documentaire"Queendom", le drag en lutte contre la Russie de Vladimir Poutine

Par Florian Ques le 25/01/2024
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Programmé en exclusivité au Forum des images, à Paris, Queendom montre la lutte artistique de la performeuse queer Jenna Marvin dans une Russie qui nie toujours plus les droits LGBT+.

"Aujourd'hui, si tu portes un simple pin's avec le drapeau arc-en-ciel, tu peux atterrir en prison, explique la réalisatrice Agniia Galdanova. C'est comme si tu étais considéré comme un extrémiste." C'est la réalité de la Russie de Vladimir Poutine : un pays qui, après avoir dépénalisé l'homosexualité en 1993, s'enfonce dans l'obscurantisme autoritaire, niant toujours plus les droits LGBTQI+ et réprimant tout militantisme. La résistance est d'autant plus difficile depuis l'invasion de l'Ukraine il y a deux ans. Le documentaire Queendom, projeté en exclusivité par le festival Un état du monde au Forum des images, à Paris, ce dimanche 28 janvier, suit ainsi Jenna Marvin, une artiste queer qui performe en drag dans les lieux publics russes. "C'est une forme de provocation dont la société russe a désespérément besoin, affirme la réalisatrice. Juste avec cette imagerie sans discours, juste avec une image percutante que tu n'oublieras peut-être pas, ça te pousse à t'éduquer et à cultiver ton esprit critique. Ce n'est pas juste de l'art, ça va au-delà."

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La provocation est un art de rue

Jenna Marvin enfile des tenues hors du commun, souvent difformes, qui mélangent formes et textures pour aboutir à un rendu visuel surprenant, provoquant, presqu'inquiétant. Son art se rapproche du drag créature, mais Jenna ne parle pas, jamais. Son apparence fait tout le travail : cette extravagance choquante, voire violence (comme ce fil barbelé qui entoure la tête de l'artiste), déclenche des réactions vives chez les passants. "Certaines performances exigeaient que je subisse une douleur extrême, par exemple lorsque j'ai recouvert tout mon corps de bande adhésive, note-t-elle. Mon mental ne devait surtout pas lâcher."

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Dans une scène du documentaire, Jenna est vêtue d'une immense tenue blanche indescriptible qui lui fait ressembler autant à une créature marine qu'à un monstre clownesque ; un couvre-chef démesuré orne sa tête tandis que des gants ultra longs viennent prolonger ses doigts. Ainsi accoutrée, elle marche puis rampe dans une rame du métro de Moscou. Autour d'elle, les gens la dévisagent, se moquent d'elles, filment, hilares, ce spectacle avec leurs téléphones. Imperturbable, la jeune femme ne laisse voir aucune émotion. "C'est bizarre quand des gens se mettent à t'enregistrer tout en te criant dessus, surtout qu'ils ne pouvaient pas quitter le métro avant qu'on arrive à la prochaine station, détaille Jenna. Ils étaient comme pris en otage par ma performance."

Confectionner ses vêtements et son personnage peut lui prendre des semaines. "Lorsque j'avais 11 ou 12 ans, j'ai voulu aidé une amie qui participait à un concours de beauté dans mon village. Je devais porter une perruque et un gros manteau en fourrure. Quand je l'ai enfilé, je me suis sentie puissante, se souvient Jenna. J'avais un peu peur avant de débarquer sur la scène puis j'ai osé. Sur le moment, je n'ai pas pensé à grand-chose." Elle adopte le même détachement lors de ses performances actuelles. "Il y a eu des situations où c'était clairement dangereux, souligne Agniia Galdanova. Mais Jenna nous répétait qu'elle s'en fichait. Qu'on filme ou non, elle allait mener chaque projet jusqu'au bout." Mais la situation en Russie ne s'améliore pas, et Jenna est réfugiée en France, à Paris, depuis deux ans. Elle continue néanmoins de performer, sur Instagram, devant ses 146.000 abonnés.

>> La projection de Queendom sera suivie d'un échange entre la documentariste Laura Poitras, la réalisatrice Agniia Galdanova et l'artiste Jenna Marvin. Ce dimanche 28 janvier à 18h au Forum des images, à Paris.

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Crédit photos : Galdanova Film Productions