La Cour suprême de Russie a entériné ce 30 novembre le bannissement pour "extrémisme" de ce que le gouvernement de Vladimir Poutine appelle "le mouvement international LGBT".
Un cauchemar pour les personnes queers en Russie, une utopie apaisante pour Éric Zemmour… La Cour suprême de Moscou a banni ce jeudi 30 novembre un indéfini "mouvement international LGBT" (sic) pour "extrémisme", ce qui ouvre la voie à des poursuites judiciaires contre tout groupe défendant les droits LGBT+ dans le pays plongé depuis dix ans dans une homophobie d'État forcenée, impulsée par Vladimir Poutine.
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C'est le ministère de la Justice russe qui avait saisi la Cour suprême le 17 novembre, annonçant dans un communiqué : "Le ministère de la Justice a déposé une demande administrative auprès de la Cour suprême (...) afin de classer comme extrémiste le mouvement de société international LGBT et d'interdire ses activités sur le territoire de la Fédération de Russie".
"Détruire" le "monstre" LGBT
Moins de quinze jour plus tard, donc, le juge Oleg Nefedov s'est exécuté, ordonnant de "reconnaître comme extrémistes le mouvement international LGBT et ses filiales, d'interdire leurs activités sur le territoire de la Fédération russe", rapportent les correspondants de l'agence France-Presse (AFP) sur place. Toute activité publique associée à ce que la Russie considère comme des préférences sexuelles "non-traditionnelles" pourra donc être sanctionnée pour "extrémisme", un crime passible de lourdes peines de prison. Le magistrat a précisé que cette interdiction entrait "immédiatement" en vigueur.
"Les LGBT, ce ne sont pas de pauvres gays ou des lesbiennes contre qui, comme on nous dit, la Russie a décidé de se battre. C'est un projet bien organisé et planifié pour saper les sociétés traditionnelles de l'intérieur", a déclaré sur Telegram Piotr Tolstoï, le vice-président de la Douma (l'Assemblée nationale russe). "La sodomie est un péché", a-t-il encore martelé, appelant à "détruire" entièrement le "monstre" LGBT et pas seulement ses "tentacules". Cité par l'agence Ria Novosti, un porte-parole de l'Église orthodoxe russe, Vakhtang Kichidzé, a quant à lui salué cette nouvelle mesure comme "une forme d'autodéfense morale". Avec Vladimir Poutine, l'Église orthodoxe prétend vouloir éliminer de la sphère publique des comportements jugés déviants et importés d'Occident.
Le délire anti-LGBT de Poutine
Comme dans un État de droit qui ne se respecte plus, l'audience s'est déroulée sans défenseur, puisqu'aucune organisation russe ne porte évidemment le nom de "mouvement international LGBT", et à huis clos car l'affaire était classée "secrète". Cette étape s'inscrit dans la politique menée par Vladimir Poutine contre les personnes LGBT qui risquaient déjà, depuis une loi de 2013 élargie en 2022, de fortes amendes si elles étaient accusées de "propagande". Désormais, a estimé Maxime Olenitchev, un juriste de l'ONG Pervy Otdel qui vient en aide aux victimes de répressions en Russie, "les autorités pourraient commencer à ouvrir des affaires pénales contre des personnalités publiques et des militantes et militants pour instaurer un climat de peur".
Moins d'une dizaine de personnes s'étaient rassemblées devant la Cour pour protester contre cette nouvelle offensive LGBTphobe. "Peu de gens sont venus, regrette Ada Blakewell, journaliste, auprès de l'AFP. Cela montre à quel point tout le monde a peur (...) de parler des personnes LGBTQ." Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits humains, Volker Türk, a aussitôt dénoncé dans un communiqué la décision de la Cour suprême russe : "Personne ne devrait être emprisonné pour avoir oeuvré en faveur des droits humains ou privé de ses droits en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre".
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Crédit photo : Valeriy Sharifulin / AFP