préventionChemsex : Aides propose une stratégie nationale pragmatique et communautaire

Par Laure Dasinieres le 13/06/2025
L'association AIDES et la Fédération Addiction publient des propositions concrètes, basées sur l’expérience communautaire, pour accompagner les chemsexeurs en difficulté.

L'association Aides et La Fédération Addiction publient des propositions concrètes, basées sur l’expérience communautaire, pour accompagner les chemsexeurs en difficulté.

"Il est illusoire de considérer le chemsex comme un phénomène passager contre lequel il conviendrait de lutter", posent Aides et le réseau d'associations Fédération Addiction dans leur plaidoyer Répondre au défi du chemsex -Propositions pour une stratégie nationale. Considérant le chemsex comme une pratique ancrée dans les cultures sexuelles gays, les deux associations ont travaillé conjointement pour formuler des propositions concrètes, basées sur l’expérience de terrain, afin d’améliorer l’accompagnement des chemsexeurs qui en ont besoin.

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"Depuis une quinzaine d’années, la pratique du chemsex s’est développée, et il y a davantage de chemsexeurs. Parmi eux, certains rencontrent des difficultés, recherchent du soin, et se retrouvent parfois face à des professionnels qui ne sont pas toujours formés pour les accompagner", explique la Dre Muriel Grégoire, psychiatre et directrice du CSAPA Villa floréal à Aix-en-Provence, où elle accueille des chemsexeurs depuis plusieurs années.

En parler bien c'est mieux

En parallèle, le chemsex fait l’objet d’une médiatisation croissante. C’est parfois une bonne chose : "Davantage de professionnels de santé prennent acte désormais de l’existence du chemsex et s’interrogent sur les prises en charge éventuelles", note Muriel Grégoire. Mais, trop souvent, cette médiatisation s’accompagne de stigmatisation, à l’intersection de l’homophobie, de la toxicophobie et de la sérophobie, ce qui nuit aux personnes concernées et entrave l’accès à la prévention et aux soins.

Pour une action politique concertée

Au cours des dernières années, les appels à une stratégie nationale se sont multipliés, portés par des professionnels, des élus, des institutions. Pourtant, les associations, qui dénoncent un écart entre intentions politiques affichées et réalités de terrain, attendent encore une réponse politique cohérente. "Il est temps désormais de passer des déclarations d’intention à une action concrète, coordonnée et fondée sur les besoins réels des personnes concernées", insistent Aides et La Fédération Addiction.

Les deux associations signalent qu'"il ne s’agit pas d’inventer de nouveaux dispositifs mais de soutenir ce qui fonctionne déjà sur le terrain, de renforcer ce qui existe, de garantir l’accès aux droits, à la réduction des risques, aux soins, à la prévention". C’est dans cette optique qu’elles avancent quatre propositions articulées autour d’une approche non stigmatisante et plurielle.

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  • Renforcer la prévention et la réduction des risques

Il s’agit en premier lieu de renforcer la réduction des risques et la prévention. "La réduction des risques englobe à la fois les questions de santé sexuelle et de prévention contre les IST et celles liées à la consommation de drogues", explique Muriel Grégoire. Et d'ajouter : "Sans évidemment chercher à promouvoir la pratique, il s’agit de sortir des discours moralisateurs où la seule solution est l’abstinence." Cela passe notamment par la mise à disposition de matériel de réduction des risques adapté (PreP et dépistages, seringues à usage unique, cartes à taper, roule-ta-paille, etc.), l’amélioration de l’accès aux services d’analyse de produits ou encore la sensibilisation des usagers aux risques de surdose et d’interactions entre substances et médicaments. "De nombreux pratiquants sont des "happy chemsexeurs" [chemsexeurs qui maîtrisent leur consommation] : les outils de prévention et réduction des risques doivent également s’adresser à ce public afin de favoriser l’adoption de bonnes pratiques avant que des troubles de l’usage ou autres problèmes ne s’installent", insistent Aides et la Fédération Addiction.

  • Dépénaliser pour sauver des vies

Réduire les risques, déstigmatiser le chemsex et encourager les personnes à demander de l’aide si nécessaire implique de repenser le cadre légal et de dépénaliser l’usage de drogues. "Dans de nombreux cas, des vies auraient pu être sauvées si les témoins d’une surdose n’avaient pas craint d’appeler les secours par peur de sanctions", signalent les deux associations. "Ce n’est pas l’interdiction qui fait que les gens arrêtent ou prennent moins de risques", ajoute Muriel Grégoire. Face à un gouvernement plus que frileux face à la dépénalisation des usagers, Aides et la Fédération Addiction proposent que la France se dote d’urgence d’une loi "bon samaritain", qui "protégerait ceux qui sollicitent de l’aide en cas d’urgence sur l’exemple de ce qui existe au Canada et aux États-Unis". Elles plaident également pour la formation des forces de l’ordre et des services de secours afin d’assurer des interventions appropriées et sans jugement.

  • Développer des prises en charge pluridisciplinaires

Ensuite, parce que le chemsex est situé au carrefour de l’usage de substances psychoactives et de la sexualité, les associations appellent à développer une prise en charge pluridisciplinaire associant addictologie, sexologie, psychologie et compréhension des spécificités des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). Pour cela, des financements pérennes et non plus ponctuels sont indispensables afin de développer des réseaux de soin locaux, comme cela existe déjà à Paris ou à Marseille, et la diffusion des bonnes pratiques auprès des professionnel·les. "Il s’agit de créer des liens entre les différents acteurs afin de disposer de ressources pour orienter les personnes et assurer leur suivi", explique Muriel Grégoire. L’intégration de la question du chemsex dans les plans régionaux de santé des agences régionales de santé est également souhaitée.

  • Former, documenter, inclure

Enfin, AIDES et la Fédération Addiction insistent non seulement sur l’importance de la formation des professionnel·les mais aussi sur le besoin crucial de développer la recherche, notamment pour étudier les interactions entre substances psychoactives et traitements médicamenteux, ou documenter les besoins spécifiques des personnes trans et des travailleur·euses du sexe.

Ce plaidoyer marque une volonté d'avancer vers une politique de réduction des risques centrée sur les droits, la santé et l’autonomie des chemsexeurs.

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