spectacle"On ne laisse pas Bébé dans un coin" : la comédie musicale "Dirty Dancing" est à Paris

Par Aurélien Martinez le 03/12/2024
La comédie musicale "Dirty Dancing" est à Paris/

Le mythique film musical Dirty Dancing, avec Jennifer Grey et Patrick Swayze, reprend vie sur la scène du Dôme de Paris en mode comédie musicale.

"Alors Bébé, on traîne avec les racailles…" Oui, et pas n'importe où : sur l'immense scène du Dôme de Paris. Depuis le 22 novembre jusqu'au 12 janvier 2025, la comédie musicale Dirty Dancing, basée sur le film culte de 1987, est de nouveau à l'affiche à Paris, et tout y est. Bébé donc, jeune héroïne qui va s'émanciper au contact de la "danse lascive", comme l'ont traduit les Québécois ; ses parents et sa sœur, en vacances avec elle dans une pension des montagnes Catskill, au nord de New York ; et bien sûr Johnny, danseur bellâtre obligé de rapidement trouver une nouvelle partenaire afin de continuer à divertir les touristes.

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"Dirty Dancing, l’histoire originale sur scène", promet la bande-annonce de la version française de ce show créé il y a vingt ans, et déjà passé par Paris il y a une dizaine d'années. C'est exactement ça. Avec cette fois, dans le rôle de Bébé, l'excellente Justine Marec, à la ressemblance troublante avec Jennifer Grey, qui irradie de malice le plateau. À ses côtés, Michael O’Reilly est Johnny, tel qu'il l'est à Londres depuis plus de cinq ans. L'ancien rugbyman au corps sculptural (d'où les nombreux frémissements sonores de l'assistance au moment où il tombe la chemise jusqu'à se retrouver en slip blanc) a dû apprendre le français pour incarner le rôle tenu par Patrick Swayze à l'écran.

Une lecture féministe de Dirty Dancing

C'est bien lui le personnage ici réifié (il s'en plaint ouvertement dans un dialogue, ce qui suscite des tendres "oh" de compassion du public) et non Bébé, qui disserte quant à elle sur les grands sujets de société de l'époque, le début des années 1960. D'où, aux yeux de pas mal de fans, l'aspect féministe de cette œuvre qui évoque, en plus du combat pour les droits civiques, la question de l'avortement et condamne les agissements de certains hommes entourant les héros. La salle siffle ainsi fortement le père lorsqu'il clame à sa fille : "Retire le maquillage ignoble que tu as sur la figure, on dirait une pute."

"Tu n'as pas besoin de courir le monde après ton destin comme un cheval sauvage."

Ne nous y trompons pas, si les spectateurs se sont déplacés, c'est aussi pour voir le film en live et ses moments iconiques : ils sont servis. De la fameuse réplique "Tu n'as pas besoin de courir le monde après ton destin comme un cheval sauvage" de la VF (car il n'est pas question d'équidé en VO), source d'applaudissements nourris, au porté final sur le tube "(I've Had) The Time of My Life" immortalisé par un paquet de smartphones, les bonbons sont bel et bien là, sucrés à souhait. La mise en scène joue efficacement avec ces moments clés, à l'image du tableau dans le lac reproduit avec un soupçon d'ironie par le couple aux cheveux faussement mouillés, ou celui de la bagarre chorégraphiée au son de "You Don't Own Me", classique des années 1960.

Deux heures durant, l'ADN du film du réalisateur gay Emile Ardolino, mort du sida en 1993, et son histoire imaginée par l'autrice Eleanor Bergstein (qui a été aux commandes de la comédie musicale à sa création en 2004) sont retranscrits à la lettre avec, grand spectacle oblige, pas mal de morceaux additionnels. Et, surtout, une équipe artistique importante qui assure avec brio les parties dansées et chantées, offrant un supplément d'âme à ce show qui fait le job : celui de proposer une version augmentée d'un film culte pour une génération.

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Crédit photo : Laura Gilli

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