Cela peut paraître étrange, mais certains d'entre nous gardent avec leurs peluches un lien particulier, les faisant jouer au présent des rôles divers mais toujours rassurants. Parce que nos nounours nous rappellent une période heureuse de notre vie, ou des personnes chères à notre cœur, et peuvent aussi accompagner des moments difficiles.
"J’étais un peu gênée de dormir avec un doudou, et un jour une psy m’a dit «Il n’y a pas de honte à mettre de la douceur dans sa vie». Depuis, j’assume complètement." Ourson, lapin ou même requin, de multiples animaux en peluche peuplent toujours le lit de nombreux adultes. De fait, quand on pose la question, les témoignages affluent, qui racontent le lien privilégié que beaucoup entretiennent avec leurs doudous.
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Qu'on s'en serve comme oreiller ou pour se caler le dos ou les jambes, le choix du doudou n’est jamais vraiment le fruit du hasard. C’est ce que montre une étude publiée en janvier sur ce qui rend un ours en peluche réconfortant. Pour qu'opère la magie nounoursesque, il faut un subtil mélange de caractéristiques physiques – de la douceur, une odeur agréable, une taille confortable pour être pris dans les bras – et subjectives, qui relèvent du lien émotionnel et affectif. Fait intéressant : ces considérations valent quel que soit le genre de la personne, le nounours étant par ailleurs lui-même considéré comme l’archétype du jouet non genré.
Un rapport affectif
Si les liens entre le toucher, le fait de tenir quelque chose dans ses bras et l’auto-apaisement sont connus, et plutôt universels, le rapport affectif à la peluche, lui, est profondément intime. Parfois, l'objet est partie prenante d’une relation amoureuse ou amicale. Pour Camille et Alex, les peluches relèvent ainsi de la complicité du couple et participent à créer un imaginaire à deux : "Nous avons tendance à ne pas les appeler «peluches» mais «copains». Ils sont assez nombreux et ont tous une histoire, personnelle ou commune. Certains nous suivent depuis notre enfance, mais, encore hier je suis revenu d'un magasin avec un petit oiseau qui chante quand on appuie dessus. Ils ont un nom, un caractère, des affinités avec d'autres copains, ont des familles, des habitudes et des traditions."
Ces "copains", parce qu’ils évoquent l’intimité du couple et sont personnifiés, assurent un réconfort social qui peut aussi avoir cours la nuit : "Parfois nous dormons avec, parfois pas. Cela dépend des besoins émotionnels ou des envies. Quand je ne vais pas bien, certains copains sont géniaux pour m'aider. Ce sont des amis, ils sont là quand on a besoin d’eux." Pour sa part, Hubert raconte que sa peluche baleine, nommée Barbe Douce, lui a été offerte il y a douze ans par son meilleur ami : "Je lui ai offert une peluche pieuvre le même jour. Les deux vont de pair et symbolisent notre amitié. Quand je vais chez lui, je fais un gros câlin à la peluche, comme pour la recharger en bonnes ondes, et il fait pareil. Je dors parfois avec Barbe Douce, parfois pas, mais en tous les cas elle est toujours sur mon lit – avec d’autres peluches qui l’ont rejointe depuis, offertes par d’autres amis."
Objet transitionnel et rassurant
La peluche peut aussi assurer un rôle de support émotionnel à des moments particuliers de la vie. Charlie, qui depuis l’enfance a l’habitude de dormir avec un lapin nommé Doudou, raconte combien cette peluche et deux nouvelles l’ont accompagné dans sa transition et continuent de lui apporter du soutien : "Quand j’ai fêté ma première année sous testostérone, j’ai décidé de m'offrir une peluche personnalisée. J'ai choisi un lapin blanc avec un pyjama et des dinosaures dessus. Il dispose d’un patch odeur Butterscotch mais aussi d’un haut-parleur, alors mon conjoint a enregistré une petite phrase réconfortante. Lui aussi s’appelle Doudou. J’ai commencé à dormir avec, et il est devenu indispensable. Aujourd'hui l'odeur ne sent plus, le haut-parleur ne fonctionne plus mais ce n’est pas grave", détaille-il. Et cette relation en a engendré d'autres : "Plus récemment, j’ai acheté chez Ikea un requin Blåhaj [peluche considérée sur TikTok comme un symbole queer]. Je l’ai appelé Franckie et j'ai commencé à dormir avec lui, parfois à m'en servir d'oreiller. Il y a trois semaines, j'ai passé quatre jours à l'hôpital pour ma torsoplastie. J'ai emmené les deux, Doudou et Frankie, ça m'a beaucoup aidé à ne pas me sentir perdu."
"Je dors souvent avec, davantage pour être en lien avec ma fille que par réel confort."
La peluche fait souvent le lien avec une période heureuse passée. Inès raconte : "C’est l’une de mes grands-mères qui m’a offert ce petit chien en peluche quand j’avais 7 ou 8 ans. Je l’ai appelé Brin d’osier, comme le chat dans La Guerre des clans. Aujourd’hui encore, il m’arrive de dormir avec, comme une sorte de solution thérapeutique. Il est extrêmement précieux à mes yeux, tant il renferme de souvenirs d’enfance familiaux et heureux qui permettent de mettre de côté ce qu'il s’est passé de mauvais par la suite."
La peluche peut aussi relier à un être cher éloigné ou disparu. C’est en ce sens que l’on peut dire que les doudous assurent en rôle d’objet transitionnel, adoucissant la séparation et connectant à l’autre. Par exemple, Arthur raconte que son shiba en peluche offert par son copain l’aide à mieux dormir quand il est seul : "Mon amoureux est souvent en déplacement, et quand il n’est pas là c’est comme s’il me manquait quelque chose pour trouver le sommeil. Alors quand j’éteins la lumière, je prend Astro dans mes bras et je m’endors plus facilement." C’est un petite licorne nommée Pixie qui relie à distance Nomi à sa fille depuis que cette dernière vit à l’étranger avec son autre mère. "J’ai pris l’habitude de dormir avec des peluches depuis le départ de ma fille. Pour Pixie, c’est un peu différent : je la lui ai offerte lors de nos dernières vacances ensemble et elle me l’a laissée. Je l’emmène avec moi en voyage et je dors souvent avec, davantage pour être en lien avec ma fille que par réel confort."
Antoine, lui, dort avec Franklin depuis presque 20 ans : "C’est un petit ours en peluche qui appartenait à mon premier copain, qui s’est suicidé peu de temps avant notre entrée à la fac. Après sa mort, ses parents m’ont proposé de garder un souvenir. J’ai choisi Franklin, et même si j’ai déménagé plein de fois depuis, il ne me quitte jamais." Et à ceux qui trouvent qu'une peluche dans un lit d'adulte, c'est un tue-l'amour, Hubert rétorque : "Je trouve au contraire ça plutôt rassurant de constater que l'autre en possède une, cela témoigne d’une certaine sensibilité et d’une certaine douceur." Et vous alors, plutôt licorne, baleine ou nounours ?
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Crédit photo : "Ted", Allociné