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musiqueSi vous adorez Pomme, vous allez aimer Victoria Canal

Par Tessa Lanney le 19/01/2024
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Victoria Canal nous enveloppe de son chant aussi mélodieux que mélancolique. Dans son dernier EP, "Well Well", elle s'exprime pour la première fois sur son handicap et sa bisexualité.

Il y a les artistes LGBT+ dont la fierté passe par l'extravagance ou par une sensualité assumée. Et puis il a les intimistes, qui comme Victoria Canal se présentent au monde en toute vulnérabilité, n'hésitant pas à confier leurs angoisses et leurs insécurités. Dans son dernier EP, Well Well, paru l’été dernier, la chanteuse hispano-américaine aborde de front, avec toute l'émotion que transmet sa musique, son handicap ainsi que sa bisexualité.

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À force d’introspection, Victoria Canal a peu à peu laissé se dévoiler des parties d’elle que la timidité lui commandait de mettre de côté. "Company", sur Well Well, est sa première chanson à s’adresser – subtilement – à une femme. "J’ai encore du chemin à faire pour parler ouvertement de mes relations romantiques avec les femmes", admet-elle volontiers. Pourtant, elle se sent bien moins vulnérable en jouant des airs tristes et réconfortants à la guitare et au piano. Sa voix douce et enivrante, aux accents mélancoliques, nous rappelle sans forcer l’univers onirique de Pomme : la chanteuse de 25 ans a d'ailleurs assuré l'an dernier les premières parties de la star française. Dans la complainte "Black Swan", elle s'appesantit, grave et tremblante, sur des ballades teintées de chagrin. Victoria Canal se met elle-même dans la peau du cygne noir, incapable de trouver sa place, en prise avec des émotions et une identité dont elle voudrait se délivrer. "Même lorsque je me mets à nu, confie-t-elle, les chansons agissent comme une sorte de bouclier, de cape d’invincibilité."

Revendiquer une identité queer

La prise de conscience de sa bisexualité n’est pas récente. "Au collège, il n’y avait rien de pire qu’être lesbienne", lâche-t-elle. À cette période, elle prend toutefois son courage à deux mains et confie à une amie qu’elle est intéressée par les filles. Cette dernière s’empresse de répandre la nouvelle dans toute l’école. "Les gens ont subitement arrêté de me parler", se souvient-elle douloureusement. Dès lors, elle décide de mettre ses premières intuitions sous le tapis. "Au fond, je pensais être dans le tort, que ça finirait par me passer. Et puis non, lance-t-elle dans un élan de joie, les femmes m’attirent beaucoup trop ! Je crois que ça fait seulement deux ans que je m’autorise à l’admettre."

"Quand on est queer, on en bave pour se sentir bien dans notre peau, résume l'autrice-compositrice. Et je trouve ça fabuleux de chanter devant une foule qui a traversé les mêmes épreuves à un moment ou à un autre." Revendiquer son identité queer peut être effrayant, mais Victoria Canal se montre désormais volontiers volubile, ayant trouvé le caractère libérateur de cette expansion. "Pendant un moment, on ne me voit plus uniquement à travers mon handicap", explique la jeune femme née avec une malformation au bras droit. Elle s'est depuis longtemps lassée des commentaires et des interviews qui ne tournent qu'autour de son physique. "Je suis née comme ça, reprend-elle. Je n’y pense que très rarement, alors c’est épuisant qu’on remette inlassablement le sujet sur le tapis." Dans sa loge, elle prend les rênes de son récit qu'elle partage en toute conscience.

"Quand je chante, je n'ai plus d'enveloppe corporelle."

Malgré les apparences, sur scène, elle a toujours peur de ne pas être assez belle. "Je ne parle pas seulement de mon bras mais de mon poids, de mon visage… Je bataille en permanence avec l’idée que personne n’a envie de me regarder”, avoue-t-elle. On le comprend aisément à travers les paroles de "Shape", qui traitent de dysmorphophobie, l'idée obsessionnelle que son corps est bourré de défauts : "Mais j'en ai marre de haïr Dieu / Pour la forme que je n'ai pas / Et j'échangerais chaque combat que j'ai mené / Pour aimer ce que j'ai." Quand elle chante, ses insécurités s’envolent, et elle se montre telle qu'elle est, sans faux-semblant. "Quand je chante, je n’ai plus d’enveloppe corporelle : j’oublie qui je suis, l’image que je renvoie, comment elle sera perçue." Et ça, la musique le rend contagieux.

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Crédit photo : Karina Barberis