont marqué l'histoire du sport. Si sa légende noire l'a effacée de nos luttes, la vie de Violette Morris est à redécouvrir dans un documentaire proposé par Histoire TV.
Pendant les Années Folles, Violette Morris est une star du sport, et son nom est dans tous les médias. Son destin bascule avec la Seconde Guerre mondiale, lorsqu'elle devient collabo et meurt sous les balles de la Résistance. Sur le niveau de son engagement avec l'ennemi, les historiens divergent : a-t-elle uniquement accepté de travailler pour le gouvernement collaborationniste de Vichy ou a-t-elle activement participé aux basses œuvres de la Gestapo ? Toujours est-il que sa fin peu glorieuse lui vaudra d'être effacée de l'histoire du sport et de la mémoire LGBT. Un destin hors du commun qui fait l'objet d'un documentaire inédit, intitulé "Violette Morris, sans contrefaçon", diffusé sur Histoire TV ce dimanche 22 octobre, puis en streaming pendant 60 jours.
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Le film montre comment Violette Morris, avant les années 1940, a réussi à s'arracher aux attentes et limites liées à sa condition féminine. Butch fière, elle porte le costume, arbore une coupe courte et assume aux yeux du monde son homosexualité. Une femme sans concession et populaire, qui a grandement contribué à l'accès des femmes au sport.
Une athlète qui affronte les hommes sur leur terrain
À l'aube de la Première Guerre mondiale, les femmes n'ont guère d'autres perspectives d'avenir que d'enfanter. Violette Morris a bien d'autres ambitions. Natation, boxe, athlétisme, c'est une passionnée qui s'essaie à de nombreuses disciplines. Le hic, c'est que le sport est alors considéré comme l'acte viril par excellence, là pour sublimer la masculinité. Enfin, sauf lorsqu'il souligne l'élégance féminine… Mais ça n'intéresse pas Violette. Elle est une dure à cuire, musclée, puissante et indépendante. Ça ne l'empêchera pas d'épouser un certain Cyprien Gouraud à l'aube de la Première Guerre mondiale. Le conflit représentera à ce titre un répit, un affranchissement de son devoir conjugal. Et puisque les soldats sont au front, les femmes ont le champ libre pour prendre plus de place, notamment sur les terrains de sport.
Violette Morris participe au premier championnat du monde féminin d'athlétisme, y décrochant le titre au poids ainsi qu'au disque. Prolifique, son équipe de foot remportera à trois reprises les championnats de France. Grâce à elle, la France est pour la première fois l'égale des championnes anglaises chez qui la culture du sport est plus répandue. Elle se défend également face aux hommes et deviendra la première femme à remporter la course automobile du Bol d'Or en 1927. Cette renommée lui vaudra d'être au centre des débats sur la place des femmes dans le sport et dans la société d'entre-deux-guerres. D'ailleurs, celle qui divorcera en 1923 assume pleinement sa sexualité lesbienne et se montre claire sur son désir ne pas avoir d'enfant. Ce que Violette veut, c'est affronter les hommes sur leur terrain sans se soucier de la féminité qu'elle renvoie, et d'ailleurs elle se fait retirer la poitrine. Une radicalité qui lui vaudra évidemment bien des ennemis, aussi bien du côté des conservateurs que des féministes de l'époque, lesquelles voient d'un mauvais œil sa remise en cause des standards féminins. Sans contrefaçon, un destin fascinant.
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