sortirEn parallèle de "Drag Race", la saison du drag a commencé

Par Maxime Fettweis le 07/06/2024
Stargil est une drag queen de Lille

Sortez vos agendas, la saison 3 de Drag Race France s'accompagne de tout un tas d'événements. Et nos queens ont du talent !

"Là c'est un peu la 'race' pour nous aussi, les provinciales." Arracher une heure à Marie-Babette, c'est saisir un papillon en plein vol. L'annonce de la saison 3 de Drag Race France a chargé son agenda : elle doit désormais organiser une viewing party (“séance de visionnage”) par semaine. Avec une bonne dizaine de rendez-vous dans un bar du centre-ville de Rennes pour la deuxième année consécutive, elle s’assure des mois plus confortables : “Après l'hiver claqué au sol qu'on a eu, ça va faire du bien. Mais les viewing, ce n'est pas ce qui demande le plus de taf. Le truc, c'est qu'il faut aussi assurer les événements qu'on avait déjà prévus par ailleurs."

À lire aussi : "Drag Race" saison 3 : trouvez votre viewing party partout en France

Cette période chargée est aussi une opportunité pour tester des choses. “C’est très formateur pour les drags qui se lancent. Toutes les semaines, on se voit, on crée des trucs ensemble…” se réjouit Judas Morningstar, une queen dont les shows animent souvent Clermont-Ferrand. Le reste de l’année, les performances, bingos et blind-tests sont bien seuls au milieu d’un calendrier difficile à remplir. Alors avec le retour de Drag Race France, "la haute saison du drag est lancée, c’est sûr", ajoute Judas.

Barbette
Marie-Babette par Caterina Franci

Un effet boule de paillettes 

Partout en France, au moins cinquante événements, dont une vingtaine rien qu’à Paris, permettent au public de palpiter en communauté. Et aucune grande ville n’est épargnée, les rassemblements font partie du folklore. Orchestrés par la scène drag, ils sont de plus en plus nombreux depuis la première saison, comme le public. À Lille, il est possible de choisir entre cinq viewing party différentes. Cette année encore, Stargirl accueille jusqu'à 350 personnes dans la capitale du Nord (le précédent lieu était limité à 200 places). Après une grande première à guichets fermés pour le lancement de l'émission vendredi 31 mai, il lui reste des places pour les prochaines dates. "Le phénomène prend au fil de la saison et ça attire de plus en plus de monde jusqu'à la finale qui est une sorte d'apothéose", assure-t-elle. Pour booster l'événement, elle invite chaque semaine des candidates ou ex-candidates dans sa ville. Cookie Kunty, de la saison 2, et Alvilda, gagnante de la dernière édition de la version belge, ont inauguré la viewing du 31 mai ; un petit exploit, puisque les stars de l’émission sont très sollicitées en ce moment. "C'est une occasion unique où on a la lumière sur nous, estime Stargirl. Alors on met le paquet."

"À la fin les gens discutent, tu vois des sourires sur tous les visages, on se dit qu’on n’est pas seul dans cette société où tout n’est pas forcément facile"

"Ça ramène du monde, même si les citadins disparaissent en été", constate Judas Morningstar. "À cette époque de l'année, notre public est différent, puisqu’il y a des gens de passage”, ajoute de son côté Marie-Babette, qui se réjouit de colorer Rennes aux couleurs du drapeau LGBTQIA+ avec ses sœurs. Car le succès de la première saison a fait de Drag Race un rendez-vous estival incontournable. En particulier à Clermont-Ferrand, lorsque la queen locale Paloma a ramené la couronne à la maison. Et comme les matchs de football, l'émission se regarde massivement dans les bars. "À la fin les gens discutent, tu vois des sourires sur tous les visages, on se dit qu’on n’est pas seul dans cette société où tout n’est pas forcément facile", se réjouit Marie-Babette.

