Un couple de jeunes hommes explore la sensualité et la mémoire enfouie de leur pays dans Viêt and Nam, nouveau film sensoriel de Tru’o’ng Minh Quý, sorti ce mercredi 25 septembre après avoir été présenté au Festival de Cannes et qui dessine le portrait d’un pays encore meurtri par son histoire.
Au début des années 2000, Viêt et Nam, deux mineurs de fond qui ont chacun perdu leur père durant la guerre du Vietnam (1955-1975), descendent chaque jour à 1.000 m sous la surface de la terre pour en extraire le charbon. Ils sont amoureux et, souvent, le souffle court, la peau luisante de transpiration, leurs corps se mêlent dans la lumière particulière de leur vie souterraine.
Dès la première partie du film, qui documente le quotidien des deux mineurs de charbon amoureux, le réalisateur Tru’o’ng Minh Quý, qui signe ici son troisième long-métrage, pose les bases d’un récit construit avant tout sur l’éveil des sens : les bruits de la mine et du souffle d’un amant, la vision diminuée qui crée l’intimité, le goût des larmes ou de la sueur, le contact des corps, l’odeur du monde souterrain marquée par le manque d’oxygène. Ce préambule met les sens des spectateurs en éveil, et les prépare à rejoindre la quête mémorielle qui anime les personnages.
Les traumas de l'histoire du Vietnam
Dans la deuxième moitié du film, qu’ouvre l’apparition tardive du titre, on plonge ainsi dans une quête commune à de nombreuses familles vietnamiennes : celle des corps des soldats morts au combat et enfouis sur place. Comme deux âmes sœurs dont les corps et les attitudes se confondent, les deux garçons vont se lancer à la recherche du corps du père de Nam, mort au front dans le sud du pays, aux côtés de sa mère, d’un vétéran et d’une chamane. Ce rituel mystique est ici vu comme un passage obligé pour envisager un avenir plus serein. "Je pense que c'est important d'accepter que certains traumas existent toujours même si leur intensité est moins forte au fil du temps, explique le cinéaste. L’action du film se déroule en 2001, et aujourd'hui les nouvelles générations ont des rapports différents à cette histoire, ce qui n’empêche pas que ces traumas soient toujours présents."
Si Viêt and Nam est un film sensoriel qui laisse toujours au premier plan le ressenti et l’émotion quitte à s’échapper parfois de sa ligne narratrice, s’autorisant des parenthèses et des digressions, il parvient à maintenir une tension qui va crescendo jusqu’au final bouleversant, symbolique, qui résonne terriblement avec l’époque. S’inscrivant dans une nouvelle vague du jeune cinéma vietnamien qui affronte sans détour le passé du pays (citons Pham Thiên An pour L’Arbre aux papillons d'or ou Lê Bảo pour Taste), Tru’o’ng Minh Quý assume un geste de cinéma à la fois sensuel et politique, doublé d'un questionnement fort sur l’exil.
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Crédit photo : Nour Film