Abo

cinémaCannes 2024 : "Bird", une fable poétique avec Barry Keoghan

Par Franck Finance-Madureira le 22/05/2024

Présenté au Festival de Cannes 2024 en compétition officielle, Bird, d'Andrea Arnold, met en scène dans l’Angleterre prolétaire périurbaine un duo improbable formé par une petite fille bravache et un être étrange qui est la bonté même. Dans ce film, qui mêle dureté de l’époque et merveilleux quasi mythologique, le drame social flirte avec la chronique familiale.

Bailey (Nykiya Adams, révélation !) a 12 ans, elle est un peu tomboy et a la tête dure. Difficile en même temps de vivre une vie insouciante d’enfant quand on habite un squat dans une petite ville du Kent (comté du sud-est de Londres) avec un père post-ado aux addictions multiples (l’Irlandais Barry Keoghan, vu récemment dans Saltburn et Les Banshees d’Inisherin) dont la vie se résume à des petits trafics, à l’organisation de son mariage avec sa nouvelle conquête ou encore à trouver les chansons idéales pour faire baver son nouveau crapaud hallucinogène. Quant à son frère Hunter, il mène des expéditions punitives ciblées et violentes tandis que sa mère est en proie à un mec plus que toxique… Alors Bailey s’évade comme elle peut dans la campagne environnante, en filmant avec son portable des courtes vidéos d’oiseaux dans le ciel, de paysages et d’animaux jusqu’à ce qu’elle rencontre Bird, un être hors-du-commun à la voix étrange, fée à jupette et à la bienveillance infaillible.

À lire aussi : Cannes : Jacques Audiard fait sensation grâce à l'actrice trans Karla Sofía Gascón

Deux personnages hors normes

La réalisatrice britannique Andrea Arnold, à qui l’on doit Fish Tank ou American Honey, trace son sillon naturaliste et accidenté, ose une créativité visuelle teintée de merveilleux pour raconter ce parcours initiatique. Émergeant d’un bestiaire sublimé, le fascinant Franz Rogowski (coup sur coup dans les films Great Freedom, Passages et Disco Boy) donne corps au personnage-titre de Bird, un être asexué d’une douceur et d’une bonté absolues, qui incarne à lui seul un contrepoint salvateur à la famille bien cabossée de la jeune Bailey.

Si la narration manque quelque peu de surprise et si les personnages de prolos british ne sont pas très éloignés des clichés habituels, Andrea Arnold nous offre toutefois deux personnages totalement hors des convenances et des codes de genre habituels. Leur relation, racontée par petites touches, donne lieu à des moments de cinéma d’une délicatesse infinie, à des images animalières dont la beauté, la lumière et le montage transcendent la banalité. Le film agit sur un mode exponentiel, catalysant discrètement les émotions pour les faire évoluer et se transformer. Au contact du personnage de Bird, Bailey semble grandir devant nos yeux, telle l’héroïne d’un conte de fées. Une fable qui confronte réel et merveilleux pour raconter la mue des corps et des esprits…

>> Bird, d'Andrea Arnold

À lire aussi : "La Belle de Gaza", portraits saisissants de femmes trans

Crédit photo : Ad Vitam

cinéma | Festival de Cannes | film