L'auteur gay américain Edmund White est mort ce mardi 4 juin à l'âge de 85 ans. L'homosexualité – et le sexe gay – a tenu une place centrale dans ses romans publiés depuis les années 1970, comme dans les biographies qu'il a consacrées à Genet, Proust ou encore Rimbaud.
"Au milieu des années 1950 – j'avais 14 ou 15 ans –, j'ai déclaré à ma mère que j'étais homosexuel…" Ainsi commencent les mémoires d'Edmund White (Mes vies, 2005), romancier américain mort ce mardi 3 juin à l'âge de 85 ans. L'auteur d'Un jeune Américain (1982) ou de La Tendresse sur la peau (1988), qui racontent l'éducation sentimentale d'un jeune gay dans les années 1960 et vivant les émeutes de Stonewall, a placé le sexe au cœur de ses romans, en le liant à la vie sociale et politique en pleine épidémie de sida – Edmund White a été diagnostiqué positif au VIH en 1985.
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"Songez qu'à 16 ans, je m'étais déjà fait 500 mecs", fanfaronnait-il dans une interview à têtu· en 2006, lâchant au passage qu'à cet âge il faisait des petits boulots pour se payer des gigolos. Dès 1977, il avait écrit un impertinent manuel de drague et de sexualité, La Joie du sexe gay (non traduit). En 1973, son premier livre, Oublier Elena, sur la vie gay de Fire Island, est immédiatement un succès.
Pour sortir du placard, la littérature doit prendre sa part : "Il suffit de lire le journal intime de Tennessee Williams : s'il parle d'homosexualité, c'est pour raconter comment il faisait l'amour avec des marins, des marins ivres ou prostitués, bien sûr. Chez Genet, même les voleurs avaient des rapports entre eux ; les pédés, eux, étaient voués à la solitude", analysait-il dans un autre entretien en 2014. À la fin de sa vie, Edmund White s'amusait à raconter qu'il était un habitué du site Silver daddies, quand il n'organisait pas des dîners, des salons littéraires, avec son mari, Michael Carroll.
Un Américain amoureux de Paris
Edmund White ne s'est pas contenté de fables auto-fictionnelles, l'Américain amoureux de Paris (il a vécu en France de 1983 à 1990 et a écrit À l'intérieur d'une perle : mes années parisiennes, non traduit) a aussi consacré sept ans de sa vie à rédiger une biographie de référence de Jean Genet pour laquelle il a parcouru la France rurale à la recherche de la famille du poète français (et où il dresse un portrait tout en nuances de son ami le philosophe Michel Foucault). C'est la découverte de sa séropositivité qui l'a conduit à se lancer dans cette œuvre de grande envergure, projet assumé comme un moyen pour gagner du temps sur la maladie. L'écrivain a ensuite écrit deux autres biographies, celle de Marcel Proust et d'Arthur Rimbaud. La recette de la longévité, semble-t-il, puisque deux accidents vasculaires cérébraux (AVC) et une crise cardiaque dans les années 2010 n'ont pas eu raison de lui.
Admirateur de Dustan, Edmund White a également signé de nombreuses critiques littéraires, un mot auquel il préfère celui "d'appréciation". Selon le New York Times, il a arrêté d'écrire des textes négatifs dans sa vingtaine, ayant en tête la difficulté d'être publié. "Il était toujours là en soutien, à encourager de jeunes auteurs. La plupart des romanciers voient la littérature comme un espace de compétition. Ed était l'opposé de cela. Ses livres ont ouvert un nouveau chemin pour des hommes gays du monde entier", écrit (en anglais) Édouard Louis dans un hommage publié sur Instagram.
"C’est une bien triste nouvelle. Il n’y avait personne comme Edmund White !… Une polyvalence étonnante dans le style, des sujets audacieux et novateurs, un humour noir, un ami pour tant de personnes depuis des décennies", a réagi sur X (Twitter) une de ses proches admiratrices, la femme de lettres américaine Joyce Carol Oates.
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