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filmHong Kong, le refuge du cinéma gay chinois

Par Max H. Goutard le 20/12/2023
"Permanent Residence"

[Article à retrouver dans le têtu· de l'hiver en kiosques ou sur abonnement] Quand la Chine censure les films LGBT+, le cinéphile averti regarde les productions hongkongaises. Focus sur un cinéma sensible et bouillant.

Depuis 2019, la relation toxique qui unit Hong Kong à la Chine a pris un tournant violent, à grands coups de manifestations et d’émeutes. Les cinéastes de la cité-État n’ont pourtant eu de cesse d’avertir sur les couples à problèmes. En 1997, trois ans avant son film le plus célèbre, In The Mood For Love, Wong Kar-wai dévoilait ainsi Happy Together, dont une version restaurée sort ce 20 décembre 2023. Récompensé par le prix de la mise en scène à Cannes, il suit la longue rupture de deux hommes en voyage en Amérique du Sud : on a un peu de cul, beaucoup d’engueulades, quelques violences, et des regrets infinis. Il n’y a aucun hasard dans le fait qu’il sorte l’année de la rétrocession de Hong Kong, alors colonie britannique depuis 1842, à la République populaire de Chine : on lit dans les travers de cette relation les contradictions de la société chinoise et son besoin de réconciliation, ainsi que l’espoir qui a pu être ressenti au début de cette période nouvelle.

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Comme il ne tombait pas sous les fourches de la censure étatique, le cinéma hongkongais a développé un regard plus libre, et fait office pendant longtemps de fenêtre ouverte sur la société et la culture chinoise, alors que les productions de Chine continentale ne traversaient que peu les frontières. De son côté, la République populaire de Chine a interdit la diffusion du Secret de Brokeback Mountain (réalisé par le Taïwanais Ang Lee), coupé les références à l’homosexualité dans le biopic consacré à Freddie Mercury, Bohemian Rhapsody, dans Friends ou encore dans Les Animaux fantastiques 3, et censuré la quasi-totalité des productions locales abordant des sujets LGBTQI+.

Un cinéma très putes

Depuis les années 1970, Hong Kong exporte avec succès des films de baston, Bruce Lee et Jacky Chan en tête, et ceux d’un comique bruyant, en particulier Shaolin Soccer et Crazy Kung-Fu, de Stephen Chow. Mais le cinéma populaire hongkongais se révèle très hétéro : les seules représentations sont des personnages codés gays, efféminés et chochottes. C’est quand même dommage quand on pense que le film d’aventure Le Complot des clans, qui a certes vieilli mais peut-être n’en est-il ainsi que plus camp, présentait un couple lesbien “réaliste” dès 1977 ; on y croise d’ailleurs aussi une personne trans.

En fouillant, on peut trouver quelques œuvres distrayantes, mais terriblement mièvres. Ainsi, Bishonen, de Yonfa, sorti en 1998, se regarde : pour qui aime les scénarios des yaoi, cette histoire d’amour entre un policier et un prostitué, tout en regards, en postures et en camouflage des sentiments, plaira ; sans vouloir spoiler, la fin peut-être moins. Le cinéma gay hongkongais a-t-il à ce point besoin de son Pretty (Wo)man ? Toujours est-il que l’on retrouve ce schéma du couple formé avec un prostitué dans Lan Yu, histoire d’hommes à Pékin, de Stanley Kwan, sorti en 2002, de bien meilleure facture et qui aborde en toile de fond le massacre de la place Tian’anmen. Son réalisateur est d’ailleurs un des rares cinéastes out du pays : on ne s’étonnera donc pas que le Festival du film lesbien et gay de Hong Kong, fondé en 1989, propose principalement des films étrangers.

Scud, ciné gay subversif

Mais ! Est-ce un oiseau, est-ce un avion, est-ce Superman ? Non, c’est Scud, le cinéaste hongkongais le plus subversif des quinze dernières années. Bien décidé à torpiller la bonne morale, il truffe ses films de mecs à poil, de bites et de drogue – et c’est parfois un peu gratuit. Lui, il ne tortille pas : il est out, refuse la censure, en particulier l’autocensure. Pour Love actually... sucks! malheureusement non distribué en France, il assure que certaines scènes de sexe ne sont pas simulées. Dans Adonis, une ronde de beaux mecs musclés, imberbes et aux regards durs tombe le bas avant de se jeter sur un homme abandonné à leurs désirs. La pellicule est belle, les plans sont léchés, l’esthétique joue sur le kitsch à la fois queer et chinois, les scénarios débordent souvent des cadres. Apostles et Bodyshop, ses derniers films, devraient être disponibles en France en DVD en 2024.

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Sorti en 2010, Amphetamine commence par la rencontre entre un yuppy banquier gay et un prof de natation plus ou moins hétéro (le réalisateur avait déjà exploré les joies et les malheurs de tomber amoureux d’un hétéro dans Permanent Residence, en 2009). Ça se regarde sous les douches, une balade, un coucher de soleil, et ça finit par s’embrasser dans le jacuzzi. Mais Scud ne fait pas dans les histoires d’amour : la drogue pourrit le couple, à moins que ce ne soit l’homophobie intériorisée ou les conséquences d’un viol. Mais l’histoire se veut aussi sociale et politique, tant le fossé qui sépare un banquier out discutant de son homosexualité au travail et un prof de natation qui se prostitue occasionnellement pour une branlette dans les vestiaires illustre les soubresauts de la société hongkongaise après la crise financière de 2008.

"Un printemps à Hong Kong"

L’étrangeté des films LGBTQI+ de Hong Kong est le peu de place faite à l’homophobie : un peu de gêne, quelques regards, parfois des insultes, de très rares agressions. Peut-être est-ce pour la même raison que l’on y voit autant de prostitués – qui représentent une des rares possibilités d’une homosexualité out dans une société homophobe – et si peu de coming out.

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Sorti en 2019, Un printemps à Hong Kong, de Ray Yeung, par ailleurs directeur du Festival du film lesbien et gay de Hong Kong, nous montre le rapprochement de deux vieux, l’un marié, l’autre veuf. Sont-ils un couple ? Peuvent-ils l’être sans faire de coming out à leur famille, en particulier à leurs enfants, dont le regard semble tellement leur peser ? La honte, la tradition et l’âge s’allient pour piéger dans la clandestinité leur homosexualité. De lieux de cruising en love hôtel, on découvre une génération à jamais dans le placard, alors que leurs benjamins veulent réveiller leurs aînés et faire entendre leurs voix. À Hong Kong, ce sont aussi les jeunes qui ont mené le mouvement contre la reprise en main par la Chine.

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Crédit photo : Permanent Residence, Optimale Distribution