lobby réac"Free Marine Le Pen" : la vérité alternative de Trump en soutien à celle du RN

Par Thomas Vampouille le 04/04/2025
Marine Le Pen a fait appel du jugement la condamnant pour détournement de fonds publics.

On n'attendait plus que lui. Après le Kremlin, Viktor Orbán, Jair Bolsonaro et Elon Musk, Donald Trump a ajouté sa voix au chœur de l'internationale réactionnaire qui fait de Marine Le Pen une victime à la suite de sa condamnation, en première instance, pour détournement de fonds publics dans l'affaire des assistants parlementaires européens du Rassemblement national (RN).

Dans les attendus du jugement qui a condamné, en première instance le 31 mars, Marine Le Pen pour détournement de fonds publics, le tribunal de Paris relève "une conception à tout le moins narrative de la vérité" des mis en cause (24 personnes ont été condamnées dans ce procès). Et les juges d'expliquer : "Ils n'ont pour la plupart manifesté aucune volonté de participer à la manifestation de la vérité, avec laquelle ils ont pour certains un rapport très distendu, niant parfois jusqu'aux évidences, y compris leurs propres écrits de l'époque."

À lire aussi : Marine Le Pen condamnée : d'Orbán à Poutine, les grands démocrates se mobilisent

En toute logique, l'égérie mondiale de la "vérité alternative", Donald Trump, s'est joint au concert des grandes voix démocrates de ce monde qui ont pris fait et cause pour la cheffe de file de l'extrême droite française. Dans un message posté ce jeudi 3 avril sur son propre réseau social, "Truth Social", le président américain dénonce une "chasse aux sorcières" menée par des "gauchistes européens qui se servent de l'arme judiciaire pour museler la liberté d'expression et censurer leur adversaire politique, allant cette fois jusqu'à mettre cet opposant en prison."

Bien que Marine Le Pen soit parfaitement libre de ses mouvements (sa peine d'emprisonnement, suspendue par son recours en appel, est de quatre ans dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique) et conserve son siège de députée, son allié conclut en majuscules : "LIBÉREZ MARINE LE PEN !" Un message et un slogan aussitôt relayés sur X (Twitter) par son fidèle Elon Musk.

Plutôt disert sur cette affaire, Donald Trump en livre son analyse toute personnelle : "Ils lui font payer une accusation mineure dont elle ne savait probablement rien. Cela me semble une erreur de 'comptabilité'." Évidemment, personne n'attend du personnage qu'il ait lu les 152 pages du délibéré, dont de larges extraits ont été publiés par Le Monde, ni qu'il choisisse un autre chemin que celui des troupes de l'intéressée, lesquelles ont passé la semaine à tenter de minimiser l'affaire dans l'esprit du public en se vautrant allègrement dans les contre-vérités…

Pour le RN comme pour Trump, la vérité est ailleurs…

Or la lecture du jugement dément tout l'argumentaire trumpien ; en premier lieu son ignorance des faits, démentie par des messages de l'époque qui y sont cités. "Je crois bien que Marine sait tout cela…", répondait ainsi Wallerand de Saint-Just, alors trésorier du Rassemblement national (RN) présidé par la fille de Jean-Marie Le Pen, dans un échange de courriels en 2014 avec l'eurodéputé Jean-Luc Schaffhauser qui lui signalait : "Ce que Marine nous demande équivaut qu’on signe pour des emplois fictifs. (…) Je comprends les raisons de Marine mais on va se faire allumer. (…) Je n'ai pas prévenu les autres du cadre légal car je créerai encore plus de bordel."

En fait d'"erreur de comptabilité", le tribunal parle plutôt "d'un système mis en place pour rémunérer sous couvert de contrats fictifs d'assistant parlementaire des personnes qui travaillent en réalité pour le parti ou pour ses dirigeants", lequel système porte sur "environ 2,9 millions d’euros (hors contrats de Jean-Marie Le Pen)". Et le délibéré d'insister : "Il ne s’agissait pas d’erreurs administratives ou d’incompréhension par les députés de règles européennes confuses, mais de détournements dans le cadre d’un système mis en place pour alléger les charges du parti."

Pour justifier la peine d'inéligibilité de cinq ans avec exécution immédiate, prononcée à l'endroit de Marine Le Pen et qui compromet sérieusement sa candidature à l'élection présidentielle de 2027, le tribunal la justifie non pas "parce que Marine Le Pen s'est défendue", comme nous l'a seriné toute la semaine l'état-major de son parti, mais parce que sa défense n'ayant jamais reconnu la faute, le risque de récidive est considéré comme important dès lors que des deniers publics lui seraient à nouveau confiés : "Dix ans après la dénonciation des faits, toutes les personnes condamnées contestent les faits, ce qui est évidemment leur droit. Elles n'ont dès lors exprimé aucune prise de conscience de la violation de la loi qu'elles ont commise (…). L'existence de mandats en cours, de même que les prétentions à briguer de tels mandats sont de nature à laisser persister un risque d’utilisation frauduleuse des deniers publics que les intéressés seraient amenés à percevoir, détenir, octroyer ou utiliser dans le cadre desdits mandats, ce que seule l'exécution provisoire permet de prévenir."

À lire aussi : Donald Trump, Elon Musk, Javier Milei : les nouveaux barons voleurs

Crédit photo : Anne-Christine Poujoulat / AFP

lobby réac | politique | monde | extrême droite | États-Unis | Donald Trump | Marine Le Pen | justice | news