Abo

filmCinéma : ne ratez pas "L'Innocence", Queer Palm 2023 au Festival de Cannes

Par Morgan Crochet le 27/12/2023
"L'Innocence" ("Monster")

Rebaptisé L'Innocence pour sa sortie en France ce 27 décembre, le film Monster, du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda, a remporté la Queer Palm 2023 ainsi que le Prix du meilleur scénario au Festival de Cannes. À ne louper sous aucun prétexte !

Minato et sa mère assistent depuis leur balcon à l’incendie d’un immeuble où se trouve un bar à hôtesses. Ils vivent seuls, depuis la mort du père, survenue dans un accident de voiture. Mais le feu qui sévit à l’extérieur couve également à l’intérieur des êtres, dont les vies s’apprêtent à être bouleversées.

À lire aussi : Vincent Lacoste, GPA, Annie Ernaux, Kylie Minogue… au sommaire du têtu· de l'hiver

Des cinéastes japonais contemporains, Hirokazu Kore-eda est, comme Yasujirō Ozu avant lui, celui de la famille, et peut-être surtout de l’enfance, vulnérable, livrée à elle-même. Avec L’Innocence, qui a remporté la Queer Palm du dernier Festival de Cannes sous le titre Monster, le réalisateur souffle sur les braises de l’âge tendre queer en mettant en scène Minato, un écolier de CM2 dont le comportement inquiète. Violent aussi bien envers les autres qu’avec lui-même, il avoue à demi-mot être harcelé par son professeur, M. Hiro. Alors que sa mère confronte l’administration, hermétique, dont les excuses dénuées d’effet semblent empirer la situation en lui faisant perdre un temps précieux, elle apprend que son fils serait une brute, et qu’il s’en prendrait régulièrement à l’un de ses camarades, Eri Hoshikawa.

Kore-eda soulève les couches

Les trois parties qui composent ce long-métrage, épousant tour à tour le point de vue de la mère, du professeur et de Minato, sont trois couches que Kore-eda soulève les unes après les autres pour accéder à la vérité. Car L’Innocence est tout autant un film à clés qu’une œuvre teintée de mystère, qui flirte par moment avec le thriller horrifique. Pourquoi Minato ne cesse-t-il de parler de réincarnation ? Pense-t-il réellement qu’on lui a greffé un cerveau de porc ? Pourquoi a-t-il essayé de se tuer après que sa mère l’a retrouvé à errer au beau milieu de nulle part ? Quant à Eri, est-il le monstre que son père, ivre, décrit un jour à son professeur ? Pourquoi son apparente joie de vivre est-elle parfois si terrifiante ? Et quelle est cette maladie dont il se dit victime, et que Minato pense avoir attrapée quand il lui a touché les cheveux ?

Si la narration ne manquera pas d’en décontenancer certains, le jury du Festival de Cannes, emmené par le cinéaste suédois Ruben Östlund, ne s’y est pas trompé, qui a récompensé du prix du meilleur scénario Yuji Sakamoto, à qui Kore-eda a fait appel pour écrire ce film qui fait aussi de la proximité de deux enfants un drame d’adultes. Parents et professeurs voient en effet leurs vies bouleversées par ce qui se joue sous leurs yeux, incapables pour les uns d’agir sur ce qu’ils ne peuvent concevoir, impuissants pour les autres à changer la nature profonde des êtres.

Sur une bande-son de Ryūichi Sakamoto, disparu en mars, le réalisateur japonais filme les interrogations et les combats intérieurs, mais aussi la résilience et la protection trouvée dans nos mondes imaginaires. Condamnés et poussés à mentir parce qu’ils ne peuvent dire la vérité, Minato et Eri, ni malades ni monstres, nous rappellent à notre enfance, vulnérable, et à notre jeunesse queer cernée d’hostilité.

>> [Vidéo] La bande-annonce de L’Innocence :

À lire aussi : Hong Kong, le refuge du cinéma gay chinois

Crédit photo : AOI Pro