Invité de LCI ce 27 janvier, François Bayrou a tenu sur la fin de vie des propos ahurissants, le Premier ministre accusant notamment la Belgique d'autoriser l'euthanasie de mineurs "mal dans leur peau".
Mais quelle mouche a piqué François Bayrou ? Ce lundi 27 janvier, pendant près de deux heures, le Premier ministre était l'invité de Darius Rochebin sur LCI ; l'occasion de revenir sur les dossiers en cours, dont celui du projet de loi sur la fin de vie, laissé en plan par la dissolution en juin de l'Assemblée nationale.
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Pour argumenter son point de vue sur le sujet, le chef du gouvernement se lance dans un développement déroutant. "J'ai reçu des lettres bouleversantes", expose-t-il d'abord, convoquant le cas d'"une dame" qui lui aurait écrit ceci à propos de sa fille trisomique : "Elle est tellement gentille que le jour où je vais partir, je suis sûre que, pour faire plaisir, elle est capable de dire « moi aussi, je veux partir comme ma maman »…" Sous-entendant que de telles demandes pourraient entrer dans le cadre d'une aide à mourir, ce que personne n'a jamais proposé.
"Les propos tenus par François Bayrou sont ahurissants"
François Bayrou prend ensuite l'exemple de la Belgique, où l'euthanasie active est autorisée depuis une loi de 2002. "On a apporté cette aide à mourir à des adolescents simplement parce qu'ils étaient mal dans leur peau", affirme-t-il alors, sans que le journaliste n'intervienne pour contredire une telle énormité. De quoi indigner Elio Di Rupo, ancien Premier ministre de la Belgique et aujourd'hui député européen, qui a réagi ce mardi 28 janvier sur X (Twitter) : "Les propos tenus hier soir par François Bayrou sur l’euthanasie en Belgique sont ahurissants et déconnectés de la réalité. Affirmer que « la Belgique apporte cette aide à mourir à des adolescents simplement parce qu’ils sont mal dans leur peau » est une contre-vérité choquante et méprisante pour les soignants qui appliquent cette loi avec rigueur et humanité."
En effet, si le droit belge autorise et encadre depuis 2014 l’euthanasie d'un patient mineur, c'est à la condition expresse que celui-ci soit incurable et condamné. Noir sur blanc, la loi belge explicite : "Le patient mineur doté de la capacité de discernement se trouve dans une situation médicale sans issue de souffrance physique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui entraîne le décès à brève échéance, et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable."
Les propos tenus hier soir par François Bayrou sur l’euthanasie en Belgique sont ahurissants et déconnectés de la réalité. Affirmer que « la Belgique apporte cette aide à mourir à des adolescents simplement parce qu’ils sont mal dans leur peau » est une contre-vérité choquante et…
— Elio Di Rupo (@eliodirupo) January 28, 2025
"Jamais un Premier ministre n’avait fait cela !"
En France, le président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Jonathan Denis, s'est également ému sur X de la légèreté avec laquelle le Premier ministre a propagé de telles contre-vérités : "Quelle honte que François Bayrou puisse ce soir sur LCI manipuler le débat sur le sujet de la fin de vie en donnant un exemple ahurissant lié à la trisomie et en déclarant que l’euthanasie est autorisée en Belgique pour « un adolescent simplement mal dans sa peau »." Et d'affirmer que le chef du gouvernement n'est "absolument pas à la hauteur des enjeux sur le sujet", avant de pointer : "Jamais un Premier ministre n’avait fait cela !"
Quelle honte que @bayrou puisse ce soir sur @LCI manipuler le débat sur le sujet de la #FindeVie en donnant un exemple ahurissant lié à la trisomie et en déclarant que l’euthanasie est autorisée en Belgique pour « un adolescent simplement mal dans sa peau ». pic.twitter.com/tQG1jbSXvC
— Jonathan Denis (@JonathanDenis) January 27, 2025
Qualifiant l'aide à mourir de "débat de conscience", François Bayrou a confirmé au passage sa volonté de scinder le projet de loi sur la fin de vie, pour distinguer les "deux sujets" des soins palliatifs et de l'aide à mourir afin de "pouvoir voter sur chacun de ces deux textes différemment". Quelques heures avant l'interview, dans une tribune publiée sur le site du Parisien, quelque 200 personnalités politiques issues du Parti socialiste (PS) ainsi que du camp présidentiel (dont la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet) ont au contraire plaidé "pour une loi unique", estimant que "dissocier les soins palliatifs de l'aide médicalisée active à mourir serait une erreur" et arguant : "Les études internationales les plus rigoureuses démontrent les liens étroits et complémentaires entre ces deux approches. L’aide médicalisée active à mourir est une forme ultime de soin palliatif, dans la continuité des soins déjà prodigués." Quoi qu'il en soit, ce débat de conscience mérite mieux que des propos de café du commerce lâchés sur le zinc d'une chaîne d'information.
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Crédit photo : capture d'écran LCI