Stargirl est une drag queen de Lille
Stargirl par Quentin Merveillie

Mon royaume pour une couronne

L'engouement autour de Drag Race permet aussi aux queens de rencontrer le public près de chez elles. À côté des habitués, elles voient arriver de nouvelles têtes à convaincre pour le reste de l'année. Alors on fait chauffer les machines à coudre, et on ne lésine par sur les paillettes, ce n’est jamais trop, de l'avis de Judas Morningstar : "Pendant deux mois, on sort nos meilleures perfs et des tenues qu'on n’a jamais portées." Avec sa house – son collectif drag –, elle offre aux Clermontois un spectacle endiablé entre les mini et maxi défis de l'émission : "Il faut les émerveiller. Ensuite on poursuit avec un gros show la semaine après la finale pour qu’ils gardent la bonne habitude de venir nous voir et ne nous oublient pas trop vite.” Stargirl estime qu’après chaque saison au moins 10% des nouveaux venus deviennent des habitués. Autant dire que les deux premières éditions ont contribué à grossir son compteur Instagram.

Judas Morningstar
Judas Morningstar par Simon Butch

Drag Race est aussi un moyen de sensibiliser les plus novices à l’art du drag. Outre ses scènes ouvertes, Marie-Babette propose des échanges pour aborder la culture queer : "Drag Race France est l'adaptation d'un format américain, c'est important d'expliquer qu’en France et en Europe on a aussi une histoire du drag." Très souvent, les nouveaux venus viennent la voir pour lui dire qu’ils découvrent que le drag existe aussi à Rennes. “Mais on est 50, chouchou, il faut se mettre à la page”, ironise-t-elle.

Au rythme de la house

La house of Morningstar a le quasi-monopole des visionnages sur Clermont-Ferrand. Pour les autres, la haute saison rime avec plus de pression. Car il faut partager le gâteau avec d’autres drags locales qui ont flairé, à raison, le bon concept. “On sent la course à la communication et à la viewing. Sur les réseaux, tout le monde veut tirer la couverture à lui, mais c’est normal, c’est aussi un peu ça le drag”, s’amuse Stargirl. Elle voit éclore les agendas des soirées à Nantes, Lyon ou Bordeaux, et les drags rivaliser d'exubérance dans leurs visuels et de créativité dans ce qu’elles proposent. 

Les viewing party sont aussi un créneau porteur quand on regarde à une plus grande échelle. La société Rainboworld France, à la tête de gros événements queers dans l’Hexagone, a mis le grappin sur le concept et organise plusieurs soirées de visionnage d’affilée. Vous n’êtes pas disponible pour la sortie de l’épisode le vendredi ? Ce n’est pas grave, Misty Phoenix commente aussi l’épisode le samedi dans un bar du Marais. Des diffusions à la chaîne à base de show XXL et photobooth, car il faut qu’on s’en souvienne. L’ambition de Rainboworld ne s’arrête pas au périphérique de Paris : l’entreprise est aussi à la manœuvre des viewing party de Lova La Diva à Toulouse.

La concurrence est exacerbée car chaque lieu veut sa viewing party, et plus si affinités. Marie-Babette espère que la considération des patrons de lieux dans sa ville permettra bientôt d’organiser une grande viewing party plutôt que cinq petites, même si elle se réjouit des nouvelles opportunités. Elle voudrait réunir ses frères et sœurs drag pour proposer un grand événement encore plus rassembleur.

Vos reines ont besoin de vous

Précaires, ces artistes ne sont souvent pas éligibles au statut d’intermittent du spectacle. Malgré cela, le drag est de plus en plus visible, son succès est validé par les médias, et le soleil permet d’en profiter en plein air. "En hiver, on est moins sollicitées, c’est à nous de se bouger pour avoir du travail. Mais au printemps et en été avec Drag Race, c’est l’inverse", précise Marie-Babette. “La période qui commence est celle où c’est moins compliqué d’organiser des choses autour du drag”, confirme Stargirl. Alors autant y participer pour montrer aux bars que les drag queens sont un produit d’appel sans pareil. Ça tombe bien, on a encore au moins neuf semaines de Drag Race devant nous. De quoi se mettre l’eau à la bouche pour continuer à soutenir nos artistes le reste de l’année.

À lire aussi : "Drag Race France", saison 3 : sous la wig d'Afrodite Amour

Crédit photo : Léa Delhomme

sortir | Drag Race | drag | culture | spectacle